vendredi 28 novembre 2008

XXI automne.


Le numéro 4 de ce magazine trimestriel de 200 pages illustrées de dessins et comportant des reportages photographiques mémorables comme celui de familles françaises à table qui révèle des solitudes poignantes, des familles explosives, des originaux. Le dossier principal est consacré à l’Afrique avec quelques reportages complets et bien écrits comme d’habitude : l’assassinat de Dieuleveult au Congo pays de silence, le retour au Zimbabwe d’un exilé, la mort d’une Capverdienne à Fresnes, la vie d’un passeur de diamants. Par ailleurs la statue de Marek Alter perd de sa majesté après le portrait qui lui est consacré et le récit graphique : « un amour de Chine » ajoute à l’originalité, à l’élégance, à l’éclectisme de cette entreprise éditoriale qui me ravit à chaque parution en librairie.
La petite fille de la photographie vend un oeuf

jeudi 27 novembre 2008

La chapelle Sixtine


Conférence stimulante de Damien Capelazzi pour les amis du musée. Nous sommes invités à regarder, sans nous casser le cou, les œuvres de Michel Ange avec un œil neuf. Le peintre qui s’échina des années sur le plafond de la chapelle commandée par le Pape Sixte IV, s’exprime surtout en sculpteur, portant puissamment la spiritualité de l’époque et aussi une régénérescence philosophique où les textes de Platon, dans les valises d’une Byzance finissante, venaient redonner poétiquement une issue aux âmes négligées, paraît-il, par Aristote dominant jusque là. Au-delà de la connaissance des vies trépidantes des personnages bibliques, augmentées de sibylles, accompagnés de putti, nous pouvons nous étonner encore de la cruauté des destins des personnages représentés. C’est un hymne, un film dédié à la création, le christ est athlétique, les corps sont magnifiques dans leur nudité pour ceux qui ont échappé à Braghetonne (surnom du peintre qui en voila plus d’un). L’annonciateur du maniérisme, avait commencé en copiant des sculptures pour les faire passer pour des antiquités grecques et dans la fresque du jugement dernier bien des damnés cornus ont des airs de Moyen-Âge. Traversée du temps, une fois la voûte restaurée, Jean Paul II put dire
« tout l’homme suspendu au dessus de nos têtes ».

mercredi 26 novembre 2008

Ecole sensible. « Faire classe » # 10


Sensibles : se disait des quartiers, autrefois avant que Lagardère et Bouygues ne soient les dispensateurs de nos informations.
Et si l’école qui est au cœur des cités n’avait pas aussi ses délicatesses ?
Je risquerais de manquer de cohérence dans mon propos, si je n’exhumais pas quelques réflexions livrées à chaud, il y a maintenant trois ans, en regard de la situation actuelle, où je ne sais percevoir d’améliorations.
INCENDIES :
Tout n’avait pas commencé par l’acte fou, suicidaire de s’enfermer dans un transformateur à Clichy.
Les classes sociales ne datent pas de l’année dernière, la relégation ne date pas de novembre 2005.
Même si C.N.N. a exagéré à l’époque ; les lueurs des incendies de belles écoles, de gymnases neufs sont parvenues dans le monde entier jusqu’aux établissements d’enseignement sans toit, dans des aires misérables où se mime la francophonie. Que pouvaient-ils comprendre les petits qui font sept kilomètres à pied pour venir à 40 dans un lieu dit école, là-bas au Cameroun ?
Le pays d’Hugo a pris un coup à l’espérance démocratique. Les ascenseurs absents à l’étage disparaissent des métaphores ; qui parle d’ascenseur social en ce moment ? Leurs portes ouvrent sur le vide.
« Tu viens d'incendier la bibliothèque ?
- Oui.
J'ai mis le feu là.
- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. »

V. Hugo conclut le poème par l’aveu de l’incendiaire : il ne sait pas lire.
AN 3 AVANT SARKO
Est-il fécond encore de pointer quelques paradoxes glanés au cours de débats et d’articles de l’époque ?
Il ne fallait pas donner raison aux casseurs, mais les réflexions se sont accélérées, les subventions n’étaient plus jugées infructueuses, un service civil a été proposé, les dossiers dans la presse s’épaississaient. Le modèle républicain n’était plus en cause mais plutôt sa non - application.
Aujourd’hui les leurres se multiplient : Amara ne fait plus illusion, elle n’a pas de budget et l’effet Obama qui nous met du baume au cœur, ira-t-il contre les désespérances creusées par les désengagements de l’état ?
Les effets de la suppression de la carte scolaire sont d’une portée infiniment plus lourde et inversement proportionnelle aux annonces de visites médiatisées avec GIGN sur les toits et qu’un président du CRAN au perron de l’Elysée.
Vanité des mots, mais aussi cristallisation autour d’une expression.
Ce fut « racaille ».
Selon un bon mot de J.P. Chevènement, « N. Sarkozy n’a pas inventé la poudre ». Mais le parler djeun’, stratégie publicitaire pour faire semblant d’abolir la distance entre les politiques et le peuple en employant des mots chocs est revenu comme un boomerang.
Il y a eu des moments de sourire quand un casseur regrettait la police de proximité. Les mots attendus qu’il fallait dire.
Il y avait doute quand un jeune pensait avoir épuisé ses chances d’obtenir un emploi malgré ses efforts de porter le costard - cravate pendant un mois. Le look.
Il y a eu inquiétude quand un maire avouait sa peur, celle qui annihile bien des réflexions.
Il y a contradiction évidente entre l’attente d’annonces immédiates et l’ardente nécessité du long terme.
Honorable madame Daty, elle pouvait au départ marquer de son sceau des progrès en intégration, mais elle voisinait avec des chaudrons suspects où immigration se touille avec identité nationale. Comment ne pas être méfiant lorsque nous sommes invités à admirer cet exemple photogénique de mérite républicain alors que dans le même temps il faudrait oublier l’arrogance des nantis et de leurs serviteurs à casquette de yachtman ?
L’idée s’installe cependant que le passé, l’origine des habitants de notre pays compte moins que l’avenir que nous tisserons ensemble. Les idées grises n’ont pas disparu mais les mentalités évoluent.
En 98, l’équipe de France colorée a ravi son monde au delà de quelques coups de klaxon, comme la familiarité avec Arsenal équipe de la banlieue de Londres enracine l’idée européenne.
SOLIDARITE RENOUVELLEMENT URBAIN (SRU)
La reprise du chômage touche d’abord les emplois en intérim, ce n’était déjà pas terrible, ça ne va pas aller vers le mieux. Il faut augmenter les impôts si l’on veut que l’état retrouve la capacité d’investir, lui qui a brûlé les meubles du patrimoine national.
Les néos convertis à une régulation du cannibalisme financier ne désespèrent pas de revenir sur la loi SRU : ils n’ont pas changé ! L’offre de logements se réduit. Il est fondamental que des habitats à loyer modéré ne poussent pas seulement là où quelques bonnes volontés, de plus en plus rares, acceptent quelques pauvres. Jusque dans les plus petites communes les anciennes complicités se brisent sur le Plan d’occupation des sols et autre PLU ; les urbains parfois généreux en pétitions charitables voient d’un mauvais œil des lotissements nouveaux sous leurs fenêtres. Quand on surprend des écolos contre les éoliennes ou un nouveau tracé de chemin de fer, il faut revoir un peu de ses candeurs.
DEVOIRS
Et l’école, celle qui est encore debout, qui croit encore à ses valeurs, qui voit son autorité rabotée à longueur d’émission par ceux qui ont réussi « parce qu’ils étaient des cancres » est appelée une fois de plus comme recours universel. Celle-ci aura des chances de répondre aux attentes si on n’empile pas des animations, mais si on laisse aux personnels le temps d’assurer les fondamentaux. La baisse des effectifs n’est pas la solution miracle, mais la casse actuelle de l’école abrase les énergies, et c’est une dégradation des conditions de travail qui est à l’ordre du jour. Les horaires d’enseignement et d’éducation sont réduits.
Les personnels spécialisés dans l’aide aux enfants en détresse étaient déjà en nombre insuffisant : ils luttent en ce moment pour leur survie ! S’il y a des bénéfices pour certains enfants de retrouver leur maîtresse en petit comité, les difficultés des plus démunis ne seront pas résolues. On a parlé de soutien pour mieux remettre en cause le travail des professionnels du soutien. Où en est l’hypocrisie des textes qui bannissaient les devoirs mais dont les thuriféraires pensent qu’une aide… aux devoirs peut être salutaire?
Beaucoup d’enseignants donnent des devoirs malgré les conseilleurs qui les interdisent : tragique démagogie qui veut faire croire que le travail n’est pas nécessaire.
Que soit contrarié le conformisme qui jette l’opprobre contre « l’intello ». Valorisons les élèves « qui en veulent » pour redonner de l’espoir à ceux qui ont cru qu’il faut travailler à l’école pour réussir dans un emploi : bourses, internat d’excellence, une autre orientation pour ceux qui n’ont pas envie à un moment et des possibilités pour reprendre des études plus tard.
SE VOILER LA FACE
La banalité de la dichotomie entre collectif et individuel se retrouve entre l’approche sociologique de la gauche et le recours au psychologique de la droite. Est ce participer à un unanimisme benêt, à un centrisme paresseux que de regretter l’hémiplégie qui exclut une des causes des problèmes ?
Les détresses matérielles alimentent toutes les déraisons, les mises en cause des valeurs accélèrent les désarrois. Voilà pourquoi votre fille se voile. Fastoche.
Ce ne sont plus les mêmes qui s’aveuglent : « circulez, y a rien à voir !»
ou qui proposent : « vous voulez du feu pour la bougie d’anniversaire des émeutes? » derrière la caméra qui s’impatiente.
Quand une grenade éclate près d’une mosquée que de jeunes pour s’indigner ! Quand une école brûle…
Qui expliquera comment certains d’entre eux sans repères vont plutôt vers les cadres contraignants de la religion que vers les valeurs bienveillantes de l’école républicaine ?

mardi 25 novembre 2008

Paysans.


Quand je m’enthousiasme pour le dernier film de Depardon, et sur ses photos de toujours, j’adhère à sa subjectivité, à son trop plein d’égo, à ses points de vues forcément partiels, même si lors de son film « l’Afrique, comment ça va avec la douleur ? » il nous embarquait dans des panoramiques à 360°. Et puis quand on blogue, on sait bien faire clignoter l’expression « se prendre pour sa photo ». Lorsque je cadre avec un appareil photo, je choisis, j’oublie, et plus encore lorsque je pioche, comme on dit d’un cheval qui piétine fébrilement, pour écrire. Je me laisse volontiers bercer par la sonorité des mots qui veulent bien se nommer parfois : poésie. Les amertumes de la vie y corsent leur goût, les lumières d’un instant se prolongent, les plaisirs se donnent à voir.
Novembre, et mes années me portent à me laisser envahir avec délices par d’ultimes images des années soixante. Comment ne pas vouloir fixer un dernier souffle de ces gens là, des hauts plateaux d’Ardèche, au cul des vaches. Je crois savoir mesurer l’indécence à admirer la frugalité de ces vies depuis mon canapé moelleux. Et qui suis-je pour mettre à distance ces pairs ? Mon immense respect d’aujourd’hui est venu après des incompréhensions réciproques. Que mon père fut encore considéré comme étranger au village après des années parce qu’il n’allait pas à la messe, reste une fierté après avoir été une blessure. Ils étaient droits et bien souvent de droite, ces hommes que je connaissais, mais en d’autres lieux parpaillots, les familles sont de toujours à gauche et droits. Cabochards comme mules, muets comme pierres, tirant de ces cailloux le lait de la vie.
Je n’échappe pas à ces nostalgies coupables quand je reprends la recension de mes pratiques pédagogiques, mais je me défends de toute complaisance rétroactive lorsque je m’essaye à la politique.
Porter témoignage sur les paysans ne compromet pas le travail d’un cinéaste qui écouterait avec empathie de jeunes agriculteurs. Lorsque je me laisse aller à contempler les soldats de terre cuite de Xian, je ne m’interdis pas un reportage sur les années Mao. « Et tenant l’autre et l’une, moi je tenais le monde »

lundi 24 novembre 2008

The Duchess


Des robes XVIII °,des paysages, pour se dépayser dans ce film avec Keira Knightley (« Orgueil et préjugés »). S’étonner de la correspondance entre ce destin d’une ancêtre de Lady Di et celui de la populaire princesse. S’amuser aussi des images d’une belle qui apparaît sur les tréteaux d’un parti dont je voulais m’abstraire des difficultés de l’heure. Ce n’est pas Barry Lindon dont le destin m’avais ému ; là je me suis distrait, intéressé par certains sujets : la situation des femmes à l’époque, ce que recèle la volonté de plaire à tous prix… Les parcs des châteaux se prêtent bien au grand écran.

dimanche 23 novembre 2008

Le banquet flamand.


Conférence des amis du musée. Bien sûr qu’ils sont roboratifs les tableaux et conformes à nos fantasmes de victuailles, de ripailles. Ce sont des images de rêves d’abondance à une époque qui venait d’être dévastée par les guerres de religion. Au marché, le vendeur de gibier lutine la marchande des quatre saisons en tournant le dos à des scènes bibliques. Cette vitalité renaissance fait plaisir à voir. Les plumes se déploient, les poils sont soyeux, les lumières sculptent fruits et légumes et il y a toujours un chien dans les parages pour chaparder un morceau de barbaque. Depuis Bosch et le péché de gourmandise jusqu’au patron de l’atelier de Rubens, en passant par Bruegel et d’autres peintres du côté d’Anvers, des banquets, des kermesses, des trognes, les plaisirs de la vie.

vendredi 21 novembre 2008

Moscow Belgium


Film bon qui apporte un plaisir sans mélange ; la langue flamande est savoureuse, les acteurs subtils, transfigurés, passant de l’accablement de vies compliquées à la grâce de l’amour. Le réalisateur Christophe Van Rompaey aime ses personnages et nous aussi. Barbara Sarafian incarne magnifiquement l’héroïne parfois défaite, d’autres fois rayonnante. Familles recomposées, en HLM, sans misérabilisme, sans soleil artificiel, avec un beau courage au quotidien d’une femme qui a bien mérité son petit moment de bonheur, même si elle "s'obstine à tout tartiner de moutarde pour ne goûter à rien", comme lui dira son camionneur.