J’ai pensé trouver un livre qui accompagnerait bien nos
projets de séjour en Italie, et je me suis trompé.
Les premières pages qui décrivaient les beautés de Florence face
à la vulgarité de Berlusconi m’avaient mis en appétit.
Bien que ce livre soit écrit à la première personne, il
n’est pas habité : trop de grands mots sonnent dans le vide. Convenu,
éloignant le lecteur qui ne connait pas intimement ses nombreuses références
littéraires, truffé de citations dont celle opportune de Dante, parlant de choses qu’il est beau de taire, avec
Virgile : « parlando cose che’l
tacere è bello »
Que ne l’a-t-il fait lui, l’auteur, qui est attiré par le silence, le
vide ?
Alors qu’une des seules choses que je sache de Bataille
c’est sa réputation en matière érotique, ce maître ne l’a guère inspiré :
sa compagne ne fait que passer et un baiser au Japon est aussi minéral que les
jardins là bas.
Quant à ses propos politiques, en touillant dans les
culpabilités, ils sont encore plus contestables, au moment où les nazis du XXI° siècle défilent, dans les sables,
sous de sanglantes bannières noires.
A propos d’Auschwitz :
« L’infamie
allemande est aussi italienne ; elle est occidentale,
mondiale-planétaire : c’est celle de la destruction de la tragédie - c’est
le monde de la parole comme porcherie »
La libération a-t-elle eu lieu ?
Quelques passages sont poétiques, ils auraient tenu dans une
plaquette, car sous des « ciels
indifférents », les lumières peuvent être belles:
« C’était un beau
jour de novembre, soyeux et fixe »
Je proposerai pourtant ces 200 pages éditées dans une
collection dirigée par Solers (d’où les citations) à mes compagnes de Campanie
et d’ailleurs, histoire de contredire cet avis bien négatif dont il est
difficile de trouver trace de semblables commentaires ailleurs.
Le titre était beau, mais pas de lui, dit il lui-même.
Par contre une interview dans Télérama de l’historien
Patrick Boucheron donne envie d’aller plus loin :
« J’ai récemment
travaillé sur la crainte que ressentaient les Siennois en 1338 face à la menace
qui rôdait autour de leur régime politique – pas seulement les institutions,
mais tout ce qui leur permettait de vivre ensemble harmonieusement. Cette peur,
ils voulaient la voir en peinture : la fresque d’Ambrogio Lorenzetti l’a rendue
visible. Et voilà qu’au moment d’écrire mon livre, et aujourd’hui encore, je
suis rattrapé par l’actualité – cette peur de voir notre vivre-ensemble brisé.
L’historien ne peut pas congédier le présent qui cogne à sa fenêtre. Il doit
s’en saisir pour le maintenir à distance, mais toujours devant lui, sous ses
yeux. Oui, la peur est la plus puissante des passions politiques: on ne
comprend pas l’histoire européenne, par exemple, si on ne saisit pas combien,
depuis le XVe siècle, la peur des Turcs l’anime et l’emporte. »
Il a écrit : « Conjurer la peur, Sienne 1338.
Essai sur la force politique des images.
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