lundi 21 mai 2018

Cannes cinéphile 2018.

En ces temps où les trains sont souvent à l’arrêt, la ligne de chemin de fer qui longe la Côte d’Azur paraît encore plus belle. Une fois franchies les bornes rouges des rochers de l’Estérel en direction des salles obscures, comment ne pas apprécier  la lumière particulière de la capitale provisoire du cinéma ?
Pas de Croisette du tout, cette année
mais 30 films, 29 et 1/2 plus exactement, car pour « Meurs, Monstre, meurs » je ne suis pas allé jusqu’au bout des 98 minutes d’horreur, aggravées de prétention, coulées par le ridicule.
Pendant cette semaine enchantée, nous n’avons même pas vu que le ciel a été gris, campant si loin des querelles françaises, en plein courant d’air, celui de notre temps, passant d’Argenteuil à l’Argentine, des chaises en plastique de fiançailles gitanes aux portes en fer d’une cour azéri.
En cette année « Harvey Weinstein », pointer des tendances relève de la gageure tant les choix possibles sont variés et nos paniers différents.
Les relations homosexuelles sont privilégiées parmi 2000 films proposés parait-il, où nous avons dégoté quelques comédies alors que d’habitude nous les cherchons vainement.
Le retour des cigarettes à l’écran se remarque, les paysages sont souvent enneigés et il n’est pas rare d’aller faire un tour au bord de la mer.
J’ai repéré des négligences orthographiques dans les sous titres - l’UNEF n’a pas l’exclusivité des fautes - en particulier pour les verbes du 1° groupe conjugués à l’impératif, par contre la majuscule s’impose pour désigner Dieu, même sous forme de pronom.
« L’affaire de famille » de Kore Eda dont on connaît la finesse a reçu la palme d’or
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/05/apres-la-tempete-kore-eda.html mais c’est une douce romance amoureuse « Asako 1&2 » que nous avons vue, par son compatriote Ryusuke Hamaguchi apprécié récemment
L’Iranien Jafar Panahi ne pouvant sortir de son pays, il aurait semblé opportun de mieux récompenser « Trois visages » où la lutte des femmes pour l’émancipation se livre bien loin des chambres du Carlton, apportant une réflexion allègre sur les images, tout en nous renseignant sur la vie d’une région.
Dans la sélection officielle nous retrouvons le cinéma italien avec « Heureux comme Lazzaro »  comme Lazare le ressuscité, dans lequel un innocent imperméable à la méchanceté fait ressortir toute la cruauté des autres.
Le film égyptien «  Yomeddine » n’a pas eu de récompense dans la compétition qui attire tous les regards et multiplie les prix spéciaux, dévalorisant ainsi les gagnants, mais c’est l’usage dans bien des domaines ; pourtant l’histoire d’un lépreux à la recherche de sa famille d’origine est poignant, bien que gâché par une conclusion lourde.
« Arctic »: l’énergie vitale d’un homme permettra-t-elle de surmonter des conditions extrêmes ?
Dans la catégorie « Un certain regard », « Euphoria » avec deux frères aux trajectoires très différentes nous fait sourire, réfléchir, nous émeut ; nous sommes à Rome.
A Damas, les passions ordinaires de femmes en rivalité dans « Mon tissu préféré »  auraient pu nous rassurer  en 2011, au moment où s’annonçaient des bouleversements meurtriers.
C’est à « La quinzaine des réalisateurs » où nous avons été les plus assidus.
« Amin » entre Sénégal et France entrouvre des portes d’un foyer de travailleurs immigrés, des tentures de cases et le portail du pavillon appartenant à Emmanuelle Devos.
Quant à « Carmen y Lola »  aux  couleurs éclatantes, elles vivent un amour difficile en milieu gitan.
Les films mexicains peuvent-ils proposer une autre image de leur pays qui ne serait pas dévoré par la violence ? « Comprame un revolver » avec une petite fille enchaînée par son père junkie, va très loin dans l’inhumanité.
Le contraste avec « En liberté » n’en est que plus vif . Pierre Salvadori traite les zones d’ombre de ses héros avec intelligence et drôlerie, comme Romain Gavras, dans « Le monde est à toi » qui répond aux spectateurs après la séance, que c’est… sa mère, l’inspiratrice pour une histoire déjantée de dealers avec Adjani et Cassel.
« Teret » (le chargement) dans un camion en Serbie en 99 est nettement plus gris.
« Cris the Swiss »  dans « La semaine de la critique » n’est pas plus gai, avec ses dessins animés intercalés dans un reportage qui découvre les engagements d’un journaliste suisse disparu en Croatie.
Mon prix d’interprétation féminine serait bien allé à Tillotama Shome, à l’énergie communicative. Elle joue une servante en Inde dans « Monsieur » où la fin des castes n’est pas pour aujourd’hui.
L’actrice principale de « Woman at war » incarne aussi avec efficacité et conviction une activiste écologiste en Islande.
« Shéhérazade » met en scène à Marseille des acteurs amateurs, eux aussi remarquables, pour illustrer le fait que la  violence prospère sur la naïveté, alors que par ailleurs le spectateur est roulé avec virtuosité par « Guy », un chanteur sur le retour.
Dans la programmation des cinéastes dite ACID, il ne se passe pas grand-chose avec « Il se passe quelque chose » ni fait ni à faire : deux femmes aux environs de Fos-sur-Mer rencontrent des gens. Par contre, une jeune Rom débarquant en Belgique parle la langue universelle de l’émotion et de la vitalité, dans « Seule à mon mariage ».
Le mot « vitalité » revient souvent pour caractériser de nombreux films, comme est répétée avec à peine quelques variantes, la réplique « Excuse moi, tout va bien se passer ».
Face à « Thunder Road », j’étais gêné de ne pas rire en même temps que d’autres spectateurs, inquiet plutôt de voir le respect de la loi confié à un policier déséquilibré, il est vrai qu’à la tête de son pays, les USA…
« Un violent désir de bonheur » sonne tellement faux qu’il me procure facilement le plaisir sadique d’avoir trouvé le film à déconseiller absolument.
Également oubliable, parmi de nombreux road movies vus cette année, « The Strange Ones », proposé par les Ecrans juniors, glauque et embrouillé, nous laisse au bord du chemin.
Les films présentés par le Cinéma des antipodes sont rarement distribués en France, pourtant « Tree summers » drôle, chaleureux, le mériterait bien. Pendant trois étés consécutifs un festival rassemble des groupes significatifs de la diversité de l’Australie. Cette proposition est  bien plus subtile et efficace que « The Pa boys », groupe de reggae maori qui nous promène de jolis paysages en paysages bien éclairés.
La rencontre d’un jeune homme et d’une jeune fille pendant une nuit et une journée dans « Ellipsis » ne marquera pas l’histoire du cinéma, mais se laisse voir.
« The changeover » tellement embrouillé, ne me réconciliera pas avec le genre fantastique.
En marge du festival, Visions sociales projette quelques films récents qui auraient pu nous échapper.
« Menina » à travers la vie d’une petite fille d’origine portugaise revient sur la situation d’une communauté peu choyée par le cinéma.
« Winter brothers » tape fort : des mineurs dans une carrière de calcaire au Danemark s’étourdissent à l’alcool frelaté.
Enfin, parce que le cinéma continue après la projection, une phrase d’une voisine de fauteuil :
« Depuis que j’ai une chaise roulante, je marche mieux ! » Elle s’en sert parfois comme déambulateur.
Et cette réplique d’une collégienne à un de ses camarades qui ne lui a pas tenu la porte :
«  Quel manque de galanterie ! Trou du cul ! »

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