samedi 21 mars 2015

Un candide à sa fenêtre. Régis Debray.

Lui qui a si bien le sens de la formule n’a pas trouvé, à mon avis, le titre adéquat, car le renard argenté n’est guère ingénu. Et s’il cultive une fraicheur revigorante en un regard embrassant la philo, la politique, les arts, la littérature depuis la France jusqu’au monde, c’est d’expérience qu’il parle.
Tout est bon dans le ronchon, avec ses 395 pages délicieuses où  la tentation est forte de se contenter de citations tant le lecteur toujours admiratif http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/09/reverie-de-gauche-regis-debray.html  se sent illégitime pour  juger celui qui tel Cyrano se sert lui -même, avec assez de verve, lui qui aime « assimiler d’innombrables lectures, leur donner une forme ramassée et alerte, les contreforter de souvenirs ou d’aperçus personnels… »
Je le suis dans sa critique de l’art contemporain ou de «la littérature sans écriture», dans les paradoxes soulignés d’un Sartre appelant à bouffer du capitaliste après une guerre passée à occuper essentiellement Saint Germain des Prés, quand il verrait bien Joséphine Baker au Panthéon, et ses fidélités à Santiago Carillo, Semprun, Grach, lui qui avait pressenti la remontée du religieux, « le leurre européen » , la révolution numérique…
Et je me mire dans le miroir d’une « France enfance » qui a sa place à côté de « France élégance », « souffrance » et « romance » :
« Elle a la plume sergent major chère aux gavroches amoureux des cartes et d’estampes, fleuves verts et départements saumon. Elle musarde  à cheval sur la Sologne et Ménilmontant. Le Grand Meaulne et Robert Doisneau. Entre les comptoirs de comptine (« Pondichéry, Chandernagor, Mahé… ») et ceux en zinc de la rue Villain. Elle est rêveuse humaniste, centre gauche, gouailleuse, doucement anarchisante. La France de Laforgue, de Perec, de Brassens et de Truffaut. Elle aime le calembour. Couleur : du gris tourterelle (les toits de Paris) au bleu –noir (l’encre Waterman). Le ton : à la confidence avec un grain de mélancolie. »
« Un pays qui n’a plus assez de musique en lui peut il réussir sa composition ?»
Léger, inattendu, pourtant le passage du temps se fait sentir, quand la mort n’est pas un départ mais un retour vers les familles et que la lutte contre l’oubli devient pathétique :
«  bienvenue la saumure doctrinale qui nous permet, à nous randonneurs sans biscuit, de puiser dans les stocks pour poursuivre notre route ».
Que fait-on quand les anorexiques sont pourvus de GPS ?
Pourtant le bon sens est bien dit : « Quand le jour se lève sur le tapis vert, le chimérique double la mise et joue banco » pour parler des surenchères de ceux qui s’aperçoivent de l’échec de leurs rêves, ils n’en ont pas fait assez !
 Allez, pour la route, quelques gourmandises :
« Il n’y a plus lieu de croire qu’on va fermer les mosquées en favorisant les mathématiques, ni faire fuir les ayatollahs à coup de Coca-Cola, ni ramener les hommes à une bonne gouvernance avec des ordinateurs. »
Parlant en bien des tweets qui comme « l’art vit de contrainte et meurt de liberté » :
« peut être manque-t-il à nos haïkus numériques et drolatiques cette goutte d’amertume qui aide à bien vieillir ».
Nous ne manquerons pas d’amaretti et vieillirons bien ensemble, tant qu’il y aura de si belles pages.

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