dimanche 14 octobre 2012

Wu Wei. Cie Yoann Bourgeois.



Les quatre saisons de Vivaldi sont jouées par un orchestre sur scène ; la musique est bien plus  plaisante que celle qui accompagne habituellement nos vrillantes attentes téléphoniques.
Wu-Wei dans le taoïsme signifie «le non-agir», « être de saison ».
Nous sommes amenés à approcher une autre perception du temps et l’ambition est louable.  
Mais la vitalité  du spectacle précédent «  Les sept planches  de la ruse », son originalité, se sont perdues sous les procédés de scénarisation des nouveaux circassiens bien aseptisés.
Minimalisme, fausse improvisation, paroles, paroles dont on ne sait à qui elles s’adressent.
Pourtant, nous pouvons retenir un moment de belle coordination avec des mouvements de bâtons des acrobates dont le potentiel n’est pas assez mis en valeur.
J’ai eu parfois l’impression d’un spectacle pour touristes avec une fresque historique des évènements de ces dernières années en Chine, expédiée. Les stéréotypes  défilent: le porteur de valise d’où s’échappent des  billets, le bonze, le commissaire politique galopent  sur scène comme chez Galotta.
J’adore Galotta d’autant plus que mon entourage s’en lasse,  mais les  tics de la scène  contemporaine où les artistes font le ménage sur  le plateau, remettent leurs vêtements de ville, ajoutés aux  codes ancestraux de Dalian donnent l’impression d’un spectacle mondialisé bien éclairé mais sans profondeur.

samedi 13 octobre 2012

L’homme qui ne devait pas être président. Antonin André Karim Rissouli.



J’ai apprécié ce cadeau qui reconnaissait mon goût pour la politique mais à vrai dire j’étais un peu lassé des campagnes. Alors c’est avec peu d’enthousiasme que j’ai entrepris les 200 pages et puis un fois dedans je les ai avalées sans peine.
Non que les scoops y abondent mais réviser le parcours qui mène de la Corrèze à l’Elysée   permet de redonner son importance à la durée oubliée sous les dépêches de nos chaines perpétuelles. J’ai lu sur un blog d’un journal «  l’homme qui ne voulait pas être président », il s’agit d’un contresens fâcheux qui en concerne un autre.
Le journaliste de France 2, l’autre de Canal + reprennent la voie qui mena Monsieur 3% à la fonction suprême. Ils n’insistent pas sur les épithètes les plus féroces qui s’abattirent sur le normal président ; celui-ci eut  donc l’occasion  de se montrer magnanime et habile. Si le sort lui fut favorable, son sens du timing fut remarquable et les 600 000 postes éducation nationale, les 75 % pour les plus aisés furent des audaces payantes. Il a su s’affranchir des publicitaires et pour le reste il suffisait de faire le contraire du calamiteux d’en face pour être dans le vrai. 
Cette remarque personnelle est en marge du processus qui met en valeur les moments charnières depuis l’élection serrée d’un conseiller général en Corrèze et l’intention de Chirac de voter pour Hollande, le choix de Ségolène entre les deux tours des primaires, Le Bourget …  Il n’avait pas attendu DSK et dans les confrontations télévisées l’ascendant qu’il prit face à Juppé fut  plus décisif que face à l’autre qui ne connut  de la France que celle des villages Potemkine et nous fit tellement honte.

vendredi 12 octobre 2012

Une nouvelle lutte des classes ?



Thomas Piketty décidément fait autorité : 
« Les privilèges de naissance et le patrimoine viennent concurrencer le capital humain, le mérite… 
Je pense possible un retour des structures de classes plus proches du XIXe siècle que de celles des Trente Glorieuses. »
Le vocabulaire  classieux est il  à nouveau de mise ?
Avec  Stéphane Beaud sociologue, Dominique Voynet (EELV), Francis Parny (PCF) en intervenants au forum de Libération à Grenoble,  on peut penser que la réponse est : « oui ».
Même si l’expérience du terrain complexifie les appréciations quand cohabitent à l’intérieur de chaque individu le sentiment d’impuissance et des réflexes égoïstes. Quand la peur du déclassement  fait perdre du sens et que les solidarités s’étiolent.
La gauche dans les années 80 a vu le fossé s’élargir entre ses ambitions et les réalités avec un langage de protection qui isole.  Bien que la jeunesse souffre, la lutte des âges n’est pas la même pour ceux qui sont victimes des discours de stigmatisation et ceux qui adhèrent aux préconisations  de « Terra Nova » qui ne voit plus d’intérêt  pour la gauche à s’occuper des ouvriers. Pourtant Olivier Ferrand Ferrand, président de la fondation a pu dire face à JF Kahn qui a toujours plaidé  pour les classes populaires :  
« La solution pour faire revenir les classes populaires dans le giron de la gauche passe par la ré-industrialisation de la France. Si l'économie s'améliore, le Front National s'affaiblit, c'est mathématique ».
Je ne sais plus s’il s’agit d’un mot prononcé au cours du débat ou une écriture incertaine mais quand je me relis « rappeur de classe » en place du « rapport de classe » j’aime y voir un heureux lapsus. La différenciation géographique  n’en est pas moins sociale mais elle a pris le pas sur l’appartenance  à un collectif sur le lieu de travail.  Le monde ouvrier est disqualifié à mesure que se dégrade l’emploi. La construction de soi se fait par la religion et non plus la classe sociale.
"La cristallisation raciste en milieu populaire se fixe moins sur le comportement des parents immigrés à l’usine que sur celui de leurs enfants à l’extérieur. Autrement dit, ce qui reste de destin partagé et de souvenirs communs (travail, luttes, ‘‘rigolade’’) entre vieux ouvriers à l’usine constitue encore un écran protecteur contre la ‘‘contamination’’ des idées racistes, alors que, hors de l’usine, ces mécanismes ne jouent pas ou plus, laissant ainsi se développer la spirale du racisme d’une fraction du groupe ouvrier, ‘‘établie’’ mais en voie de déclassement, contre les jeunes issus de l’immigration, victimes du chômage et de diverses formes de stigmatisation."  
S Beaud « Retour sur la condition ouvrière »
Pourtant l’opposition capital/ travail est plus que jamais d’actualité, avec des salariés qui devraient mieux participer aux choix de gestion  quand les exonérations fiscales n’ont pas créé d’emplois. Le mot  à la mode « gouvernance » va à l’encontre du rapport de force et bien que «  démocratie participative » ne soit plus de saison,  la place des travailleurs  dans l’entreprise reste décisive pour la démocratie.

jeudi 11 octobre 2012

L’art et le sacré en Italie au XVII° siècle dans les collections du musée de Grenoble.



« Le sacré désigne ce qui est inaccessible, indisponible et mis hors du monde normal. »
Evènement considérable de l’histoire religieuse artistique et politique de l’Europe, le Concile de Trente, se termine en 1563.  Il contredit la réforme, installe la contre réforme, édicte des  règles du bien peindre. Il a duré 18 ans, au centre d’un territoire divisé entre le Saint Empire romain germanique et de multiples royaumes, quand des espagnols vivaient à Naples.
La bible à destination des fidèles qui n’ont pas accès au Livre est illustrée au dessus des autels : culte des saints,  exaltation des martyrs, référence au pape et au premier d’entre eux, Saint Pierre.
Le clergé catholique réaffirme sept sacrements : baptême, eucharistie, confirmation, réconciliation, mariage, ordre et onction des malades.
C’est alors que La Cène de Véronèse avec ses hallebardiers et un chien devra s’intituler « Repas chez Lévi » et les corps nus de la Chapelle Sixtine devront se couvrir.
Poussin, que l’on connaît plus lisse, expose les boyaux de Saint Erasme comme nous le montre Valérie Lagier dans sa conférence aux amis du musée.
Le XVII° en Italie, via Grenoble, en ses collections aussi riches dans la peinture classique que dans le contemporain, recueille les derniers feux du maniérisme :
Vasari copie Michel Ange et cite De Vinci dans sa Sainte famille.
L’académie degli incamminati (des acheminés) fondée par les frères Carrache à Bologne concilie l’étude des maîtres du passé, de l’antique, avec celle de la nature et des modèles vivants.
Claude Lorrain s’en inspire et  son dessin rend  l’impression d’une nature maîtrisée comme  les paysages intellectuels d’un parfait équilibre d’Elsheimer.
Peints sur cuivre, Adam et Eve réprimés par Dieu de Zampierri dit Le Dominiquin ont gardé tout l’éclat de leurs couleurs et leur expressivité :
« Ce n’est pas de ma faute, ni à moi… c’est le serpent ». Le lion côtoyait  alors l’agneau.
Ce chef d’œuvre tellement bavard a appartenu à Louis XIV.
Bruegel de velours s’applique dans les détails au moment où ses animaux rejoignent l’arche. Le figuier de la tradition juive est présent et non pas le pommier ensorceleur.
Saint François d’Assise coupant les cheveux de Claire patronne des  Clarisses est peint par Fra Simplice de Vérone.
En reconnaissant les personnages représentés, les spécialistes peuvent deviner les commanditaires des toiles.
Si  l’incontournable Merizzi dit Le Caravage n’est pas au musée de la place Lavalette, les caravagistes y sont, bien que le génial individualiste n’ait pas professé.
Sa notoriété fut importante dès le début  de sa carrière par sa façon d’incarner le sacré parce que le spectateur se sent à proximité des saints grandeur nature.
Strozzi devenu capucin  peint les compagnons d’Emmaüs rencontrant un christ de profil.
Jacob, pris par son songe d’échelle d’où dégringolent des anges de Gioacchino Assereto, occupe tout l’espace.
José de Ribera (l’Espagnolet)  a peint beaucoup de martyrs mais en ce qui concerne Saint Barthélémy qui allait se faire écorcher, avant de devenir le patron des tanneurs, il est tout en retenue, juste avant le supplice.
Sainte Cécile de Guarino est paisible  dans la mort comme  le Christ de Cavallino.
Les copies des œuvres ne dévalorisaient pas l’original, au contraire : c’était un indice de succès.
Le Martyre de Saint Pierre par Mattia Preti est encore sous la lumière du Caravage dont l’influence déclinera à partir de 1650.
En France beaucoup d’œuvres dans les musées proviennent des églises, en Italie les tableaux sont dans les églises.

mercredi 10 octobre 2012

XXI. Automne 2012.



Les reproches d’une lectrice à l’égard du pessimisme des reportages photographiques dans « 6 mois », l’autre production du groupe, ne peuvent s’appliquer à cette livraison du trimestriel de 200 pages qui a ouvert une autre façon de raconter le monde, moins soumise aux anecdotes de l’actualité, mais au cœur des interrogations présentes.
Il y a de nombreux portraits de belles personnes : cette congolaise qui arrive à scolariser sa fille contre l’avis de son mari, le financier de Merrill Lynch qui se consacre maintenant au micro crédit, le belge qui élève des rats démineurs, la franco colombienne disciple de Nicolas Hulot  devenue haute conseillère à l’environnement, un conciliateur bénévole à Drancy, une procureure en Sicile…
Même si je n’arrive pas à suivre toute la complexité  de la situation du Rwanda, l’atmosphère paisible, pour raconter des drames, dégagée par le récit graphique de Stassen, son honnêteté fait avancer notre compréhension. A Kigali où de hauts immeubles ont poussé, les sacs plastiques sont maintenant  prohibés, et le port des tongs est interdit.
Le reportage photographique de ce numéro 20 concerne le retour à la terre de jeunes américains et le dossier principal est consacré aux secrets de famille dans le monde juif, à Tel Aviv,  à Jérusalem, en Ukraine. Le documentaire portant sur l’installation de l’électricité dans un village du haut atlas marocain pose l’éternelle question de la modernité. Un film doit sortir sur le sujet : « Le  Thé ou L’électricité ».

mardi 9 octobre 2012

Icarus. Manuele Fior.



Le trait de pinceau est toujours aussi élégant et les touches de rouge à la craie, d’où ressort la trame du papier, raffinées.
Cependant je n’ai pas pris le même plaisir que pour son album « Cinq mille kilomètres par seconde »  aux aquarelles plus chaleureuses.
Dans celui-ci nous sommes au pays des mythes : Icare et Faust- rien que ceux là- finissent par se rencontrer au-delà du temps et de l’espace.
Arides, dépouillées,  les pages sont agréables à feuilleter.
Les dialogues sont laconiques alors  je me suis raccroché à ce que je savais mais n’ai pas saisi l’apport de cette relecture de l’utopie solaire sortant du labyrinthe, ni celle du diabolique à consoler.

lundi 8 octobre 2012

Historias. Julia Murat.



Les histoires n’existent que lorsqu’on s’en souvient.
Ce beau film dont la lenteur permet au spectateur d’envisager toute la richesse du propos  interroge sur la modernité, la transmission, les rites, le sens de la vie.
La force des images est aussi au centre de la rencontre puisqu’une jeune photographe va révéler  leur beauté aux hommes et aux femmes de  ce village du Brésil loin de tout et proche de l’essentiel. Elle  va se transformer elle-même. Là bas, il n’y avait plus de naissance  ni de mort, le temps s’était arrêté, le cimetière fermé va rouvrir.