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jeudi 6 octobre 2022

6 mois. Printemps été 2022.

Nous sommes cernés par les images, mais depuis les masques sur la bouche et le nez, nous sommes devenus plus attentifs aux regards et celui des photographes nous est encore plus précieux quand le papier les supporte.
 
Toujours aussi riche, le beau magazine ( 29 €) varie les sujets et prend le temps d’être complet. 
Le dossier à propos de la Turquie va voir du côté de l’imaginaire nostalgique de l’empire ottoman, où à travers des photos sur les plateaux de séries télévisées. La fiction peut éclairer la réalité alors que le caractère autoritaire du régime se manifeste avec évidence, en particulier envers le peuple kurde. 
L’œil tendre et rieur de Sabine Weiss nous repose.  
L’actualité à Kaboul et au Tigré est tragique et rude en Allemagne au moment des inondations ou à la frontière biélorusse avec les migrants. 
Même les jeux olympiques devant des tribunes vides à Tokyo ne peuvent nous distraire, de la même façon le Bataclan a perdu sa connotation festive, les tatouages des témoins inscrivent le drame sur les peaux. 
Si la mémoire de la guerre au Libéria se dissimule, le récit d’une photographe revenant dans la maison dévastée de sa jeunesse est poignant et la fatalité dans le destin de deux frères drogués aux E.U. est cruelle.  
Un tour chez les transhumanistes nous éclaire sur notre temps comme le reportage trafiqué consacré à la ville des « fake news » ouvre le débat sur la vérité des images.  
La trajectoire de Bill Gates est intéressante, le Brésil du XIX° siècle est saisi par un riche amateur au moment de ses métamorphoses,  les lumières de Lisbonne sont comme je les aime, bien cadrées, et l’album d’une grande belle famille à Buenos Aires, chaleureux, ils s’appellent Flores

dimanche 2 octobre 2022

Schnock n° 43.

Une fois que le rédacteur en chef de la revue des vieux de 27 à 87 ans
a décrété qu’Isabelle Huppert est la « figure tutélaire du genre salope » et qu’elle porte avec elle « une haine blafarde du monde », toute autre considération ne pourra être qu’efflanquée à l’image de l’actrice de Sautet, Chabrol, Piala… et même de sa sœur Caroline.
Les 93 pages qui lui sont consacrées, quoique parfois un peu répétitives, font le tour de sa très riche filmographie, voire de sa discographie, plus maigre.
 Parmi les savoureuse rubriques habituelles, une liste de fournitures de bureau aggraverait même la nostalgie, reine de la revue à 15, 5 €, lorsqu’elle précède l’évocation d’une virée vinyle aux puces de Saint Ouen
L’entretien avec le responsable de la bande son des Shadocks et la description de son parcours m'intéressent comme est tendre le rappel de « Domicile conjugal » de Truffaut ou toujours truculent Géminiani directeur sportif d’Anquetil dont il a dit  que c’était :  
« une formule 1, un ordinateur, et un alambic ».
Je me souvenais davantage que « monsieur X » tentative de teasing publicitaire en politique menée par Servan Schreiber était Gaston Deferre, plutôt que de Corinne Lepage qui avait  récemment tenté de rééditer un tel suspens sous le pseudonyme de Catherine de Médicis.
L’affiche France-Brésil évoque bien des émotions de ballon rond. Mais les rencontres en musique de Vicinius, Tom Jobim, Baden Powell, Joao Gilberto avec Salvador, Barouh, Vassiliu, Nougaro, Distel et Croisille enchantèrent nosTeppaz, Zanini aussi et Françoise Hardy,Teca et Ricardo, Moustaki … 
« C'est l'hiver qui s'efface, la fin d'une saison
C'est la neige qui fond, ce sont les eaux de Mars
La promesse de vie, le mystère profond
Ce sont les eaux de Mars dans ton cœur tout au fond
Un pas, une... pedra é o fim do caminho
E um resto de toco, é um pouco sozinho ...
Un pas, une pierre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire... »

dimanche 25 septembre 2022

Schnock n°42.

Cette fois Patrick Dewaere (Patrick Bourdeaux), disparu il y a quarante ans, est en couverture de la revue des Vieux de 27 à 87 ans, 
après Gégé son comparse des « Valseuses ».
Sotha sa première femme fondatrice du « Café de la gare », compagne de Romain Bouteille, témoigne ainsi que Patrick Bouchitet (« La meilleure façon de marcher »), Jean Jacques Annaud (« Coup de tête »), Françoise Hardy ( « T’es pas poli »), Bertrand Blier (« Préparez vos mouchoirs »), Brigitte Fossey (« Un mauvais fils »)… 
Les souvenirs sont enrichis par un classement alphabétique de l’univers de l’acteur mystérieux, jamais sûr de lui, qui mettait la musique au dessus de tout, avec un top 10 de ses films dans un style d’écriture qui toujours me ravit, jouant d’une nostalgie sans complexe sans ignorer notre époque.
Un des morceaux parmi les le plus savoureux de ce numéro concerne la genèse des « Passantes » de Brassens par Laurent Chalumeau : 
« poème sur les éventualités qu’on plante, les vies qu’on laisse s’éloigner sans tenter, sans foncer, les opportunités d’évasion qu’on se dégonfle de saisir, les coups de dés balles à blanc, les hasards confiture à cochon  timoré, les vaines virtualités… » 
La rencontre avec Véronique de « Véronique et Davina » de l’émission « Gym tonic » est rafraichissante : « Tou tou you too ! »
Le retour sur le rapport de Mitterrand aux architectes à travers le magazine « Globe », met en perspective des projets faisant désormais partie du paysage furieusement contestés au moment de leur conception : Opéra Bastille, pyramide du Louvre, colonnes du palais royal, Bibliothèque de France, la Villette… 
Brigitte Fontaine n’aime pas « se conjuguer au passé » mais le rappel de ses débuts éclaire ses audaces persistantes.  
Je ne me lasse pas des rubriques habituelles :
- La publicité se servait de la bande dessinée : soda Tintin, chaussures Tintin, fromage Tintin… et Gaston Lagaffe, lui, dormait sur une photocopieuse Rank Xerox.
- Laurent Gerra n’empêche pas les végans de « brouter » et Catherine Nay, « punk du mois », trouvait que Jacques Attali près de Mitterrand « lui susurrait toujours des secrets à l’oreille avec ses airs de petite chouette dévote, au risque de déclencher une scoliose. »
 Hubert-Félix Thiéfaine conclut parfaitement ce musical volume de 180 pages. «  Dernières balises (avant mutation).1981. Déjà !

samedi 24 septembre 2022

Histoire du repos. Alain Corbin.

La critique risque d'être cossarde concernant -  j'ose -  un « livre paresseux », qui me convient bien, puisque j’ai tout compris de ces 150 pages qui embrassent plaisamment le sujet.
En milieu rural : 
« L’ardeur, l’acharnement au travail, le mépris de l’oisiveté, la détestation des paresseux, des « fainéants », des « bons à rien » étaient autant de marqueurs de l’estime de soi et des autres ; et cela ne pouvait que conduire à une certaine stigmatisation du repos. »  
L’historien précise que le Sabbat des origines n’est pas un moment de détente pour un Dieu fatigué mais le jour de l’alliance consacré à Yahvé, et que : 
« Les théologiens, les prédicateurs, les moines, les pasteurs de toute catégories n’ont cessé de répéter que, la vie ici bas, n’était que peu de chose et que l’essentiel résidait dans le salut, c'est-à-dire en l’accès à un repos paradisiaque... » 
Charles Quint régnant sur l'empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais » se retira dans un monastère.
 Pascal disait pourtant :  
« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application »
Et bien que les références littéraires soient filtrées, La Bruyère apporte la contradiction, au moment où le contraire du repos n’était pas la fatigue mais l’agitation:  
« Le meilleur de tous les biens pour l’homme, c’est le repos, la retraite et un endroit qui soit son domaine ». 
Avant que le loisir ne remplace le repos à partir du milieu du XX° siècle, au XIX° en lutte contre la tuberculose avec sanatoriums en bord de mer et en montagne, « Le repos se situe au plus profond de la culture […] Il participe de la réflexion sur les fléaux sociaux. Il envahit le champ de la morale. »

vendredi 9 septembre 2022

Zadig. N° 14. Eté 2022.

La version trimestrielle de l’hebdomadaire le « 1 » rappelle qu’Internet n’est pas qu’un nuage virtuel quand les entreprises d’Ecommerce et les data centers occupent de plus en plus d’espace sous leurs surfaces bétonnées. Il en est de même des piscines privées (3 millions dans l’hexagone), le marché est en expansion.
A propos du paysage politique et ses transformations, pour comprendre l’extrême droite, il vaut mieux suivre un jeune lepéniste homosexuel en Bretagne ou écouter les fans de Zemour à Toulon que de lire une politologue désignant Finkielkrault comme responsable initial de la montée du RN. Des erreurs factuelles mettent en cause la rigueur de la professeure en Sorbonne lorsqu’elle cite : « l’émission les Grandes Gueules de Pascal Praud sur RMC » : l’ancien journaliste sportif officie sur CNews.
Heureusement, la profondeur des analyses, l’originalité des points de vue de cette revue sont toujours là, avec d'autres rédacteurs.
Un long entretien avec Jérôme Fourquet qui rappelle ses attachements dans la Sarthe et dans les Pyrénées donne encore plus de densité au fin observateur des évolutions de notre pays.
«  Le cœur battant de nos sociétés ce sont les zones périphériques. » 
Alors que souvent des nouvelles insérées, parmi 200 pages d’enquêtes et de reportages rendant compte de réalités complexes, peuvent apparaître comme de formels exercices littéraires : « Le vaste océan du désir des hommes »  de Catherine Cusset est vraiment bienvenu. 
Christophe Boltanski nous renseigne sur l’actualité d’Abdelkader dont une sculpture a été vandalisée la veille de son inauguration à Amboise où il avait été détenu. 
L’étude de faits divers peut confirmer les difficultés de la cohabitation des hommes et des ours en Ariège ou par leur horreur telle que Philippe Jaenada la raconte, mettre en doute le pouvoir des experts qui œuvrent pour la justice. 
Cette fois le journaliste habituellement en immersion a suivi des équipes de nettoyage à Paris ; poubelles, encombrants et coup de balai en fin de marché.
Un producteur de musique revient sur les violences policières qu’il a subies sans stigmatiser toute une profession, son témoignage n’en est que plus convaincant.
Une commande a été passée à des photographes pour une « radiographie de la France » : les carnets de bords de quatre d’entre eux sont intéressants et le portfolio de Laurence Kourcia« Sous les galets, la plage » rafraichissant, familier, bien vu. 
On fait connaissance avec celle qui prête sa voix à la SNCF qui a du retirer à la demande des services juridiques la formule « s’il vous plait » après l’ordre de s’éloigner du bord. 

samedi 25 juin 2022

Noir. Sylvain Tesson.

Le volume noir est épais, 290 pages, le sujet incontournable : la mort. 
« La mort est l’aphrodisiaque de la vie » 
L’auteur médiatique a recueilli quelques citations qu’Internet peut fournir à la pelle : 
« Ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » La Rochefoucault
En introduction quelques images par écrit sont plus jolies que ses croquis de pendus et de désespérés, le pistolet sur la tempe qui tiennent les 5/6 du livre. 
J’avais commis ce genre de croquis à une époque de ma vie, je les avais jetés ; j’ai voulu voir les siens, il aurait pu faire de même. 
« Le pendu est le fil à plomb de la mort […] il pend parallèle au tronc. 
L’arbre pleure alors une larme humaine. » 
Des cordes de pendus vibrionnent tels des spermatozoïdes,
une vendeuse dans un magasin devant une corde demande : «  C’est pour offrir ? »
Sous ses parents pendus une petite fille implore : « Et moi ? » 
Quant à certains jeux avec les mots autour de corde, arbre, au-delà de la platitude, ils enlèvent de l’épaisseur au propos : 
« Mettre les pendus à l’heure », «  vous voulez vous inscrire dans quelle branche ? » ou « il avait des attaches dans la région ».
 Il n’y a pas de quoi faire comme l’auteur de « Vive la vie » qui s’apprête à se suicider en découvrant les chiffres de vente de son livre, mais il me semble que le meilleur était dans le dessin de couverture et que tout ce qui vient après tient du remplissage risquant de détourner des lecteurs d’autres productions plus roboratives.

samedi 9 avril 2022

d2ux mille vingt-d2ux. Acte 3.

J’avais manqué l’acte deux de cette publication consacrée à l’élection présidentielle dont j’avais apprécié le premier numéro : 
Cette livraison, avant l’acte 4 prévu en juin, devrait combler l’appétit de tous ceux qui s’estiment frustrés de débats qui n’ont d’ailleurs jamais cessé. Les médias sont les maîtres d’œuvre de ces discussions dont ils regrettent une pauvreté qu’ils entretiennent, comme les frustrations qu’ils flattent.  « Avec quel candidat voudriez-vous partager un barbecue ? » était l’objet d’un sondage comme le rapportait France Info qui ne se contente plus d’informer mais donne dans l’ironie, la distraction, entre deux bombardements.
La diversité des rédacteurs de cette revue permet de varier le curseur de nos accords et désaccords, ainsi le portrait d’un macroniste avec mocassins à gland m’a paru bien conventionnel - moi ce serait plutôt gros sabots - alors que l’analyse du macronisme, apportant un peu de gravité dans un monde fou est d’une haute tenue : 
«… l’efficacité se mesure à la capacité à transformer, parce que ce qui compte, c’est cette action sur le réel, et non l’idée qu’on s’en fait. » 
Nous voyageons de Marseille à Vaulx-En-Velin, d’un pittoresque PMU en Saintonge  au restaurant « Le Bourbon » à proximité de l’assemblée.
Les portraits embrassent tout le paysage avec quelques célébrités, Taubira, De Villiers et des aspirants à la lumière : Geoffroy Didier, Isabelle Saporta (la compagne de Jadot qui n’aime surtout pas être présentée ainsi sauf quand c’est Paris Match), Alice Coffin, le beau frère et la sœur de Marine Le Pen… Un décroissant donne son point de vue en BD. 
Les thèmes : l’armée, la police, les chiens et les chats, la Chine… bien documentés sortent des présentations habituelles souvent rigides comme l’égalité des temps de paroles.
Le recul vis-à-vis des médias est salutaire quand se cherchent de nouveaux espaces du réel,  avec une immersion parmi les micros de « la meute », la description de l’évolution des opinions journalistiques où les réacs prennent leur revanche, l’impertinence de l’émission « Quotidien » qui disparaît quand ceux qu’ils brocardent sont reçus en plateau. Les « spins doctors » à la jonction des politiques et des médias « ont le spleen ».
La découverte des « mèmes »  participant à la « carnavalisation de l’arène politique » ne vaudra pas à mes yeux autant que le rappel historique des présidents de 1914 à 1958. L’article du psychanalyste Yann Diener à partir des paroles d’un enfant disant « mes parents se sont encore dépistés »  au lieu de « disputés » redonne du sens aux mots qui pendant la pandémie sont passés parfois de la métaphore au délire.
Et bien qu’Alexis Jenni soit décevant dans une fiction familiale quelque peu caricaturale, je retiens ce morceau de dialogue entre trois générations : 
« - Vous vous rendez compte que nous appartenons au plus gros parti de France ?
- Pffff, nous n’avons rien de commun, et je n’appartiens à rien, grommela Papi.
- Quel parti, demanda mon fils, qui voulait quand même savoir, ce qui fait que je ne désespère pas de lui.
- Le parti de ceux qui ne se déplaceront pas, ceux qui ne voteront pour personne et laisseront décider pour eux des gens qu’ils ne connaissent pas.
- Ah, c’est pas faux, soupira Papi.
- Grave ! lâcha mon fils. Et pour une fois un tic de langage avait un sens.
Nous nous tûmes. La bouteille d’Armagnac était vide. Nous allions ne rien faire. » 

 

vendredi 25 mars 2022

Zadig. N°13.

La périodicité trimestrielle de ces 200 pages permet un recul bien utile en ces temps pressés,
et peut valider quelques intuitions opportunes. 
La guerre en Ukraine fait sortir nos réflexions de leurs gonds, ainsi la critique pourtant balancée des aménagements du territoire favorables à l’agriculture trop consommatrice d’eau peut être envisagée différemment quand se pose la question de l’autonomie alimentaire.
Avec bon sens bien bourguignon, Bruno Latour place l’écologie au centre de la vie, il a  expérimenté des « ateliers de description du territoire » inspirés des cahiers de doléance de 1789, pourvoyeurs de réponses profondes à des questions élémentaires : 
« Qui sont ceux dont vous dépendez ? Qu’est-ce qui est menacé ? Que faites vous pour le défendre ? » 
Le thème développé cette fois « La province contre Paris » aurait pu ouvrir la boite de Pandore des surenchères populistes mais ce n’est pas le genre de la maison Fottorino patron du « 1 » et de «Zadig ». 
Alain Rousset président de la Nouvelle Aquitaine convainc en militant pour la décentralisation source de responsabilisation et de créativité à l’encontre d’une inflation de règlements. Un reportage dans de petites communes concernant des normes absurdes va dans le même sens. 
Par contre l’instauration d’une monnaie basque (l’Eusko) ne me semble pas décisive pour simplifier la vie pas plus que la culture du cannabis comme vecteur de dynamisme pour la Creuse et pour moi le terme « colonialiste » appliqué systématiquement aux rapports à la Corse a tendance à s’user.
Les données de Le Bras citant « Paris et le désert Français »(1947) de François Gravier sont parfois surprenantes et le rappel de l’histoire de la décentralisation n'est  pas inutile.
 L'article titré « Le mystère des chevaux mutilés » ( 500 en 2020) éloigne les rumeurs les plus folles et  restitue avec respect les doutes, les angoisses de personnes concernées. La même empathie est perceptible dans un reportage photos dans un camping de la Côte d’Opale : « immobile home ».
Rokhaya Diallo réussit le tour de force de ne pas mentionner le dédoublement des classes de CP en REP lors d’une dénonciation des injustices scolaires, simpliste énumération de poncifs. Et si Éric Fassin rappelle le prix reçu par Giscard D’estaing pour l’accueil des boat-people, l'universitaire doit voir sa honte concernant le manque de générosité de ses compatriotes et de ceux qui les gouvernent atténuée par l’accueil spontané des exilés Ukrainiens, dont il n’avait pas connaissance.  
Quand Philippe Jaenada écrit, il rend plus poignant les récits à propos de personnes disparues et François Henri Désérable en résidence dans la maison de Julien Gracq est inspiré : 
« Pendant l’hiver la Loire a le sommeil léger, alors elle sort de son lit. » 
Agnès Desarthe arrive à nous intéresser avec une histoire au départ pas folichonne.
Les écrivains apportent décidément un plus, sauf cette fois Leïla Slimani balourde quand elle s’essaye à une politique fiction de pacotille. 
Un reporter familier de l’immersion peut aussi être  un révélateur juste en rendant compte avec sobriété de sa semaine avec une équipe de soignants en psychiatrie.

samedi 1 janvier 2022

Almanach dauphinois 2022.

Avec un  baccalauréat où 91,7% des candidats en Isère ont été admis nous savons bien que nous sommes une vingtaine d’années après l’an 2000, mais les 135 pages de la publication renouvelée chaque hiver 
rappelant ces chiffres, regardent essentiellement vers le passé, bien que le terme pandémie apparaisse sans sa traduction en patois. 
« Où vas-tu ? » se dit « on va-t ? » à Saint Vérand et « on vâtche ? » à Saint Chef.
Et lorsqu’un ange s’adresse à des bergers ceux-ci répondent : 
« - Est ne pas tao de neou zi dire
Faut neou menâ y tie kul’e »
-Ce n’est pas le tout de nous le dire,
Faut nous mener là où il est »
Il y a matière à se remettre la mémoire en ordre dans le rappel des évènements entre l’été 20 et le 21 en Dauphiné :
« Décès de Gisèle Halimi en juillet… 30 cm de neige à Villard de Lans le 27 septembre »
C’est toujours en juin que « les vers luisants mâles prennent leurs ailes ».
Sagesse appliquée aux jardins et aux hommes :  
« Quand mars fait avril, avril fait mars »
« On doit quérir en la jeunesse ce dont on vivra en la vieillesse » 
La nature est très présente: la pomme reinette du Canada, « sa peau est bosselée et côtelée. Son œil, grand, ouvert parfois mi-clos, est enfoncé dans une cavité évasée et inégale sur les rebords. Elle ne tombe pas. » Le trèfle et le bourdon sont décrits avec minutie.
Des témoignages de centenaires, loin des jérémiades, illustrent modestement, dignement, les vertus de la maturité :  
« pour devenir centenaire, il faut commencer jeune ». 
Des expressions dauphinoises sont rappelées :  
« as-tu de l’agent après toi ? Chercher après quelqu’un ; accroche ta veste après le porte-manteau. » 
J’avais déjà lu « L’histoire du cochon nommé Carlos » dans « Les maisons racontent » de l’excellent Louis Fournier de Virieu. Le conte de « La petite Jeanne » dans la vallée du Buech est aussi charmant.
Cette année le Vieux dauphinois s’est rendu à Saint Bonnet en Champsaur, au pays du tourton (beignets farcis d’une purée de pomme de terre, de tomme, oignons ou blanc de poireaux) et de Lesdiguières qui avait, du temps d’Henri IV, porté le fer contre les catholiques avant d’abjurer la religion réformée.
Des blagues de Fafois et sa famille, une institution, sont disséminées par ci par là : 
- Ce n’est pas la peine d’arroser les fleurs artificielles, Mlle Fafois.
- Je sais, Madame : je n’ai pas mis d’eau dans l’arrosoir. 
Qui se rappelle que l’équipe de Vienne entrainée par Jean Etcheberry  avait été championne de France de Rugby en 1937 ?
Aux grands hommes l’almanach reconnaissant évoque Claude Louis Berthollet, inventeur de l’eau de javel et Jacques Juliard aviateur déclaré mort pour la France en 1944 et pourtant survivant.
Le tas de fumier, signe extérieur de richesse, est à l’honneur et le garde-champêtre a droit à un roulement de tambour. La bise rituel plus récent, remise en cause par la pandémie est l’objet d’une petite étude.
Les savoirs anecdotiques feraient-ils partie d'une présence au monde désuète? Crest, Gap, Rives, ont leurs homonymes aux Etats-Unis. J'aime bien.

vendredi 24 décembre 2021

D2UX MILLE VINGT-D2UX. La fabrique de la présidentielle.

Voilà une revue de 216 pages destinée à ne vivre que quatre numéros jusqu’en juin de l’année à venir autour d’un moment décisif de nos calendriers électifs. 
J’ai beau vouloir m’éloigner des bavardages autour des sujets politiques, j’y reviens dès que des visages familiers apparaissent sur la page de garde. L’ « ours » mentionne une diversité de contributeurs de Charlie Hebdo, Le Point, L’Express, Marianne, Libération, Valeurs actuelles… Gala et des pigistes divers non identifiés, la plupart avec du style, à part Serge Joncour que j’ai trouvé cette fois inutilement bavard. 
L’accroche est bien banale qui veut nous révéler les coulisses cependant il s’avère que c’est réussi sans se « la jouer » sensationnel, avec des approches fouillées parfois originales et familières au boomer qui aurait entrevu quelques pratiques en ces lieux de pouvoir.
Le restaurant «  Le basilic » près de l’assemblée nationale est un lieu d’influence et de confluence discret mais visible, par contre dans les entrailles de Tik tok, You Tube, Discord des influenceurs radicaux  bien cachés mènent leur travail de sape contre la République.
L’amateur de potins appréciera d’apprendre que Fabien Roussel appelle Martinez « Pepito » et que Macron avait nommé «  Génération Prince Charles » Valls, Montebourg, Hamon, Peillon, ce dernier désigné par Hollande comme « le serpent ». 
Les propos sont en général plus feutrés voire carrément hagiographiques pour Pécresse et Hidalgo évoquées avec grand-père psychiatre pour l’une et par ses ascendants espagnols pour l’autre. 
Xavier Bertrand  apparaît lui moins rond qu’il ne le voudrait et Mélenchon ne sera pas content d’être montré à ce point imprévisible.   
Zemour qui « chabanise Marine » est pris au sérieux. 
Dans la liste des personnalités décrites certaines sont vouées à disparaître alors que d’autres éloignés des feux de la rampe ont une influence certaine : Borloo ou Gaël Giraud dit « l’éminence verte ».
Le titre « Grand continent, petits secrets » ne peut évoquer que l’Afrique au centre de la politique étrangère de la France. 
L’évocation de personnes borderline chargées de la protection des responsables concerne tous les bords. 
Bilde, Briois, Rachline, dans l’entourage de Marine Le Pen aiment s’appeler BBR comme bleu, blanc, rouge. Leurs parcours sont instructifs comme de voir se dessiner  « L’armée de l’ombre du président » qui vaut mieux que ce titre racoleur. 
L’angle choisi pour parler d’Emmanuel Macron en tant qu’acteur m'a paru intéressant surtout quand il est complété par un article concernant « le candidat Instagram ». 
Le journal d’un psychanalyste est finalement assez banal lorsqu'il évoque les « éléments de langage » tandis que le regard porté sur la fabrique de l’information dans la matinale de France inter nous éclaire ainsi que la BD à propos des « fact-cheking » où travaillent de « vérificateurs d’éléments du débat public ». 
Dans la variété des tons employés le portrait d’un militant «  vert » ne manque pas de mordant, et un reportage dans un village jurassien qui a voté précisément comme l’ensemble de la France en 2017 évite le surplomb et respire l’empathie.

vendredi 10 décembre 2021

Zadig. N°12

Quand j’ai reçu ma belle revue trimestrielle titrée «  Quand l’écologie (nous) gagne » je me suis dit : « encore ! » tant le sujet est omniprésent et que les écologistes m’indisposent, d’autant plus que Cécile Duflot la plus brute de décoffrage de chez les verts s’y exprimait.
Mais l’approche comme toujours riche et variée de la publication dirigée par Eric Fottorino 
m’a fait surmonter mes à priori défavorables.
C’est qu’en dehors de la jamais contente Marie Desplechin, les témoignages sont positifs tels
- cet élu de Puy-Saint-André dans les Hautes Alpes, village qui produit plus d’électricité qu’il n’en consomme: « On ne peut pas mobiliser la population sur la perspective de la catastrophe, il faut un horizon. »
- la municipalité de Tours qui développe le vélo et l’implantation de potagers,
- la ville de Strasbourg qui redécouvre ses voies navigables pour les livraisons,
- une filière qui se met en place pour transformer les couches des bébés en compost,
- ceux qui se battent contre la prolifération des sargasses, aux abords des Caraïbes,
- une militante qui agit dans le champ économique pour des investissements plus vertueux,
- une juriste et un écrivain qui veulent doter le fleuve Loire d’un statut juridique de personne morale. «  Je n’ai peut être jamais vu une personne morale déjeuner, en revanche je l’ai souvent vu payer l’addition »
- les bûcherons d’Abrakadabois qui prennent soin de la forêt de l’ancienne ZAD de Notre Dame des Landes,
- des familles qui prennent en charge leur propre merde pour fertiliser leur jardin,
- les entrepreneurs de la Bio vallée à côté de Crest où la Drôme a retrouvé son eau claire.
J’en arrive à approuver Cécile Duflot :  
« J’ai fait la paix avec cette idée de contrainte : l’être humain en a besoin et il est d’ailleurs inventif lorsqu’il y est confronté. » 
Les  cartes de le Bras sont toujours aussi instructives en replaçant les faits dans une perspective historique : la forêt occupe aujourd’hui en France une surface deux fois plus importante que sous la Révolution. D’autres infographies sont éclairantes et parfois surprenantes «  l’empreinte carbone moyenne d’un français a diminué entre 2010 (11,5t) et 2019 (9,9t).
Le reporter spécialiste de l’immersion dans un milieu, passe ses jours chez un paysan Bio. 
Et le témoignage d’Hélène Frachon concernant le Médiator n’est pas éloigné du thème de l’écologie,
pas plus que l’article concernant « les multinationales si peu imposées ».  
La conversation avec Simone Schwarz-Bart réunissant l’histoire d’un juif et d’une antillaise est intéressante.
Le style des écrivains dans ces 190 pages aiguise l’appétit, nous repose des éructations des réseaux sociaux et nous donne l’impression d’aller plus précisément au cœur du monde :
- entre la Slovénie et Paris avec Brina Svit,
- dans le Cantal avec Marie Hélène Lafon,
- en observant une lumineuse famille recomposée avec Luc Chomarat,
- ou à Descartes le village d’enfance de Laurent Mauvignier,
- quand la littérature révèle les ambitions qui mène de la province et Paris par David Djaïz.
Il y a des photos, aussi les dessins de Mathieu Sapin et une affaire policière non élucidée. 

vendredi 17 septembre 2021

Zadig N° 11.

J’aime ce trimestriel pour la variété de ses points de vues qui courent sur 200 pages, même quand je ne suis pas d’accord avec Marie Despléchin dans la persistance de sa lutte après l’abandon du projet Europa City de Gonesse.
Ainsi dans un numéro essentiellement consacré à la banlieue, un entretien avec Hélène Carrère d’Encausse secrétaire perpétuel de l’académie française trouve parfaitement sa place : 
«  J’ai été élevée dans l’idée inverse du communautarisme : qu’on ne doit pas s’enfermer avec les siens, mais se fondre dans la France »
avant qu’une chanson d’Alonzo soit  expliquée par Bertrand Dicale : 
« RS4, pas de plaque
Ma gadji c’est une Bagdad
Kalash sous le clic clac…
J’ai bu quatre packs
La belle vie le’ zin » 
Cela deviendrait presque insolite de lire des auteurs exprimant leur amour de la France: 
« c’est le meilleur pays pour être malade » Susie Morgenstern 
L’intérêt des articles est rehaussé par une qualité d’écriture d’écrivains renommés. 
Daeninckx dénonce le clientélisme à Aubervilliers mais se requinque à Fontenay-sous-bois où il a déménagé. 
Leïla Slimani apporte des arguments pour se déconnecter des réseaux : 
« une personne qui passe sa journée devant son écran est-elle plus « connectée » que quelqu’un qui cultive son jardin ? » 
D’anciens ministres continuent leur lutte, Corine Lepage pour la biodiversité, 
Jean Louis Borloo prône la création d’une cour d’équité territoriale. 
Les cartes commentées par Le Bras mettent en évidence des réalités surprenantes : 
«  la proportion d’ouvriers s’accroit d’autant plus que l’on s’éloigne des grandes villes. »
«  L’image négative de la banlieue est très ancienne » comme un historique le rappelle. 
Une  ancienne prof dans le 93 change d’établissement,  mais elle ne met pas en cause les gamins, 
Azouz Bégag évoque : 
«  la niaque de ceux qui n’ont rien à perdre ».
D’un jardin entre les immeubles à Saint Denis 
à des écoles Simplon dans les quartiers en difficulté qui proposent des formations aux métiers du codage informatique,
les claviers solidaires de l’association Emaüs Connect,
des associations de Sénégalais qui financent des réalisations dans leur villages,
un village d’innovation éducative dans les quartiers Nord de Marseille
et l’industrie textile se remettant en marche du côté de Roubaix 
donnent des motifs d’espoir. 
Jaenada raconte plaisamment une rencontre avec des lecteurs à Saint Omer lieu de son dernier roman, 
et Kaouther Adimi dans sa nouvelle « Le pêcheur de langouste » nous emmène loin, quoique...
Près de la centrale de Bugey, sur les photos le village de Saint Vulbas est paisible.
Si je n’ai pas apprécié les articles à sensation de Régis Jauffret, dont il est difficile de distinguer le vrai du faux, la réalité étant suffisamment surprenante, 
la BD de Mathieu Sapin nous remet dans de bonnes dispositions. 
David Djaïz faisant l’historique de l’amour dans la société française est passionnant, alors que Laurent Theis nous remémore Madame de Staël dont son ennemi Napoléon avait concédé: « elle restera ».
« Les jouissance de l’esprit sont faites pour calmer les orages du cœur »
 Arthur Frayer-Laleix est toujours aussi régalant et éclairant, cette fois il a passé sa semaine chez un pharmacien, après les pompiers du numéro précédent.

jeudi 1 juillet 2021

Schnock. N°36.

Depuis un moment je n’avais pas chroniqué la revue des Vieux de 27 à 87 ans, mais la brochure ne vieillit pas 
Le grand dossier de 90 pages consacré à « Canal + » m’a incité à remettre 15,5 € dans le bastringue.
On disait tout simplement « Canal » dans les années 80, le + comptant une barre en moins que le 4 qui devait initialement qualifier la chaîne, lieu éminent de la modernité, et appelé donc à vieillir et à alimenter la boite à nostalgie. 
Comme disait De Greff à Farrugia à la sortie d’un enterrement : 
« Tu vois, ça va être ça maintenant les fêtes Canal » 
Articles de Lescure et de Chalumeau, interview de Caroline De Greff et de Benoit Delépine, de Michel Thoulouse, « le troisième homme », top 10 des meilleurs moments où Jacquie Berroyer croise De Caunes mais aussi le Flop 10 avec en tête le Top 50 confirmant avec cet avis un certain mépris du populaire que je percevais aussi chez Les Deschiens. Les coulisses d’une opérette de Choron révèlent les audaces d’une époque, et un dico de A à X  aborde le contexte politique d’alors, le foot et le cinéma, la musique ou comment gérer Coluche, à la recherche d’un « esprit Canal » évanoui. Les Guignols qu’on ne voulait jamais manquer s’en sont allés dans l’indifférence. 
Annie Girardot, « la femelle mec », entre dans la galerie des légendes avec revalorisation de « Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause » alors que « Rocco et ses frères » ou «  Mourir d’aimer » ce n’était pas rien non plus.
Il est bon de se souvenir de Max Meynier, l’animateur radio de l’émission « Les routiers sont sympas»  
L’évocation du studio du château d’Hérouville où séjournèrent Elton John, Higelin, Bowie est aussi intéressante.
Les rubriques habituelles permettent aux rédacteurs de faire valoir leur style ainsi :  
«Top 15 des chats schnocks», ode à ces ministres des intérieurs, parfois matous de gouttière, parfois princes des sofas, du Chat botté (1697) à Groucha (1983) en passant par Grosminet (1945).
Nous pouvons goûter les piques des célébrités entre elles où Kofi Yamgmane vis-à-vis d’Omar Sy est moins attendu que Guy Bedos vis-à-vis d’Enrico Macias et de tant d’autres.
Il est de bonne hygiène d’apprendre :
- comment les « Maos spontex » avaient perturbé un concert des Stones,
- de redécouvrir  un disque d’Yves Duteil qui comportait « La tarentelle » « Prendre un enfant par la main » et « Le petit pont de bois » dans la même livraison,
- de découvrir Francis de Miomandre dont le livre « Ecrit sur l’eau » lui avait valu le Goncourt en 1908 face à Henri Barbusse qui attendra 1916.
Une citation du film « La tête du client » de Jacques Poitrenaud mérite la postérité:
«  La prison, il y a tellement de monde maintenant…et puis, on y rencontre tous les gens qu’on connaît, alors ma famille et moi, on va plutôt en Bretagne, voyez-vous. »

samedi 12 juin 2021

Légende. Philippe Sollers.

L’ouvrage ne comportait que 120 pages : il était temps pour moi d’aller au-delà des interventions médiatiques pour connaître un des maîtres de la littérature française. Hélas je n’ai pu que confirmer la suffisance du dandy alors que le même mouvement qui m’avait fait dédaigner l’image de BHL avait été détrompé par son écriture.
Son monde s’effondre, c’est que le monde s’effondre, Artaud le disait déjà en 1936 : 
« Ce monde n’est pavé que d’intrus qui n’apportent rien, qui n’ont rien à produire, et où on entend ressasser autour de soi que des redites sordides de tout. » 
Excusez-nous messieurs, on vous laisse à vos déplorations - j’ai les miennes - puisque « plus personne n’écoute et ne lit vraiment. » Y a-t-il encore quelqu’un qui écrit ?  
En retournant à ces œuvres perverses, j’essaye d’accrocher quelques mots au défilé des citations. Hugo est à l’écoute de ses murs frappeurs, quelques chinois s’expriment sur le silence et des alchimistes ressurgissent, entre quelques avis concernant la GPA, le virus. 
« Le futur disparaît sous nos yeux, le présent ne s’appartient plus, mais le passé pour qui veut, brille de toute sa force » 
A cela s'ajoute une pincée de Poussin, le « fourmillement des réseaux sociaux », Mozart, la lunette astronomique offerte par son papa, Rimbaud, Mallarmé et Manet, les fake-news, et le pauvre pape :  
« Mais, au fond, qui est davantage baleine blanche qu'un pape tout en blanc ? »
Parmi ces courts chapitres parlant légèrement d’un peu de tout, une amorce de fil d’Ariane consiste en l’évocation d’un amour de jeunesse retrouvée mariée à une autre femme et qu’il fait jouir de temps en temps. Elle s’appelle Daphnée pour laquelle Le Bernin eut plus de délicatesse pour évoquer sa rencontre avec Apollon.

 

jeudi 10 juin 2021

« Speak white ». Alain Borer.

A l’heure où le white se fait « mater » par le black, l’injonction : « speak white » à destination des québécois qui devaient impérativement parler la langue du colon, n’est même plus nécessaire, l’anglais est devenu hégémonique.
L'anglais intégral s'installe dans les conseils d’administration, « globisch » passe partout, « anglobal » , « anglolaid » : « maisoning » et « France bashing ». On ne court plus on « run »,  « fooding » se substitue à « cuisine », 
« Il y aurait aujourd’hui, plus de mots anglais sur les murs de Paris que de mots allemands sous l’Occupation. » Michel Serres.   
J’avais oublié la signification de « chiac »  pourtant appris avec Lisa Leblanc  
 « une des variétés du français acadien, qui comporte une part plus ou moins importante de mots empruntés à l'anglais»  
Exemple :« Ça t'tente tu d'aller watcher un movie? » (Est-ce que ça te tente d'aller voir un film?)  
Ce mot qui claque,  figure parmi quelques termes qui m’ont paru énigmatiques et rendent ces 42 pages parfois difficiles à lire, alors que l’interrogation figurant sur la couverture «  pourquoi renoncer au bonheur de parler français ? » laissait entrevoir du plaisir, d’autant plus que l’auteur est un poète, spécialiste de Rimbaud.
L’avenir se révèle plutôt sombre pour notre langue, « la plus littéraire du monde », car il n’est pas question que de lexique, même si l’examen de la différence entre les deux premières personnes,« I » et « je » recèle des trésors de finesse, c’est une vision du monde qui est en jeu.
Pour donner une idée de la richesse de cet essai dans la collection « tract » de chez Gallimard, j’extrais un passage de circonstance qui peut sembler cependant anecdotique dans un ensemble charpenté. 
«  L’écriture dite inclusive, ignorante de la langue française, laide, sourde, simpliste, moraliste et d’ailleurs illisible, appropriée à des relations en chien de faïence, constitue un signe manifeste de l’auto colonisation américaine, séparatiste et communautariste, opposée à la coprésence esthétisée de cette idéalisation en langue française. Ainsi sans la brumisation du e muet, la féminisation « genrée » s’active dans le même sens que l’écriture dite inclusive, dont on s’aveugle à ne pas voir qu’elle est exclusive : soumise aux représentations américaines, elles en propagent les pratiques, political correctness, sexual harrassment, juridisme… »