Il n’y avait pas meilleur endroit pour trouver ce livre que
le stand de la Librairie du Square tenu à la MC2 par une jeune fille avec
laquelle j’aime discuter entre deux spectacles étiquetés politiques, mais qui
ne l’est pas-politique ?
« Tout est
politique » ainsi disait Thomas Mann à moins que ce ne soit Daniel
Bensaïd comme l’auteur le précise au début de ses 300 pages augmentées de 376
notes qui soulignent les scrupules et l’érudition du professeur
d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université Lumière Lyon-2.
« Politique, ce
spectacle paternaliste et compassionnel sur tel drame contemporain ?
Politique, cette
moraline républicaine ?
Politique, cette mise
en scène décorative de la domination ?
Politique, cette
dénonciation téméraire des excès de l’argent ?
Politique, cette
pesanteur macabre de messe ?...»
La jubilatoire liste introductive des interrogations ne
s’arrête pas là, mais débouche sur une construction érudite visant à concilier
fond et forme où les capacités de compréhension du lecteur sont mises à rude
épreuve.
Les thèmes ne manquent pas:
« …les
migrations, les migrants, les mineurs migrants, les lois racistes françaises,
l’Europe, les licenciements, les sans-domicile-fixe[…], les personnes
trans-genres… »
Lorsque je me rends à un spectacle théâtral j’ai souvent le
sentiment de participer à un rite tournant entre initiés, et j’aggrave mon cas
avec ce livre ajoutant du laborieux à la futilité.
J’y retrouve, au-delà des fauteuils, des questionnements au cœur de mon activité d’enseignant ainsi avec Rancière souvent
cité :
« … l’explication
est le mythe de la pédagogie, la parabole d’un monde divisé en esprits savants
et esprits ignorants, esprits mûrs et immatures, capables et incapables,
intelligents et bêtes. »
Ce travail universitaire de haute volée a
donné l’impression au familier des brasseries que je suis, d’être entré dans un
restaurant gastronomique, dont je ne sais goûter toutes les subtilités. J’ai pu
me raccrocher furtivement à quelques égratignés dont je connaissais les noms :
de Jean Michel Ribes qui fut à François Hollande ce que Jean-Marc Dumontet est à Emmanuel Macron. La citation du texte de
Joël Pommerat critiquant la politique culturelle d’Eric Piolle en rappelle la
pertinence.
Si j’ai vu quelques spectacles auquel il fait référence
celui de Maguy Marin qui est évoqué était différent de ce
que je connaissais
mais « Le théâtre du soleil » serait-il devenu
tellement hors du coup qu’il n’est même pas cité ?
J’aime Jacques Lacarrière quand il disait :
« Je revendique
le droit pour le théâtre de fréquenter les mauvais lieux de l’être, d’être
rôdeur nocturne autour du mystère de nos origines, d’être l’aboi lucide qui
hante les feux nomades de nos songes et pour l’auteur d’être l’archéologue de
nos doutes, le rhapsode de notre double, le déchiffreur de nos fragilités.
Assez de donneurs de leçons, de professeurs masqués de signes et de
dramaturgies, de rançonneurs d’enfants crédules, de détourneurs d’engagement. »
Comme Sacha Guitry disait à propos des femmes : « je suis contre, tout contre », nous
comprenons bien que ce livre édité par la Fabrique qui publie aussi Badiou,
Rancière et Bensaïd est contre la politique, tout contre, avec le théâtre.
Ça a l'air intéressant.
RépondreSupprimerComme tu me connais en avocat du diable, je suis pourtant perplexe, mais peut-être que j'ai mal compris le propos. Il me semble que.. à partir du moment où TOUT est politique, on ne sait plus ce qu'est la politique (mais c'est peut-être le propos d'Olivier Neveux ?). Je crois depuis toujours que si on n'a pas une idée de ce qui est.. EXCLUS de la politique pour être dans un autre domaine, ou d'autres domaines, on nage dans la soupe aux pois cassés. (Oui, oui, je sais que je me répète sans vergogne, mais une petite pensée là pour l'"art" si indigeste, dans l'ensemble, de la période révolutionnaire en France quand "nous" étions assommés en permanence par "lesidées", toujours pour notre bien. Dire que tout ça est... poudingue, c'est de la litote.
Qu'est-ce qui relève de la politique, par opposition à ce qui relève du social, ou de la morale, ou du religieux ?
Comment on sait qui fait quoi, qui est quoi ?
Par exemple... depuis que François Mitterand s'est fait limer les dents pour se présenter à la présidence, et a embauché Séguela pour faire campagne, comment sait-on que François Mitterand n'était pas... un acteur (en plus dans un spot publicitaire, un comble), et que d'autres qui ont pris sa suite ne sont pas encore et toujours... des acteurs ?
Par les temps qui courent, il serait bon que les acteurs du culturel, du spectacle (mais pourquoi pas les politiques aussi ?...) sachent que de tous temps, l'acteur a été l'objet d'une profonde méfiance au sein de la cité, ainsi que son art. Le théâtre a fait concurrence avec la messe pour les âmes, les coeurs, les esprits, les yeux. Le théâtre fait toujours concurrence avec la messe, d'ailleurs, même si on s'obstine à ne pas le voir.
Il n'est pas bon que l'art soit perçu ou structuré comme un fonctionnariat, si la cité doit être construite.. TOUT CONTRE. Ça ne marche pas.
Pour ma part, je vote pour Sacha Guitry, encore et toujours : j'ai un petit test, d'ailleurs, quand on veut identifier... l'église actuelle, ou la bourgeoisie actuelle, on peut s'en référer à Sacha Guitry. Les gens qui expriment leur désapprobation devant Sacha Guitry ? Je les trouve louches, et je n'aime pas trop les fréquenter...Ils tuent notre joie avec les meilleures intentions. (Attention, il ne faut pas confondre "joie", "plaisir", et "jouissance" ; ce serait fatal.)
Oui, je ne lis que maintenant, (mea magna culpa) "CONTRE" le théâtre politique.
RépondreSupprimerOui, oui. C'est pour ça que je ne veux plus aller à Avignon depuis quelque temps.