mardi 19 mars 2013

Quai d’Orsay. Lanzac & Blain



Grand succès pour  le tome 2 de cette BD qu’il a fallu commander à la FNAC qui court  pourtant au devant de ce qui est déjà consacré; il n’y en avait plus.
Oui c’est  de De Villepin dont il est question sous le nom d’Alexandre Taillard de Vorms au moment de la guerre au Royaume du Lousdem le pays qui menaçait le monde « libre » de Dubleyou avec ses armes de destruction massive.
Nous passons de New York à Moscou avec Arthur Vlaminck un des conseillers du ministre des Affaires Étrangères à la suite de l’énergique escogriffe au charisme entrainant.
« Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. »
C’était en 2002, ça avait de la gueule.
Et les coulisses croquignolettes avec des allergies aux poils de chat, les joggings, un rythme fou, des improvisations,  mais aussi de la culture, sont drôles et instructives.
Alors que l’on s’afflige parfois du cynisme et de la perte de valeurs de beaucoup de cumulards,  à ce niveau,  à cet instant de l’Histoire, malgré les faiblesses des hommes ou à cause d’elles, nous  pouvons apprécier la politique qui va au delà de quelques petits tas de secrets amusants.

lundi 18 mars 2013

Syngué sabour. Atiq Rahimi.



Une femme afghane veille son mari dans le coma : la situation n’était pas forcément cinématographique.
L’actrice d’origine iranienne Golshifteh Farahani dont tout le monde a loué la beauté nous tient éveillés pendant une heure quarante, et sa misérable condition nous concernera au-delà du générique de fin.
Le réalisateur a adapté son propre livre et nous avons cheminé dans ses images comme dans un roman.
Syngué sabour signifie « la pierre de patience » à qui on confie ses secrets jusqu'à ce qu'elle éclate ; le divan n’est pas confortable mais la psychanalyse sera efficace.
Etouffée sous les voiles tissés par des siècles d’obscurantisme religieux auxquels s’ajoutent la misère et la guerre, cette femme se dévoile et révèle crûment l’histoire de son mari immobilisé par une balle dans la nuque.
Nous ne percevons des guerres que les explosions, et le temps que la poussière retombe, nous passons à autres choses. La vitalité des femmes prend encore plus de force dans cet univers asphyxiant : d’un placard, à une pièce vide, à une maison sans eau, à une ville dévastée, bien des existences sont condamnées à l’enfermement et pourtant la vérité peut advenir, l’espoir exister et des mots d’amour venir à un bègue.
Dans le magazine Marianne, Jean Claude Carrière qui a participé au scénario précisait :  
« L'hindouisme, c'est un poing fermé. Le bouddhisme indique du doigt une voie.»
Après qu’Atiq Rahimi ait dit qu’il avait tourné un film hindouiste.
Sûrement pas islamiste.

dimanche 17 mars 2013

Orage. Strindberg. Osinski.



Un homme qui aborde la vieillesse voit son ancienne femme s’installer dans l’appartement au dessus de chez lui,  anciennement chez eux.
L’essentiel se joue derrière la baie vitrée de ce rez-de-chaussée où leur petite fille a grandi,  jusqu’à une séparation énigmatique. Il avait repris une vie de célibataire après s’être séparé de sa femme et de sa  fille.
Cet épisode d’un mélancolique automne de la vie convient bien à la salle intime du petit théâtre de la MC2.
A la sortie du spectacle qui tient près de deux heures, nous nous sommes retrouvés à front renversé avec la dernière de notre groupe d’amis à avoir résisté aux mises en scènes d’Osinski qui cette fois « ne se la joue pas ».
Elle, femme affirmée, a compris ce vieil homme dans sa volonté d’arrêter le temps, et moi qui renifle trop volontiers les parfums émollients de l' automne  j'ai trouvé des circonstances atténuantes à la jeune femme renvoyée bien vite aux stéréotypes de tyran domestique. 
Le personnage qui se verrait bien en pauvre biquet a viré au bouc désodorisé avec soubrette discrète mais accorte, son ex qui vient de se faire larguer pour une plus jeune est tentée  semble-t-il par une saison 2.
Des éclairs scandent  les trois actes, mais le tonnerre n’éclate pas, l’été est étouffant en pays froid.
- C’est mauvais de rester trop longtemps dans les vieux souvenirs.
 - Pourquoi ? Quand le temps a passé, ils sont tous beaux…
- Mais Monsieur peut encore vivre vingt ans, c’est beaucoup pour s’installer déjà dans des souvenirs qui s’estomperont, et qui finiront même par changer de couleur.

samedi 16 mars 2013

France Culture papier. Printemps 2013.



La page de couverture du numéro 5 a privilégié, Proust,  Moscou, la prostitution, Depardieu …
J’ai retrouvé Philippe Meyer, toujours délicieux qui propose deux traductions à « I would not dignify this question » de Tommy Lee Jones en réponse à une question du grand Journal de Canal + :
«  A sotte question point de réponse »
« Je ne voudrais pas conférer à cette question l’ombre d’un intérêt en y répondant. »
Et c’est dans un des articles consacré à Moscou qui à priori ne me concernait pas au plus haut point que j’ai trouvé cette description du Net:
Runet, c’est l’internet russe.
« Il n’y a plus de Russie en ce monde mais un nouveau pays, Runet. L’alphabet cyrillique s’est éclipsé, les villes et les régions ont disparu, notre nouvelle capitale : www. Les sites sont autant de localités de tout poil, certaines plus peuplées où chaque kilo-octet est chargé, certaines bâties de gratte-ciel, portails ou vitraux chamarrés, d’autres compromettantes, montagnes où des rebelles se battent au couteau. Cités fantômes, sites inhabités, abandonnés où bronze tout un chacun comme un cornichon marinant dans son jus, forum où on se glisse pour clavarder à la recherche d’une continuité. Le pirate informatique envoie des bombes par courriel  suspendu à la toile dont les liens se multiplient, où il ne reste plus de trou. C’est ainsi qu’on vit en Runet, les souris cliquent des talons, dégustant gratis leur fromage, c’est la fin du règne géographique, nous sommes hébergés dans un bal historique où l’univers s’isole en ermite dans une boite avec un écran. Nous jonglons avec lui hors de la société où tous jouaient à la guerre et aux embouteillages. »
J’ai lu distraitement Depardieu que j’avais entendu délivrer ses certitudes grossièrement déjà sur France Culture ; je le préfère quand il dit le texte des autres.
Le dossier principal sur la prostitution remonte au moyen-âge, passe par Maupassant, il est question des garçons de joie, d’un distributeur de capotes dans sa camionnette, et de Kant qui identifie la mise à la disposition de son corps à autrui à une vente d’organe.
Des intellectuels venus d’un milieu populaire décrivent leur situation entre deux cultures et ces distances que j’ai éprouvées m’ont intéressé.
Une reprise d’un entretien de Duras en 1963 à propos de Proust est de haute volée.

vendredi 15 mars 2013

Existe-t-il un sentiment d’appartenance à l’Europe ?


Il fait  bon voir de nouvelles têtes pour rallumer la flamme bleue d’un continent  vieillissant dont les dépenses sociales prennent le pas sur les investissements éducatifs : dire qu’Erasmus était menacé !
Les mots de crise envahissent les têtes : crise financière, budgétaire, monétaire, sociale et institutionnelle. Les rosbifs  sont rétifs  et l’Angela des länder en leader revêche ne fournit pas vraiment des ailes aux rêves. Pourtant le besoin d’un capitaine est évident pour sortir de la paralysie.
Est-ce que nous vivons un déficit de confiance des jeunes envers l’Europe ou l’inverse ?
Mélanie Gros étudiante à Grenoble de retour de Lituanie où elle a effectué un stage d’éducatrice avait choisi ce pays car elle n’avait pas d’à priori, elle apporte sa vision fraîche de citoyenne européenne qui souhaiterait une équivalence des diplômes.
Guillaume Klossa d’Europa Nova, plus politique, ancien collaborateur de Jean-Pierre Jouyet,   ne se prononce pas à propos de plus ou moins de fédéralisme mais rappelle les valeurs partagées  sur notre continent, à ne pas confondre avec l’Union européenne:
le respect de la dignité humaine,
le développement durable
la séparation entre vie privée et professionnelle.
Peter Matjasic né dans  un pays qui n’existe plus, en Yougoslavie, est comptabilisé comme  slovène,  en parlant six langues mais pas celle de bois,  il était taillé pour devenir président du Forum européen de la jeunesse. « Les frontières de ta langue sont les frontières de ton monde »
Au-delà des paroles attendues : « manque de coordination, manque d’information »,  j’ai aimé l’énergie de ces intervenants au forum 2013 de Libération qui font croire que les intentions ne sont pas que des mots creux.  J’ai le sentiment d’avoir aperçu un échantillon d’une nouvelle élite qui ne tromperait pas son monde en se disant européen tout en ne l’étant pas dans les actes.
Des solutions existent sur le papier  mais le courage politique bien limité en ce moment  ne favorise pas  la mobilité  qui sortirait de la cosmétique et entrainerait vers des horizons  plus exaltants  l’ensemble d’une génération et non une pincée.
Les britanniques jeunes sont favorables à l’Europe.
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jeudi 14 mars 2013

Les fresques de la Sixtine : de l’harmonie à la terrebilità.


Le pape Sixte IV (d’où Sixtine) et Laurent le Magnifique se sont réconciliés, alors les  peintres florentins vont à Rome embellir les murs et le plafond de la chapelle destinée aux conclaves.
Dans les décors de la Rome antique,  ils affirment la puissance de l’église. Ils individualisent les personnages qui sont saisis dans l’action parmi des paysages où la perspective est installée : un point d’arrivée de l’art du quattrocento.
L’ancien et le nouveau testament sont représentés : la vie de Moïse est  décrite  en parallèle à celle du Christ.
Botticelli décrit six épisodes de la vie de Moïse dans le même tableau, Pierro Di Cosimo un passage de la Mer Rouge audacieux, Ghirlandaio ne tresse pas que des guirlandes, il représente le recrutement de Pierre et André deux pêcheurs dont la vie antérieure est traduite en arrière plan. Le Perrugin peint  la remise des clefs à Saint Pierre  et coordonne les travaux.
Michel Ange Buonarroti combine platonicisme et christianisme dans une œuvre humaniste dont la restauration vient de prendre plus de temps que sa réalisation.
Lui qui avait sculpté une piéta géante dont la mère à la beauté idéale semble aussi jeune que son fils.
Lui, qui avait représenté aussi la Sainte Famille avec la vierge qui passe son fils à Joseph situé à l’arrière alors que des couples de jeunes éphèbes figurent au fond du tableau circulaire.
Le sculpteur du David, de la république Florentine, prêt pour l’action.
L’artiste, saturnien disait-on, capricieux, travaille pendant quatre ans sur 600 m2   .
A la Toussaint 1512 c’est l’inauguration.
« À travailler tordu j’ai attrapé un goître […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette
. »
Vingt ignudi androgynes aux postures sensuelles encadrent la genèse de l’humanité décrite en neuf séquences :
La séparation de la lumière et des ténèbres, des eaux d'avec la terre, la création des planètes.
La création d’Adam, celle d’Ève, leur expulsion du Paradis terrestre.
Le sacrifice de Noé et son ivresse, le déluge.
Le peintre qui est apparu comme celui des ténèbres aux générations qui n’ont pas connu l’éclat d’une restauration scrupuleuse, fait chanter les couleurs qui ne sont plus ternies par la suie des chandelles.
L’homme est au centre, Dieu lui donne le souffle vital qui le sortira de sa pose alanguie,  mais les corps d’Adam et Eve chassés du paradis portent le poids de « leur prison de chair » comme dit le conférencier Christian Loubet qui fait partager aux amis du musée de Grenoble les passions de Michel Ange privé très tôt de sa mère, révolté contre son père au point que jusqu’à sa mort il ne pouvait achever de visage masculins qu’il martelait.
Sur les côtés s’allient des sibylles et des prophètes,  les angles sont occupés par des héros du peuple élu : Judith, Esther, David et la légende du serpent d’airain.
Trente ans sont passés, le mur du fond sera peint après le sac de Rome et le schisme, c’est la fin des illusions de la Renaissance : les condamnés au moment du jugement dernier tournent autour d’un christ olympien, devant le soleil qui est devenu centre du monde depuis Copernic. Panique en ce jour de colère : les martyrs ont des mérites qui ne sont pas reconnus, Michel Ange a renoncé à ses pulsions, il se représente dans la vieille peau que tient Barthélémy. Dans ce moment dramatique, le génie devenu mélancolique, annonce le baroque.
Sur place se munir de jumelles, d’un miroir et si l’on veut échapper aux foules très denses, il parait qu’il y a des visites organisées hors des heures habituelles, plus chères où se faire cardinal et méditer les yeux au plafond.

mercredi 13 mars 2013

E-motion. Fondation Maeght.



Bernard Massini, chirurgien niçois nous présente dans la lumineuse fondation Maeght,  70 œuvres de 36 artistes contemporains jusqu’au 17 mars 2013.
« Est-ce que ce sont les mêmes hommes qui aiment, qui construisent des œuvres admirables, qui tuent ou se sacrifient ? C’est pour moi une énigme. J’attends de l’art qu’il m’aide à comprendre la nature ambivalente de l’être humain »
Si le nom de Garouste me disait quelque chose, nous nous sommes empressés de noter le nom d’Assan Smati qui a attiré notre regard par la force de ses sculptures et de tableaux dont la taille n’est pas la seule cause de notre émotion.
Sa tête de chien déchire, son « Hallali d’Ali » écorche, ses « Pink Flamingos » nous regardent droits dans les yeux.
Nous avons retenu aussi le nom de Djamel Tatah lui aussi de Saint Chamond dont les personnages dans leur chute, leur danse lente, en arrivent à l’apaisement.
Le titre de l’exposition n’est pas très accrocheur avec un « E » qui précède ordinairement bien des productions sur les ordis. On peut  alors s’attendre à  des vidéos, du numérique, eh bien de toile, il n’y en est que tendue sur des cadres à l’ancienne sous des formes novatrices mais intelligibles. Il y a aussi de la poussière recueillie par Markus Hansen à l’effet des plus ineffables.
« E-motion : être mu hors de soi pour se relier à l’autre ».
La signification du titre un peu laborieux est expliquée dans la plaquette d’accompagnement  pas très vendeuse non plus avec  la reproduction d’une tête sur fond bleu, ne laissant pas deviner la puissance de la plupart des œuvres présentées.
On peut aussi apprécier les Miro qui vont si bien sous les pins permanents, les vitraux de Braque… et un tableau de Gasiorowski qui subsiste d’une récente exposition qui lui était consacrée, juste pour nous faire regretter de l’avoir manqué.