vendredi 22 mai 2020

Ville et campagne.

Cité, téci / brousse, cambrousse : la différence a été réactivée ces derniers temps lors de déplacements remarqués allant au-delà du kilomètre pour certains.
La fracture entre gens de la ville et vils « pagus », ne se borne pas à Valencogne ni ne date de ce printemps, elle s’inscrit depuis des temps immémoriaux dans l’exode rural.
Le vent aurait tourné : il semblerait que les télétravailleurs dans leurs chaumières soient moins importunés par les indigènes à tracteurs que du temps où les coqs se voyaient de préférence en tôle. Les rentiers viendraient se mettre au vert pas loin des ronds-points occupés l’hiver dernier par des soutiers en jaune. A ce moment là, à l’arrière des berlines, ça sentait plus le Diesel que le patchouli et la destruction des radars n’avait pas été soumise à référendum d’initiative citoyenne.
Si Charavines devient plus tendance qu’Acapulco, postiers et épiciers se remplumeraient, mais cette impression de retour au bled n’est-elle pas secondaire à l’échelle de la planète quand les épluchures de Lagos sont préférables aux oppressions empoussiérées du village ? 
Ce retour vers sa piscine derrière sa haie ne remet pas en cause, ma reprise de la doctrine bureaucratique « construire la ville sur la ville » ; c’est qu’il y a du « trèfle » (du monde) qui se presse aux octrois des agglos http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/05/incertitudes.html.
Dans la série des paradoxes qui claquent : la distanciation sociale a rapproché des familles, mais les individus craignent les transports en commun; l’écologie se trouve en contradiction avec la santé puisque la densité urbaine plus économe en énergie est favorable à la propagation du virus. Pendant  ces deux mois de coma artificiel, nous avons rêvé, les structures sont restées debout, le chômage qui avait diminué va exploser mais quelques travailleurs resteraient bien couchés.  
Au siècle précédent, happy, baby, papy, boomers (OK) nous venions de quitter le cul des vaches pour les néons des villes où clignotait le mot « Liberté » et demandions que le Larzac reste aux moutons. Désormais les ampoules se la jouent basse consommation et les sangliers déambulent sur la Croisette.
La dénomination de notre génération d’après guerre avec rimes funky en « y » ne convient pas forcément à tous ceux qui n’ont pas pris automatiquement l’ascenseur social. Mais pour beaucoup d’écoliers de mon village natal devenus instits en ces glorieuses années, notre promotion n’avait pas à réclamer des salaires mirobolants, le prestige suffisait. La vocation disait-on était aussi celle des infirmières prenant le relais des bonnes sœurs. Les temps ont changé, et alors qu’est réaffirmé : « la santé n’a pas de prix », une augmentation des salaires arrive.
« The Times They Are a-Changin' »(Dylan), quoique : à deux jours d’intervalle, deux éléphants blancs donnaient des nouvelles:
- Alexandre Adler en 2005, avait préfacé  « Le nouveau rapport de la CIA – Comment sera le monde demain », et prévoyait la crise du Covid-19 avec une précision saisissante,
- alors que sur le blog du Club des juristes, j’ai vu réapparaître Dominique Strauss-Kahn. Ses analyses sont des bouffées d’air frais au dessus des miasmes des réseaux sociaux qui tant nous minent. Ainsi je retiens que la souveraineté ne pourra être réalité que si elle s’exerce dans le cadre européen, et DSK met des mots sur une intuition personnelle où se sont inscrites des images de gamins qui n’avaient qu’un sac plastique à vendre aux abords du marché de Bamako : la relocalisation se fera au détriment des pays émergents. Préparez les canots de sauvetage.
Nous avons appris le mot zoonose, « Maladie infectieuse des animaux vertébrés transmissible à l'être humain (ex. la rage) » : sans frontières. Et nous sommes impatients d’ajouter une ligne à notre carnet de vaccinations qui fut un document indispensable lors de nos voyages lointains tout en n’étant pas mécontent de clouer le bec à tous ceux qui méprisaient ce type de prévention. Les obscurantistes et autres complotistes peuvent par contre se prévaloir de déclarations d’un médecin ne voulant pas jouer au flic en communiquant les noms des contacts d’un contaminé par le virus : il met la santé d’autrui en danger. Si le ministère n’avait pas sorti son pavé de 54 pages de recommandations pour le déconfinement  des écoles combien de timorés de chez poltron et autres casse- couilles auraient saisi la justice dès potron minet ?

2 commentaires:

  1. Je relève une phrase capitale dans ton billet, Guy "la vocation était celle des INFIRMIERES prenant le relais des bonnes soeurs".
    Mesures-tu l'importance de ce que tu as écrit, là ?
    La vocation, c'est le fait d'être appelé. Dans les temps immémoriaux avec un savoir qui est toujours parmi nous, mais mystérieusement, et de manière souterraine, le fait d'être appelé allait de pair avec le fait d'être appelé par... DIEU. La vocation est essentiellement une affaire de nature religieuse. Et là où il y a la vocation... la religion n'est pas loin. Avis aux républicains... et démocrates qui ont oublié que le mot "laïc" nous vient.. DE L'EGLISE. Les laïcs étaient d'abord des personnes AU SEIN de l'église qui s'occupaient de l'intendance, en quelque sorte, et pas.. DES AMES, si j'ai bien compris.
    Si les infirmières ont remplacé les bonnes soeurs, c'est peut-être parce que nous n'avons plus d'âme(s) ? S'il n'y a QUE des laïcs, est-ce parce que le fait de s'occuper (que) de l'intendance est notre nouvelle religion ?
    Il y en a qui seraient indifférents à cela mais tu sais que je dis qu'on a le Dieu/les dieux qu'on peut, mais.. ON A BEL ET BIEN DES DIEUX, même à son insu, et le mot "vocation" dit bien ce qu'il dit. (Encore qu'il est un mot attaqué à l'heure actuelle... qui recouvre une réalité attaquée aussi.)
    (Pour voir des soins réussis, aller faire un tour aux Hospices de Beaune où nos ancêtres à la veille de la Renaissance avaient compris qu'il fallait soigner l'âme de l'Homme en même temps que son enveloppe corporelle pour que les soins soient... efficaces.)
    Je ne vais pas répéter ici l'incident du zoo de Washington que j'étale un peu partout, et que tu dois connaître maintenant, mais ce n'est qu'il y a deux jours que je suis tombée sur quelqu'un qui comprenait réellement la portée de cet incident dans nos vies quotidiennes (l'incident date de 13 ans maintenant).
    Le fait est, Guy, que nous avons sacralisé la santé de nos enveloppes corporelles réduites à des pièces détachées que nous nous arrogeons le pouvoir et le droit de manipuler, et de soumettre à nos pulsions de toute puissance, au point de renoncer.. pieusement à toute forme de liberté pour nous-mêmes, et pour d'autres maintenant, et ceci au nom de la liberté du choix de l'individu !
    Ceux d'entre nous qui crient en permanence au scandale de la soumission vont s'empresser de... se soumettre à ceux que nous prenons pour de nouveaux dieux/prêtres, dans une forme de servitude volontaire bien totalitaire. Et comme d'habitude depuis la nuit des temps, ils vont se sentir vertueux...
    Et ceci par notre incroyable hubris de nous imaginer que nous devons, et pourrons ? MAITRISER le processus dynamique de la vie qui coule dans nos veines, pour échapper à la mortalité, la souffrance, et la maladie... AU PRIX MEME DE NOTRE LIBERTE ET DE NOS AMES.
    Très peu pour moi, merci.
    (suite)

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  2. Je continue ma lecture de "Sauver l'espoir" de Konrad Lorenz, un vrai humaniste. Lorenz avait déjà senti notre désir d' INSTRUMENTALISER TOUTE LA PLANETE pour faire de nous des acteurs/touristes dans un parc d'attraction.. sans mort, sans souffrance, bien évidemment...
    Non, non, et non. Ce n'est pas admissible.
    Nos attitudes sont criminelles, même si.. nous sommes, et resterons TOUS de pauvres créatures dont la souffrance (de penser, surtout...) est accablante.
    La vraie démocratie se trouve dans notre condition humaine universelle d'êtres mortels soumis à la souffrance (mais pas que, heureusement, car... la possibilité de la souffrance est le prix à payer pour la possibilité de la joie).
    Le coma artificiel, ce n'est pas le confinement, c'est l'état où nous nous sommes mis par le souci d'échapper à notre condition humaine, y compris cette frénétique fuite en avant pour FAIRE, pour TOUT RENTABILISER, y compris le temps.
    Je partage le point de vue de Finkielkraut sur ce sujet.

    Après, que les médecins ne veuillent pas faire de la délation, je le comprends fort bien. Voilà bien des années maintenant que les gouvernements, de gauche comme de droite, luttent pour transformer les médecins en fonctionnaires AU SERVICE DE L'ETAT (ET PAS DU PATIENT...) et que les médecins essaient de résister, pour notre SALUT.
    Le premier devoir du médecin est envers son patient, ET NON PAS L'ETAT, fut-ce sous forme d'un semblant guimauve d "intérêt général" promu par des experts qui se sont emparés d'algorithmes pour NOUS GOUVERNER (tout en perdant la raison et la tête, d'ailleurs...).
    Ceux qui croient que les médecins devraient devenir des fonctionnaires... sont naïfs, de mon point de vue. Ils aiment bien plus l'Etat que moi, et.. ILS CROIENT à l'absolue bienveillance de l'Etat d'une manière que je trouve désespérément naïve. (On a la naïveté qu'on peut, n'est-ce pas ?)
    Bon, fin de râle pour aujourd'hui.
    Cordialement.

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