mercredi 14 janvier 2015

Iran 2014 # J 14. Rudehen. Alamont.

Cette journée nous prévoit 7 heures de minibus que nous entamons par un retour vers Téhéran. La circulation gymkhana est de rigueur. Le paysage est un immense chantier d’immeubles tous conçus de la même façon : une structure métallique comblée avec des parpaings ou des briques. Il faut du temps pour contourner la capitale jusqu’au check point. En chemin nous apercevons deux centrales nucléaires près de la route dont une au milieu d’immeubles qui ne parait pas prendre de mesures de précaution particulières.
Nous mangeons dans le dernier restaurant avant la montagne, nous sommes les seuls clients pour avaler le menu habituel : kebab haché riz, tomates cuites et oignons crus.
Nous abordons ensuite montées et descentes et nous recommençons pendant un bon moment. Le paysage se modifie, la terre semble plus riche, les cailloux moins nombreux et le vert du riz en herbe s’étend autour des villages. Pas de troupeau, ni de ferme isolée.
Des coulées de sel sur les pentes se terminent en marais salants. Nous traversons des vallées,  franchissons des cols, et nous nous élevons jusqu’au château d’Alamont. Ali s’arrête à la dernière maison du village de Ghazur Khan, cachée par la verdure. Nous déposons nos sacs dans les trois chambres  installées sur une terrasse agréable et partons à l’ascension de la forteresse construite vers 840.
Nous sommes à 2200 mètres  et la montée nous essouffle, elle a du être aménagée depuis 2006 date de la parution du guide Olizane qui nous avertissait d’une randonnée périlleuse.  
Nous sommes récompensés de nos efforts car la vue qui domine montagnes et vallées, porte très loin. Le gardien du site s’inquiète de l’opinion négative concernant les Ismaéliens appelés assassins et veut rétablir la vérité. Bien qu’au 13° siècle le mot Haschischin signifiait « mangeur de haschisch » traduit par « assassin » en occident, il semblerait que les 23 citadelles alentours dont Alamout était la plus importante hébergeaient des gens instruits et religieux qui furent vaincus pas les Mongols. Ces derniers détruisirent tout sur leur passage et ne laissèrent que ruines aggravées depuis le tremblement de terre de  2004. Quelques travaux commandés par le gouvernement essaient de reconstituer et d’interpréter les vestiges.
Dans Wikipédia nous apprenons par la suite qu’ Alamut est citée dans plusieurs mondes de jeu  de rôles et jeu vidéo.
« Portail d'entrée vers les enfers, refuge à la secte vampire des Assamites,  ville gardienne de la Dague du Temps, place forte des Nizârites qui apparaît dans la série de jeux vidéo Assassin's Creed. L'un des héros, Altaïr, est un jeune soldat faisant partie d'une secte d'assassins obéissant à un mentor dépeint comme vieux et tyrannique. »

L’air est bon. Une partie du groupe descend au village acheter de l’eau, photographier et discuter, l’autre partie profite d’un petit temps de repos sur une des terrasses. Le menu change un peu : riz, aubergines en sauce avec petites frites, ragout d’herbes, chou-fleur et cerises au vinaigre. Le chat de la maison se frotte contre nos jambes, son patron qui prend silencieusement son repas sur un divan l’appelle Michou. Nous palabrons en croquant des smarties présentées en plaque comme des remèdes, écrivons ou lisons car pour une fois il n’est que 9h et demie.
D'après les notes de voyage de Michèle Chassigneux

mardi 13 janvier 2015

Mandrin. Philippe Bonifay. Fabien Lacaf.

Peut-on soulever la pellicule dorée recouvrant une légende, en moins de 50 pages ?
Par ici du côté de Saint Etienne de Saint Geoirs, où il est né à l’époque de Louis XV, le nom est encore célèbre et a  servi à baptiser une bière. Sa mort à trente ans sur la roue à Valence fut atroce.
Dans les écoles, chante-t- on encore sa complainte qui parle de l‘arbitraire d’avant la révolution ?
« Compagnons de misère,
Allez dire à ma mère,
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant…
Vous m'entendez ?
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant perdu ! »
Le récit construit autour d’un écrivain public recueillant des témoignages avant l’exécution est habile. La version française d’un Robin des bois, étant tout aussi recomposée et populaire que l’anglaise story est revisitée.
S’il ne redistribuait pas aux pauvres ce qu’il avait volé aux riches, il revendait, hors taxes, tabac et tissus de contrebande sur les marchés à Bourg en Bresse ou Rodezs'attaquant aux fermiers généraux en Bourgogne, en Auvergne. Ceux-ci l’avaient ruiné alors qu’il devait ravitailler l’armée française et n’avait pas été payé. Son frère avait été pendu, accusé de faux monnayage et lui déjà exécuté en effigie. Sa vengeance ne sera pas sans tache, le pouvoir qu’il exerçait sur sa petite armée et la crainte des pouvoirs s’établissaient sur une habileté certaine mais aussi avec des actes criminels où il se montrait impitoyable. 

lundi 12 janvier 2015

Astérix- Le Domaine des Dieux. Alexandre Astier.

La BD passe à la 3D et son actualité est toujours chaude avec l’épisode du village de vacances contesté à Roybon alors que dans l’album, il y a 45 ans, les allusions à l’actualité portaient sur la ville nouvelle de Parly 2.
Ils sont tous là :
Astérix , Obélix, Panoramix, le noyau dur des défenseurs de l’identité gauloise avec Idéfix en lanceur d’alerte,
Assurancetourix  bien qu’utilisé comme arme secrète n’en finit pas moins ligoté à la fin.
L’accent  de Papagalli  convient parfaitement au chef Abraracourcix.
Anglaigus, architecte romain chargé de la construction du Domaine des Dieux arrive à diviser le village qui tire bénéfice de la venue des touristes en vendant des antiquités : le prix du poisson -même pas frais- va flamber. Et le sénateur est parfait en politicien madré bien servi par Chabat.
Le centurion romain doit affronter une grève de ses  légionnaires et les revendications des esclaves. Déjà que les légions n’étaient pas toujours vaillantes :
« Veuillez charger s’il vous plait ! » manque d’efficacité, pourtant la potion magique s’était fait attendre, et plus grave,  l’unité du village avait été mise à mal.
Les décors sont magnifiques, et les allusions qui font plaisir aux adultes n’envahissent pas ce divertissement pour tous, poétique et tendre, dynamique.
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Dimanche nous étions nombreux à la marche.


dimanche 11 janvier 2015

La vie de Galilée. Bertold Brecht. Jean François Sivadier.

Ici point de distanciation associée au nom de l’auteur qui fut culte dans les années 70, mais  une résonance tragique de chaque mot avec l’actualité. Il n’était même pas nécessaire aux acteurs de témoigner explicitement de leur solidarité avec Charlie : cette pièce est un blindage contre le malheur de l’ignorance, une réflexion tonique sur les vertus du doute qui allait de soi, il y a encore peu de temps, quand les pistolets étaient à bouchons.
Pendant 3h et demie, nous allons bien au delà du combat élémentaire entre raison et superstition, quand la science est empêchée par la religion. Cette durée devenue habituelle sur les plateaux nous repose des news en cascade et le texte bien fourni nous désintoxique des pauvres tweets, l’évocation du temps de la Renaissance nous élève au dessus des gravats du jour tout en télescopant les silences armés et les mots râgeux.
La planète des hommes et de Rome n’était plus le centre du monde : la révolution autour du soleil fut quand même admise par l’église catholique qui après quelques bûchers a révisé ses textes, alors que tant de paresseux au XXI° siècle n’ont plus qu’un seul livre en tête.
Notre vision du monde n’est plus unique, elle n’est plus au centre de l’univers mental de six milliards d’individus.
« Où est Dieu dans ton système ?
- En nous, ou bien nulle part. »
L’acteur Nicolas Bouchaud http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/03/la-loi-du-marcheur-nicolas-bouchaud.html  autour duquel gravitent sept autres acteurs jouant une bonne vingtaine de personnages pittoresques rend parfaitement compte de la complexité du personnage tellement légendaire qu’il n’a même pas prononcé le fameux «  et pourtant elle tourne ». Les conditions d'exercice du travail  de ce génie ne sont pas ignorées, avec les compromis à passer pour que s'exerce la pensée.
Il  avait fini par se renier et ce dilemme n’est pas une hypothèse théorique, hors d’âge : les dessinateurs tombés mercredi 7 janvier 2015 pour avoir persisté dans leur liberté ne sont certes pas seuls ces jours, ils sont morts, mais leur journal était en difficulté, leur courage ignoré.
« Les hommes m’ont fait toujours constater qu’ils ne sont pas accessibles à la raison.
Montre-leur la queue rouge d’une comète, donne-leur une sourde angoisse : ils sauteront par
la fenêtre et se fracasseront les jambes. Mais dis- leur quelque chose de raisonnable, fournis-
leur trente-six preuves, et ils te riront au nez. »
Le metteur en scène http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/04/noli-me-tangere-jean-francois-sivadier.html , comme son héros qui désirait parler la langue du peuple nous livre une pièce  accessible, drôle, qui donne à réfléchir :
« Ma famille, ce sont des paysans malheureux mais c’est un malheur organisé » dit un moine.

samedi 10 janvier 2015

Je veux être futile à La France. François Morel.

270 pages de chroniques de France Inter, celles du vendredi à 9h moins cinq, avec une non lue à l’antenne parue dans l’Huma : « comment vivre dans un pays où l’on a chargé un malfaiteur d’avoir le droit de vous contrôler fiscalement ? » qui ne se consacre pas seulement à contrer le dérisoire « Tous-pourris fait le jeu de l’extrême droite » mais raconte aussi l’histoire de deux cabossés de la vie qui ont retrouvé l’Ipad oublié d’une journaliste et l’ont restitué sans rien demander.
Il est comme ça : mêlant colère et tendresse, préoccupations générales et petits plaisirs, mettant souvent en lumière les gens de peu qu’il n’a pas oubliés.
Je le comprends même quand il salue en anglais le maire de Londres Boris Johson, c’est que mon sens critique a tendance à se ratatiner quand je l’écoute : je suis désespérément toujours d’accord avec lui, sauf peut être concernant ses moqueries à l’égard de Mireille Mathieu, un peu convenues.
En rupture avec les connivences parisiennes : « Pourquoi souriez-vous Anne Sinclair ? », il peut interviewer le Père Noël et écrire à Dieu dont il « passe dans Votre barbe fleurie une caresse bienveillante », et déranger un de ses camarades de retour de tournée qui  s’apprête à passer un bon moment avec son amoureuse, au moment où il vient de déposer ses lunettes sur la table de nuit, lorsque la voix de son maître à la radio lui rappelle le boulot et le coupe dans ses élans.
Avec lui la perte du triple A, met à mal seulement des phrases telle que «  A Malg, j’ai acheté des fraises tagad et le dernier livre d’Anne Gavald », il pointe l’absurdité de certaines pub «  Oui au kiwi français » ou qui recommandent de s’habiller chaudement lorsqu’il fait froid : «  la société est elle devenue si perdue pour que l’Etat se sente obligé de prendre en charge le minimum de conscience qu’il faut avoir acquis pour subsister » ?
Il nous rappelle que c’est Baroin qui parla de l’arrivée de la gauche au pouvoir « par effraction » de quoi raviver quelque indignation, et imagine qu’à la place de Nicolas 1°, ce fut en 2012 la fin du quinquennat Royal : révélateur. Il propose de nommer l’aéroport de Notre Dame des Landes, Nafissatou Diallo, pour rendre hommage à un évènement qui changea le cours de l’histoire et sait bien que « Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, nous avions chaque semaine, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, un nouvel événement à nous mettre sous la dent dure. Le précédent président n'a pas économisé sa peine pour nous fournir une matière première de catégorie supérieure. Grâce à lui, la rigolade en ce début de XXIe siècle était devenu un gisement industriel comparable à la sidérurgie du milieu du XIXe »
Il cultive nos nostalgies quand il  regrette  la fin du  mot « Mademoiselle » et nous partageons ses enthousiasmes : Robert Hirsch, Sempé, Barbara, Trenet, Moustaki, Jacky Gelin...  ou ses aversions Morano et Rigide Cageot, Morbide Gigot et autres cons dont ceux qui l’ont été  quelque peu en établissant un mur pour eux. Il se moque des « questions du jour » du Figaro : « sachant que la croissance est de 0 %, le chômage de 10%, le déficit public de 3 % ne trouveriez- vous pas judicieux d’avoir une croissance de 10%, un chômage à 3% et un déficit public à 0% ? »
Il s’insurge contre  les noms cédés à des marques pour des lieux consacrés au sport : Kindarena, et nous fait plier de rire même avec des histoires belges :
« Terrible accident d’hélicoptère dans un cimetière belge, les sauveteurs ont déjà dégagé 800 corps »,
 «  J’adore parler de rien, c’est le seul domaine où j’ai de vagues connaissances » Oscar Wilde
Tout est dit.
Ci dessous le lien avec sa chronique concernant Charlie Hebdo.
http://www.dailymotion.com/video/x2ec6mz_francois-morel-je-pense-de-toutes-mes-forces-qu-il-faut-s-aimer-a-tort-et-a-travers_fun

vendredi 9 janvier 2015

Année nouvelle.

J’avais préparé un texte avant les morts de Charlie pour lesquels je n’ai pas le cœur d’ajouter des mots nouveaux aux flots de paroles les concernant, après avoir fait part de ma peine hier.
Plus rien ne sera pareil depuis ce mercredi, jour du Canard, 7 janvier 2015.
L’année commence mal. Mais cet article ci dessous qui cause de l’immédiat et du temps long et de la position des journalistes face aux politiques qu’ils disent dévalorisés mais dont ils contribuent à la perte d’autorité, ne me semble pas tout à fait hors sujet, même si quelques mots doux s’avèrent encore plus dérisoires aujourd’hui, comme obsolètes sont devenus les rires enregistrés.
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« Année nouvelle
Donne-moi les oiseaux
Qui possèdent les mots
Doux et tendres
Les mots du cœur du grand large
et de l’évasion »
Luce Guilbault
Nous venons de passer le portillon d’une année de plus que nous n’avons pas vu passer.
Au moment où le cliquet claque, quelles traces des évènements passés voyons nous encore ?
En politique : difficile de ne pas être submergé par le mélange des genres qui plombe la démocratie. Les journalistes s’en voudraient tant de ne pas passer pour impertinents qu’ils en oublient la moindre des politesses en ne laissant pas le temps de répondre à leurs invités.
A la suite, les commentaires laconiques des internautes tiennent en quelques éructations où le fond ne compte pas : les ricaneurs sont maîtres du jeu et les rictus se figent.
Pour mener une politique qui échapperait aux flashs, aux sketchs et aux clips, l’affirmation des pouvoirs régaliens de l’état devrait aller de soi, hors d’atteinte des étincelles de l’opinion d’un jour. Les réactions à chaud souvent querelleuses éteignent les considérations sur le long terme.
Je n’échappe pas à la pente fatale de l’âge dont nous nous nous méfiions tant jadis : à l’écoute de revendications de droits me vient invariablement en miroir le mot « devoir ».
Depuis un bon moment, du matin je suis devenu, mais je n’ai pas l’impression d’être davantage un « républicain » à l’américaine qui dans une étude divertissante serait plus entreprenant au lever que le « démocrate » plutôt du soir. La frontière, entre une jeunesse prise par ses écrans de nuit qui a décalé ses horaires, devient de plus en plus visible, face à la « France qui se lève tôt » pour faire fonctionner la machine. La notion de travail revient systématiquement dans nos conversations concernant la pédagogie, à mesure qu’elle a disparu du débat médiatique.
Ces prudences valétudinaires n’empêchent pas de diffuser les mots de Viveret,  qui n’est plus un perdreau de l’année non plus. Il nous aide à regarder devant nous lors d’un entretien paru dans un Libé récent à propos des « zadistes » :
« Aujourd’hui, l’économie dominante est en effet plus que jamais caractérisée par son découplage avec le politique et l’éthique […] Que raconte ce monde où 67 personnes, selon Oxfam, possèdent autant que 3 milliards d’autres ? Si ce n’est que la fracture est béante et qu’un monde se meurt. L’humanité est confrontée au chantier de sa propre humanisation. »
Et ce que vous appeliez la polarisation créative ?
« Elle est précisément là, comme le nouveau monde, le nouveau mode de vivre ensemble.
On est passé d’un «autre monde est possible» à un «autre monde possible est là».
On est sur le trépied du rêve.
Le «R» de la résistance,
le «V» de la vision transformatrice qui développe l’imaginaire,
et sans attendre le «E» de l’expérimentation anticipatoire,
le tout éclairé par le «E» de l’évaluation comme discernement.
Nous devons nous préparer à une nouvelle crise majeure et donc à organiser la résilience dans les territoires. »


mercredi 7 janvier 2015

C’est pas vrai !

Pour être à plusieurs reprises tombé dans le déni de la réalité au cours de ma vie, je sais le repérer chez d’autres dans ces circonstances tragiques qui nous accablent avec la mort de Cabu et Wolinski : nous aimerions être ailleurs, avant, ne pas avoir entendu.
Nous préférons tellement être par intermittence aveugles et sourds ; est-ce une condition pour survivre ?
Comme tant de voix s’élèvent pour louer tous les disparus, je trie dans mon chagrin pour rabâcher quelques mots au cœur de la nuit et les lancer en partage :
« Rêveur d’an 01, fille du proviseur et même « mon beauf » sont déchirés.
Les pépettes de Wolinski http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/02/le-pire-de-lavenir-georges-wolinski.html  disparaissent derrière un voile noir.
Ci-git ma jeunesse »
Hier au soir, une minute de silence a été observée avant la conférence des amis du musée consacrée au Pérugin.