jeudi 19 décembre 2019

Picasso 1939-1945. Au cœur des ténèbres. Etienne Brunet.

« Je n'ai pas peint la guerre parce que je ne suis pas ce genre de peintre qui va, comme un photographe, en quête d'un sujet. » « Picasso à sa fenêtre » Brassaï
La phrase de Picasso inscrite dans la première des 17 salles qui lui sont consacrées  au musée de Grenoble jusqu’au 5 janvier 2020 se complète utilement de sa seconde partie :
« Mais il n'y a pas de doute que la guerre existe dans les tableaux que j'ai faits alors. »
Ainsi le parti pris de notre guide-prof privilégiant l’aspect artistique redonne une vigueur politique à la star sexagénaire dont l’engagement pendant la seconde guerre avait pu interroger. « Tête de mouton écorchée »
La connotation pédagogique de cette visite avec propositions interdisciplinaires à l’appui, nous permet de compléter nos premières vues et ouvre des perspectives séduisantes.
Ainsi le compagnonnage avec Robert Desnos le poète, resté auprès de sa femme, alors qu’il avait été prévenu par son journal qu’il allait être arrêté, permet de présenter le travail remarquable d’élèves de Champo à propos de l’engagement. https://lycee-champollion.fr/spip.php?article2973.
L’auteur de «  La fourmi de 18 m avec un chapeau sur la tête » est un vecteur pertinent de compréhension de l’exposition. Que voyons nous ? Que croyons nous ? Quels monstres a-t-on engendrés ? Dans la ville de  Fourmies étaient fabriqués des wagons de 18 m et les camps de la mort ont existé.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/04/ombre-parmi-les-ombres-ysabelle-lacamp.ht
« Le Buste de Dora Maar dans l’atelier des Grands-Augustins », en 1943, par Brassaï honorera la mémoire d’Apollinaire.
Après Fernande de l’époque cubiste, Olga qu’il a épousée et puis Marie Thérèse, Dora Maar sa volcanique compagne des années de guerre, est une artiste photographe, pas une potiche. Elle a travaillé avec les surréalistes, elle sera pour l’éternité la « Femme qui pleure », portant avec elle l’Espagne qui souffre depuis des années. « Tête de femme n° 1 » 
La première fois qu’il l’a vue elle jouait à planter un couteau entre ses doigts, ses mains la symbolisent autant que ses larmes. « Dora Maar » photographiée par Man Ray.
S’il peignait très vite, il multiplie les travaux préparatoires « Buste de femme avec les bras levés derrière la tête ».
« Le jeune homme à la langouste » hommage au « Mangeur de melon et de raisin » de Murillo, serait une réponse aux athlètes surtout pas « dégénérés » d’Arno Breker comme « L’homme au mouton » où Pablo se ressaisit de l’art classique. Les fenêtres sont occultées pour la défense passive sur l’affiche de l’exposition et au « Café des Bains » à Royan, ville anéantie par les bombardements de 45.
 Si nous sommes invités à voir quelques séquences de  films de Clouzot renseignant sur le travail de l’artiste majeur du XX° siècle, les vitrines sont aussi intéressantes : « Une anthologie de l’humour noir » de Breton est un spécimen rare, et quelques articles voire une lettre d’insultes sont éclairants.
« L’Enfant aux colombes » surnommé Churchill, fait le lien avec les pigeons que peignait son père et annonce celles de la paix.
C’est le même homme qui peignait un oppressant « Grand nu couché » aux tonalités connotées, brunes et vert-de-gris
et une « Femme nue contemplant un homme » aux effets de clairs obscurs charmants.
Il a toujours été jeune « Tête de jeune homme » (1945).  Et même si « C'est à cause de toi que cette époque n'est pas grise » comme disait Eluard, il avait averti dès 36 des horreurs à venir, il sera en désaccord avec le PC auquel il adhère en 46 : pour lui la guerre n’était pas finie.  « Le Faucheur »

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