vendredi 15 mai 2020

Le bon sens.

Ritournelle : si le mot «  bon sens » revient à la mode c’est que sa réalité s’est éloignée comme «  respect », « confiance », « citoyenneté »... Sa disparition est éclatante.
S’il est besoin de qualifier nos paroles comme relevant de cette catégorie confortable, cela signifie que leur pertinence ne va pas de soi. En se positionnant face à des idées qui auraient de mauvaises manières, ce rangement n’est pas forcément à l’avantage des sages entassés dans un paradis sans chaleur auquel ne croient plus que les benêts. Sans compter les blindés dans leurs certitudes, dont le bon sang ne saurait mentir, qui se précipitent vers les armureries U.S.
Bien que son invocation soit urgente, se garder de mettre les mots sans dessus dessous et  conserver seulement pour le souvenir, le juron " bon sang" du temps où nos grands pères, "nom de gu!", avaient le sens du sacré.
Le bon sens près de chez vous : le circuit court s’avère tortueux.
Nous nous sommes « pris le mur », mais nous avons tellement le nez dessus, que nous ne voyons rien. Alors se multiplient les enfoncements de portes ouvertes.
Quand « Le Monde » titre : « j’ai fait mon premier flan » après avoir popularisé la notion de « batch cooking », qui consiste à tenir plusieurs casseroles au feu pour prévoir ses menus à l’avance, nous pouvons nous exclamer : « Mon Dieu, la belle affaire ! »
Parmi les esquisses d’une planète plus nette, les jardins tiennent une place de choix. Il conviendra de placer toutes ces salades sous le patronage de Voltaire qui mit une bêche dans les mains de Candide au bout de ses pérégrinations pour qu’il travaille enfin loin de la métaphysique et des jardins d’Eden.
La photographie ci dessus est de Vivian Maier  
Le monde s’écroule : l’air est plus pur et nous portons des masques.
Les mordu.e.s de l’écriture inclusive, venant de s’apercevoir de l’existence des personnes affectées au nettoyage, contraindront peut être leurs élèves à ramasser leurs papiers de chewing-gums sans qu’ils aient recours aux gants et à la pincette ergonomique… pour les gants faut voir.
Ces services de propreté, dont on peut deviner qu’ils seront très demandés, sont assurés essentiellement par des sous traitants maltraités qui font les boulots que les personnels en place ne veulent plus assurer : j’ai le souvenir d’agents communaux qui ne pouvaient intervenir à plus de deux mètres du sol. Le nettoyage des vitres a été confié à d’autres, et des postes statutaires ont disparu.
Les syndicats ne se sont pas affaiblis par la volonté d’un seul homme, mais certains, enfermés dans un corporatisme conservateur, se réfugient dans le radotage, voire le sabotage.
En ayant en mémoire les effets pervers d’un excès de précautions et d’un manque de souplesse induits par des privilèges de confrérie, il me paraîtrait sain et simple de faire bénéficier les "premiers de tranchée" des sécurités des collectivités territoriales et des grandes entreprises où ils interviennent.
 « Ne jetez pas vos gants dans la rue » : cette consigne semble tellement évidente que nous en arrivons à en ignorer des plus appropriées. Ces recommandations à destination d’un peuple jaloux de ses libertés s’apparentent aux lois affichées sur les murs des maternelles : «  Je ne frappe pas mes camarades » pour des enfants qui ne savent pas encore lire.
Si nous avons perdu le plaisir de la première fraise de l’année, c’est que nous ne savions plus les saisons. Nous redécouvrons qu’il y a aussi des cycles dans la vie maintenant que s’affiche quotidiennement le décompte des morts dont les fous qui tiennent le manche outre Manche ou outre Atlantique n’arrivent pas à nous distraire malgré leurs détergentes interventions.
A défaut de savoir comment financer le futur, les haineux veulent faire payer pour le passé.
Ayant échappé à leur bave et postillons, pourrait-on entendre des hommes, ni ange ni bête, se parler, pour prendre place entre transhumanisme et anti spécisme, entre robot et pangolin ?
« Il se cogne la tête contre un mur depuis si longtemps qu'elle s'est vidée de tout son bon sens. » Truman Capote

1 commentaire:

  1. Tu dois commencer à connaître mes dadas depuis le temps.
    Savais-tu que la religion ? la religiosité ? de nos ancêtres, non pas les Gaulois, mais les Romains, les Grecs, mais les Juifs aussi, était faite de pratiques quotidiennes... et non pas de retrouvailles communautaires dans le bâtiment d'une église, qui était un.. progrès ?... chrétien.
    Les pratiques quotidiennes religieuses qu'on pouvait et devait, faire chez soi étaient essentiellement des pratiques de.. PURIFICATION, et des pratiques pour éloigner le mal, et protéger les habitants du mal chez eux.
    Est-ce que cela te fait penser à quelque chose, là ?
    Moi, oui. Malheureusement.
    Dans ce contexte de... religiosité envahissante de nos ancêtres, je parie que le sempiternel lavage des mains avait une très bonne place. Le grand rôle de la religion : séparer le pur de l'impur, des fois où on pourrait être submergé par l'impur, équivalent du mal, bien entendu.
    Tout cela a l'air archaïque ? Je me souviens d'avoir lu des passages de Nietszche dans "Le Gai Savoir" où cet hurluberlu en appelait au retour de la superstition comme antidote à la religion chrétienne raisonnable et raisonnante, empreinte d'un certain... bon sens ?..., des passages que j'ai lus avec étonnement, et qui m'ont rendu très méfiante envers les côtés illuminés de Friedrich.
    Cette crise sanitaire intervient à un moment où ça fait des années qu'"on" nous somme doctement de nous laver les mains plusieurs fois par jour pour... nous purifier. Certes, le vocabulaire a évolué, mais la purification ? Regarde un peu le nombre de fois que tu peux relever le mot "pur" ou un dérivé de ce mot dans un magasin bio, et ensuite reviens vers moi me le dire.
    Personnellement, la.. pureté, comme son équivalent moderne (et fonctionnel...) la propreté sont pour moi des valeurs ras les pâquerettes qu'on investit quand on a perdu toute forme de joie de vivre alternative.
    C'est un comble qu'au moment où nous avons réalisé l'utopie de Descartes, au moment où nous avons une maîtrise des forces de la nature pour faire de l'électricité, des bombes, des réacteurs nucléaires, nous nous mettions à accomplir des.. rites de purification comme les antiques païens.
    Comme les puissants sont tombés bien bas...de leurs hauteurs prométhéennes.
    Comme nous ne sommes pas ce que nous avons cru être...

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