Avec un titre pareil portant la nostalgie d’une ambition
politique, sous une couverture où Saint Paul est ravi grâce au clair pinceau de
Nicolas Poussin, ce livre ne pouvait que favoriser ma conversion récente aux œuvres
épaisses : 654 pages.
D’autant plus que l’auteur est un familier
Agréables leçons d’histoire de l’art :
« Le peintre
italien peint l’instant, le peintre français l’intemporel.
Le peintre italien
peint le mouvement, le peintre français l’immuabilité.
Le peintre italien
dramatise, le peintre français philosophe.
Le premier met en
scène un roman, le second tire une leçon. »
Toujours sur le ton de la conversation, de préférence
amoureuse, en des temps éminemment politiques, l’histoire passant des galeries
de peinture à Rome aux les allées obscures du pouvoir à Moscou, il ne s’agit
pas dans ces années trente entre Mussolini et Staline de confondre les foules
russes et les italiennes:
« Une foule
soviétique est virile, consciente de ce qu’elle fait, elle n’obtempère pas,
elle n’adhère qu’en connaissance de cause au programme qu’on lui propose. Cette
foule-ci est une foule femelle, une foule veule, une foule servile, une foule
amoureuse, qui se donne comme une chienne. »
Toujours magnifiquement écrit :
« La femme avait
la trentaine et montrait cette beauté majestueuse que les Romaines exposent à
cet âge où leur cœur averti de son déclin s’inquiète de le perdre. »
L’ironie et détachement subtilement dosés permettent toutes
les exaltations.
Les tribulations d’un jeune garçon qui aime les garçons sont
riches et passionnantes, les interrogations sur l’engagement, la place de l’art
dans la politique, cruciales même si le versant espionnage qui justifie le
titre n’est pas vraiment mon genre préféré.
Il est passionnant de
découvrir sous le vernis classique d’un artiste comme Poussin, une dimension
politique des plus progressistes.
Il s’agit ci-dessous de Saint François d’Assise pour
illustrer les problématiques toujours en cours autour des corps:
« Logique avec
lui-même, François aurait dû libérer le sexe également, célébrer aussi la joie
du sexe. Il aimait la musique, la poésie, les paysages d’Ombrie, la marche sous
le soleil, les haltes sous les oliviers, les gâteaux, mais, cramponné au
préjugé biblique, il maintint l’interdit sur le corps. En condamnant le désir,
il avalisa le discours catholique sur la répression sexuelle et engagea
l’Europe pour des siècles de misère puritaine. »
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