Guernica, le manifeste, la peinture d’histoire, a été peint en
1937. A ce propos, Picasso aurait
répondu à un officier allemand qui lui demandait « C'est vous qui avez fait cela ? » devant la photo d’un des
tableaux les plus connus au monde : «
Non, c'est vous ! »
Entre 1939 et 1945, Picasso est resté en France. Protégé par
sa renommée, l’ « artiste dégénéré » n’a pas pris le maquis, il
a intériorisé, personnifié une histoire féroce.
René Char:
« Face au pouvoir totalitaire, Picasso est le maître charpentier de
mille planches de salut »
En 1939, Prague
est annexée. Il ne peut se rendre à l’enterrement de sa mère.
Toutes griffes dehors, un Chat saisissant un oiseau
« animalise » la violence qui se grave comme sur la « plaque
sensible » d’une œuvre comportant 2000 pièces exécutées pendant cette période
de guerre.
Ses amis surréalistes sont partis, il s’installe un moment à
Royan avec Dora Maar, pas loin de l’hôtel de Marie Thérèse Walter. Les deux
maîtresses cohabitent dans Femme debout et femme assise. Il est
revenu à Paris mettre à l’abri ses toiles dans un coffre fort à côté de celui
de Matisse. Il connaît le succès aux Etats Unis.
En 1940, « Je travaille, je peins, je
m’emmerde » Picasso. Le Café des bains, dans des couleurs
acidulés garde la mémoire de son refuge atlantique, au centre d’un de ses rares
paysages, désert. Il n’a pas obtenu la nationalité française qu’il ne demandera
plus.
Les anguilles de mer menaçantes, grouillent de vie.
Faite de ficelles et d’un paquet de Gitanes, la Femme
assise dans un fauteuil pleure encore et montre les dents.
Quand le rationnement est instauré, en 1941, sa propriété du Boisgeloup où
vivait Olga lui a procuré des vivres. Il est question de restrictions dans la
pièce qu’il a écrite « Le désir attrapé
par la queue », farce surréaliste mise en scène par Camus à la fin de
la guerre pour quelques amis. Son atelier des Grands Augustins à Paris était un
lieu de rencontre intellectuel.
Femme au chapeau rond dans un fauteuil : dans un espace
clos, l’atmosphère est lugubre.
Si les couleurs d’une autre femme assise dans un fauteuil
sont plus vives, des clous sont plantés au dessus des yeux. Premières lois
anti-juives.
Le portrait de la fragile Nusch Eluard qui mourra en 1936, peut-il être un rempart
contre l’inhumanité des temps ?
La sombre Aubade de 1942, mystérieuse ne comporte pas
de trace anecdotique. Une figure mélancolique joue d’une mandoline décordée
devant un nu hideux. Un oiseau se tait dans la prison.
Vlaminck lui a reproché d’avoir mené la peinture « au
néant », il est injurié dans la presse pourtant des galeristes l’ont soutenu.
La grimace évidée de la nature morte au crâne de taureau est
si forte qu’elle a servi pour l’affiche de l’exposition.
Le buffet du Catalan dit bien l’ambiance lugubre de
l’occupation en 1943.
Desnos qui venait souvent dans ce restaurant, cantine du peintre, avait
remarqué que le buffet avait disparu après que son ami l’ait peint.
Il a rencontré
là Françoise Gillot qui l’appelleraLe vert Galant, surnom du vigoureux Henri
IV, et square à la pointe de l’île de la cité, où s’annonce le printemps.
Eros et thanatos jouent dans Le baiser, dévorant, pied
de nez à la guerre.
En octobre 1944, il a
adhéré au parti communiste, « le parti des fusillés », se mettant en
scène en tant que résistant. Dora Maar est La femme en bleu, dont les mains
sont absentes. Elle va s’écrouler, Lacan l’aidera à surmonter sa peine.
En 1945, Le charnier
resté au MOMA, rappelle le prophétique Guernica, se confondant avec les images
des horreurs découvertes dans les camps.
Puisqu’ « une casserole peut crier », les objets du quotidien
étant des « vaisseaux pour la
pensée », La casserole émaillée que la bougie illumine est vivante.
« Non la peinture
n’est pas faite pour décorer les appartements. La peinture est un instrument de
guerre offensive et défensive contre l’ennemi » Picasso
En 1946, il a illustré à la manière des enlumineurs
du moyen âge, Le chant des morts de Reverdy le poète qui était resté
silencieux pendant ces années noires.
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