jeudi 23 juin 2011

Martin Parr. The goutte d’or.

Le si fameux et so british photographe Martin Parr a perdu de son ironie pour cette exposition d’une trentaine de photos dans l’agréable Institut des Cultures d'islam. Des visiteurs sont contents de retrouver en grand format des personnalités du quartier de La goutte d’or, comme le célèbre charcutier à la tirelire en cochon rose. Il a saisi des femmes à l’intérieur de la Mosquée où parait-il les clichés sont rares. On voit aussi des fidèles musulmans courbés dans la rue Myrha, et un cinéma transformé en magasin de chaussures. J’ai bien aimé la dénomination d’un groupe féminin en répétition : Les POUF (Petite Organisation Ultra Féminine).
Ce fut un bon prétexte pour nous promener dans ce quartier en rénovation qui doit son nom au vin du village d’alors, dont nous n’avons vu ni les problèmes de drogue, ni de prostitution, ni perçu le poids des chefs religieux, pas plus que Parr d’ailleurs. J’ai vu moins de femmes sous leurs châles entre Barbès et Château Rouge qu’à Saint Martin le Vinoux autre lieu qui doit son appellation à la piquette de jadis.

mercredi 22 juin 2011

Touristes en chine 2007. # J 21. Plantations de thé et rizières.

Temps pluvieux et brumeux, au petit déjeuner : œufs, toasts et soupe de spaghetti.
Visite du marché à Yuanyang plus ou moins couvert : pousses de bambous, aubergines rouges et blanches, soja, tofu, ciboule, gingembre en bouquet, bananes et dans une bassine on peut reconnaître l’arrière train d’un chien. A l’étage inférieur, étals de boucherie, porcs bien gras, cages à poules, pâtes de couleurs.
Nous partons en voiture sous la pluie pour découvrir les paysages. Les plantations de thé produisent du thé vert. Malgré le temps, les femmes cueillent les jeunes pousses en s’abritant sous des parapluies, piétinant dans la boue.
Arrêt dans un village Hani, on y accède par un chemin bétonné et glissant, sillonnant entre les rizières et les tarots. Nous arrivons devant les maisons coiffées de toit de chaume et bâties en pavés de pisé. Yuizhou s’arrange pour nous faire entrer dans l’une d’elle. Tout d’abord une petite pièce dans laquelle nous quittons nos ponchos ruisselants. Nous pénétrons dans une deuxième pièce obscure et enfumée par un feu de bois, seul point lumineux, hormis une minuscule ouverture vers l’extérieur dans un petit coin.Peu à peu on s’habitue à la pénombre, un homme assez âgé à la belle tête que l’on apercevra après attise le feu et fume sa pipe à eau. Un chat noir effraie Danny en la frôlant. Une échelle mène sous le toit noirci de suie. L’homme explique qu’il ne peut utiliser son lit à cause des gouttières. Pauvreté extrême et pourtant hospitalité. Demandons son avis à Yuizhou pour remercier cet homme de son accueil, nous laissons 20 Y et du coup il nous propose de manger.
Le Marché paysan a lieu tous les 5 jours. Les bêtes et les gens s’y rendent à pied ou en toc tocs surchargés. Il pleut fort et nos ponchos nous protègent efficacement, mais les chaussures ne résistent pas au déluge. Des légumes, des patrons de broderies, des vêtements traditionnels se vendent sous des bâches et sous leurs parapluies les marchands sont pieds nus ou en bottes. Ma femme essaie une veste noire avec l’aide de mes compagnons de voyage et de deux vieilles dames Hani. Adjugé ! Nous sommes les seuls étrangers.
Repas dans un restau au bord de la route : lard grillé, bœuf, aubergines, pleurotes et riz.
La route passe au milieu des rizières. C’est le lieu surnommé les miroirs du ciel en automne quand les rizières sont en eau. Là nous sommes sous l’eau. Yuizhou nous conduit à un belvédère face à un paysage grandiose de champs qui suivent les courbes du paysage. Quel travail colossal !
Retour à l’hôtel, pour sécher les chaussures au séchoir à cheveux. Je reste au lit. Le brouillard se dépose mais la pluie cesse, mes camarades en profitent. Derrière l’hôtel des femmes chargent leurs paniers débordant de verdure sur leurs dos recouverts d’une cape d’écorce de palmier. L’agitation est grande. Ils se laissent guider par leurs oreilles dans les ruelles et finissent par arriver devant une maison : gongs, cymbales, les hautbois s’éclipsent ; un vieux danseur bandeau blanc au front manipule une tête de dragon: ce sont des funérailles.Un vieux essaye de leur expliquer : demande de sous ? Invitation à partager un repas ? Le Chinois est cracheur. Près de l’hôtel le déchargement des herbes continue, des femmes rient. Pour charger son énorme panier maintenu par une lanière sur le front, il faut trois personnes pour aider la Yi baraquée. Mangues à l’hôtel où le tapis d’ascenseur avec le nom du jour est changé quotidiennement. La pluie redémarre de plus belle. Les rhumes se multiplient.
Repas à 19h30, choisi par Yuizhou. : raviolis, bœuf et oignons sur plat en fonte, pâtes, oignons doux. Rao tseu = très bon !

mardi 21 juin 2011

Un ciel radieux. Jirô Taniguchi.

J’avais beaucoup aimé « Le journal du père » du même auteur qui m’avait convaincu que les mangas ne sont pas fait que d’éclairs et de zigzags mais témoignent d’une vision originale et fine d’une civilisation. Ce volume, malgré une riche idée de départ, m’a déçu.
Après un accident le jeune motard va sortir de son coma en portant la mémoire de celui qui l’a percuté. Va-t-il réparer cette vie qu’il ne savait plus consacrer à sa femme et à sa fille ?
Car au Japon, savez-vous, les cadences sont infernales.
C’est vraiment trop mélo, mièvre et même les dessins qui sont parfois intéressants,
dans certains plans aux gros yeux, m’ont parus bien conventionnels.

lundi 20 juin 2011

Une séparation. Asghar Farhadj.

Je joue souvent avec certaines personnes de mon entourage à celui qui goûte avant tout les films lusitaniens sous titrés en khmer (vert), mais sur le créneau film en farsi je ne me distinguais pas cette fois à attendre à l’entrée: la rue du Club était pleine d’aficionados.
D’ailleurs quand l’ouvreuse demanda s’il y avait des candidats pour « Le gamin au vélo », il y en eu bien un dans la file d’attente pour faire remarquer qu’il y avait effectivement « un homme à la moto » qui ne pouvait passer.
Une bonne occasion de soulever les voiles, sortir des préjugés sur une société que je connais mal.
Prêter serment sur le Coran est un acte tellement solennel que ça en est troublant voire enviable.
La belle actrice principale Leila Hatami invitée sur un plateau de la télévision française avec son seyant foulard disait que dans son pays, « elle ne vivait pas sous le ciel » : pas de balcons, pas de terrasses aux cafés, tout se passe à l’intérieur des maisons.
Alzheimer est là bas aussi un passager encombrant mais choyé. C’est l’occasion d’une belle séquence, parmi tant d’autres, lors d’une partie de baby foot. Les préceptes religieux commandent les moindres gestes: ainsi le téléphone peut servir à la dame, qui s’occupe d’un pépé incontinent , à savoir si elle peut lui changer le pantalon.
Nous sommes invités par un scénario habile à modifier nos appréciations concernant les protagonistes d’une intrigue en milieu urbain. Dans ce que nous avons vu, une justice sans apparat m’a semblé proche des citoyens. Entre La foi et la mauvaise foi il s’agit toujours de rechercher la vérité. Les rapports entre le papa et sa fille ne sont pas très tactiles et les effusions sont rares, mais les culpabilités, les fiertés, les arrangements avec les mensonges sont universels et les femmes fortes, les hommes dignes, la fin de l’enfance émouvante. La désunion du monde ne passe pas facilement et la tragédie est bien un engrenage. La complexité des sentiments rencontre les susceptibilités de classe. Quand la politique croise ainsi l’intime, le régal est secouant, comme j’aime.

Blue Valentine. Derek Cianfrance.

Libé avait dit que ce film allait « fendre nos petits cœurs d’artichaut par le milieu » bien que ce ne soit pas trop le genre de la maison; eh bien ce fut vrai pour moi.
Comme la révolution française fut « un tout », cette histoire d’un amour qui se défait n’abolit pas les moments de grâce que connurent les deux jeunes.
J’ai aimé le feu d’artifice qui vient après le mot fin où apparaissent des images de la vie qui vient de passer, furtivement. Les acteurs sont investis, leur séduction fonctionne tout du long, pourtant on ne peut pas dire que le sujet soit très nouveau. Quand vieux voyeur de films, je m’amourache encore de ce genre de romance tendre et violente, le plaisir est multiplié.
Pourquoi une passion s’épuise ?
Les ingrédients qui entrèrent dans la composition du coup de foudre se retrouvent dans l’explosif qui éclate le couple.
L’affiche donne une idée très partielle du film qui présente quelques scènes chaudes, mais aussi d’autres émouvantes, drôles, authentiques.
Blue Valentine, c’est le titre d’une chanson de Tom Waits :
« Elle m'envoie des cartes tristes pour la Saint Valentin
De tous les chemins depuis Philadelphia
Pour marquer l'anniversaire
De quelqu'un que j'étais
Et qui se sent le même
Un mandat d'arrêt contre moi
Me contraint à vérifier mon rétroviseur
Et je suis toujours en cavale
C'est pour ça que j'ai changé mon nom
Et je ne pense pas que tu me trouveras ici …»

dimanche 19 juin 2011

Brassens ou la liberté. La cité de la musique.

Georges aurait eu 90 ans, s’il n’avait disparu il y a trente ans déjà, en 1981.
La force tranquille c’était bien ce gars là.
Les derniers temps, il souffrait beaucoup, une ambulance l’attendait entre deux prises de son.
Le timide était discret. Le sportif, fort. L’amant de Puppchen, universel. Le poète immortel.
Le sympathique Panthéon qui lui est dressé à La Villette nous en apprend sur sa façon de vivre en accord avec ses idées quand pour lui, la fidélité, l’anarchie n’étaient pas des postures.
Pendant le parcours où se presse la foule, il n’est pas aisé d’écouter les chansons, lire les BD, voir les objets, les photos, tout en ayant pour certains un audio guide aux oreilles.
En ce qui me concerne, c’est surtout le magnifique catalogue rétrospectif de 300 pages qui m’a permis d’apprécier pleinement les bandes dessinées de Joann Sfar, un des commissaires de l’expo, et prolongé le plaisir avec des fac-similés de ses carnets, un recueil de photos, de photos de notre famille.
Alors peinard, je déguste les pages, après la satisfaction d’avoir accompli un pèlerinage, en ayant applaudi une vidéo au milieu de mes compatriotes en communion, dans un Bobino reconstitué avec même le poteau au milieu de la salle.
Les portraits tels « L’auvergnat », « la Jeanne », « Corne d’Auroch » … qu’il a élevés à la dignité de personnages de légende étaient bien réels, et « Les stances à un cambrioleur » tirées d’un vécu où l’argent venu à la fin de sa carrière lui était aussi indifférent que lorsqu’il n’avait pas un radis.
Une autre époque ! C’est aussi pour cela qu’il nous est si précieux avec le legs d’une poésie travaillée, cent fois remise sur l’établi, qui a donné une saveur de plus à nos amitiés, à nos vies.
La façon de Joann Sfar de rendre hommage est vraiment en accord avec l’esprit de Brassens, tendre et ne se prenant pas au sérieux. De faire s’interroger des enfants d’aujourd’hui sur la pensée libertaire, les faire retrouver le grand homme au Japon où il se serait caché, rapproche les époques, éloigne les révérences, et nous surprend, nous les familiers qui avons vieilli avec lui et sans doute mieux grâce à lui.
« La Camarde qui ne m'a jamais pardonné,
D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez,
Me poursuit d'un zèle imbécile.
Alors cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille.

Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon,
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon,
Pauvres cendres de conséquence,
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances. »

samedi 18 juin 2011

Ils se croyaient illustres et immortels. Michel Ragon

Ragon, le critique d’art, le romancier vendéen libertaire m’avait marqué avec son pavé, « La mémoire des vaincus » : la beauté de l’histoire gagne en profondeur quand elle est tragique.
Cette fois dans un format court, les derniers moments de personnages qui furent considérables ne nous consolent pas de nos destins anodins.
Si Hamsun m’est inconnu, je reste sans regret, comme à l’égard de Pound qu’Hemingway avait bien défendu.
La roue qui tourne est moins cruelle à mes yeux pour les politiques puisque le rapport de force fait partie du jeu et la fin de Clémenceau ne me semble pas indigne. Kropotkine ne comprend plus son époque dans les bouleversements de la révolution russe, il n’est pas le seul. Juste le temps d’enterrer le vieux leader, Lénine libère quelques anarchistes et souligne le cynisme d’un pouvoir qui se mettait en place.
Courbet est ruiné, comme Sagan démodée, Fréhel méconnaissable, Descartes berné, Le Corbusier avait disparu depuis longtemps, et Lamartine n’était plus présentable.
Alexandre Dumas est pathétique :
« En novembre la tempête se lève et la pluie frappe violemment les vitres du pavillon. Impossible de pousser le fauteuil roulant sur la terrasse balayée par le vent.
Le vieil Alexandre reste enfermé dans le salon et joue interminablement aux dominos avec ses petites-filles qui se lassent de ce perpétuel recommencement.
Elles s’ennuient de la fanfaronnade de ce grand-père qui s’accroche à son glorieux passé et veut leur en faire goûter les miettes. »

Socialistes, tous ensemble pour un avenir pire par franceinter