vendredi 27 novembre 2009

Le bibendum céleste.

Le titre de cette bande dessinée résume bien le propos de Nicolas de Crécy que je découvre par le numéro 3 d’une série, métaphysique, drôle et superbement dessinée. Une imagination foisonnante, une originalité déroutante, avec le souvenir d’expressionnistes allemands qui a laissé quelque noirceur dans les cases.
Bebel, Belzebuth se défend :
« Evidemment que je suis présomptueux, grosse tarte. Et j’ai plein d’autres défauts…c’est avec des gens comme vous que les forces du mal deviennent politiquely correct ! »
Plusieurs personnages sont habités par d’autres. Et les emboitements en tous genres ne manquent pas. L’une de ces créatures « messie moderne d’une ère nouvelle, se résume à un volume de vide écroué dans du gras ».
Le père Nobel de l’amour connaît une faiblesse et demande qu’on lui injecte :
« du jeune, du vrai.Entreprenant et optimiste, cheveux dans le vent et bouche ouverte !, ça va donner un coup de fouet à mon économie ! Je veux ressembler à une publicité »
Des chiens nous en apprennent par ailleurs sur l’origine de l’homme et accessoirement sur l’origine des matériaux de construction de ces villes poétiques menaçant ruine. Peu importe que le scénario soit parfois obscur, les trouvailles sont à chaque coin. Du grand art qui dit bien notre temps.

jeudi 26 novembre 2009

Claude Blanc Brude

L’Espace Boureille, retapé par ses amis pour l’occasion, était plein à craquer pour le vernissage de la dernière expo de Claude Blanc Brude. Je le connais un peu puisque je participe à un de ses ateliers qu’il anime au sein de l’association ADCA dont il est le moteur, le mocoeur.
Sa peinture est comme le personnage ; franche, directe sans exclure l’habileté.
Je m’attendais à voir plus de sujets à croupes généreuses et beaux seins, tant il entretient avec verve un entourage féminin à qui il sait si bien dire leurs charmes. J’en suis à m’étonner de sa palette janséniste dans les tons que j’apprécie d’ailleurs, alors que dans son rôle de maître il affectionne les expressions vivement colorées. Je comprends qu’il nous ait vanté Pignon Ernest Pignon Ernest en voyant la qualité de son dessin efficace mais laissant toujours des transparences, de l’espace, au spectateur pour prolonger son plaisir. J’apprécie aussi ses cadrages originaux sans être abracadabrantesques.
Exposition ouverte jusqu’au 29 novembre 2009
de 14h 30 à 18h 30,
2 rue Commandant Rozan, quartier de l’aigle
à l’angle de Jean Jaurès et des grands Boulevards.

mercredi 25 novembre 2009

J 10 : vers Hué

Nous sortons faire des emplettes de jambon, salami, « Vache qui rit » et eau pour notre voyage de douze heures vers le centre du pays. Dans la boutique à côté nous ne résistons pas à deux affiches de propagande à l’ancienne sur papier de riz, marchandées à 200 000D (8€). Nous déambulons une dernière fois dans le quartier en arrêt devant une maison dans laquelle se déroule une cérémonie funéraire où les personnes en deuil portent un bandeau blanc au front. Après les dernières recommandations de notre guide du Nord nous échangeons nos adresses mail et nous nous séparons. Le train s’ébranle à 12h 25, il s’arrêtera fréquemment. Nous vérifions les premiers mots de Manh quand il nous avait accueillis : le pays est essentiellement agricole, avec des rizières à perte de vue, à peine interrompues par quelques parcelles de maïs. Autres images répétées: un homme accompagnant sa vache, des élevages de canards. La platitude cède la place à un paysage plus vallonné. En fin d’après midi, le ciel s’obscurcit sévèrement pour libérer une pluie abondante et l’ambiance peut évoquer un jour de Toussaint d’autant plus qu’on ne peut régler la climatisation refroidissante à l’excès. Nous nous jetons d’emblée sur les cacahuètes et le pop corn accompagnés de bière, auxquels nous ajoutons une partie du pique-nique prévu pour ce soir. Nous avons vu que la compagnie de chemins de fer assure la restauration et nous testons ses services vers 18h 30 avec trois repas de riz, poulet ou saucisse. Si bien qu’à 19h, le soir tombé, nous succombons au roulis berceur du train. Réveil programmé à 0h 30.
"Les trois perfections sont, nous dit-on,
la cuisine chinoise, les maisons françaises et les filles de Hué"

mardi 24 novembre 2009

Extravagante pugnacité de l’être.

Au-dessus du miroir aux alouettes qu’est mon P.C. j’ai affiché la phrase signée Valéry Paul :
« L’espérance est la résistance de l’être devant les prévisions de son esprit ».
Voilà une pensée qui me nourrit.
Quand je me suis rendue au service de réanimation à l’hôpital Nord, je me suis perdue sans coup férir entre les niveaux, les services. J’ai tourné de vestibules en coursives. Oubliée en un vaisseau fantôme, je ne parvenais plus à lire les écriteaux. Aveugle, je demande ma route à d’autres égarés parlant vite et bas, me désignant des directions que cassent d’imprévisibles bifurcations. Dans ce Château, je n’étais pas prête pour autant à reprendre le chemin de la sortie puisque ce chemin de toute façon je l’avais perdu aussi. Par ces tunnels, ces couloirs insensibles je devais rejoindre l’armée des soignants, des blessés. Trouver la chambre d’Y. accidenté en Chartreuse. Sans carte, sans cailloux blancs, sans fil providentiel, à un moment j’ai appelé : « Il y a quelqu’un ? »
Je tendais l’oreille mais n’entendais que des aboiements, des grincements de poulies, des chuintements, des échos de fonds de ravins ! Et puis un barbu, poussant un chariot de bonbonnes m’a dit : « Au fond à droite… » avant de disparaître dans un autre labyrinthe. Au fond à droite nul Cerbère, juste l’équipe de déminage en blouses vertes.
Enfile cette blouse, ce bonnet, lave-toi les mains, tu peux pisser avant si tu en as besoin… J’en avais besoin. Pas plus de deux personnes à la fois dans la salle de réa. Quand Jo va sortir, nous pourrons entrer. Jo est sorti et nous sommes entrées dans un sombre sapin de Noël. Chambre noire et dans ce noir les yeux clignotants d’une dizaine de robots, leurs âmes à nu sur des moniteurs opalescents. Ce bruit de soufflerie, régulier, trop régulier pour être humain. Ce tube dans une bouche, paille géante pour aspirer l’air. La bouche meurtrie de Y. Sous le drap le corps figé de Y. Une machine fait le boulot pour qu’il respire, le vieux copain. De part et d’autre du lit nous tenons ses mains. Il ne peut parler, nous nous regardons.
Les larmes viennent, les larmes viennent quand il n’y a pas d’autre recours. Les larmes chassent les images, les larmes sont réelles. Les larmes sont bonnes. Pleurer nous abreuve. « Le ciel, son soleil et ses étoiles sont pour toi, vieux frère, tu les retrouveras bientôt. » Y. approuve avec ses mains qu’il serre dans les nôtres. De temps en temps nous tentons des interprétations qu’il valide ou invalide à coups de paupières. Conversation lente, lenteur de ce qui s’élabore dans la vie en péril quand elle s’obstine à vivre.
A. essuie les larmes de son mari. J’assiste à une transfusion d’amour entre ces deux là.
Les miroirs et notre peur de mourir, volent en éclats. Terrain déminé.
Clémence Psyché

lundi 23 novembre 2009

Irène d’Alain Cavalier

Film clivant. Celle, avec qui je partage l’ordinateur et quelques places de cinéma, était vraiment contrariée de ce déballage impudique et geignard.
Moi, j’ai bien aimé la recherche de l’aimée disparue, ce petit tour hésitant dans la mémoire, sincère et émouvant.Nous sommes bien fragiles et dérisoires avec nos appareils à produire des images, pour une quête impossible comme si la vie, la vérité pouvaient durer. J’aime croire que les objets sont dociles parfois, qu’ils entrent dans le cadre, mais les mots « refroidissent » et l’écran à la fin est noir. Il ne peut en être autrement au bout de ce film singulier qui va bien au-delà des catégories habituelles pour éprouver notre honnêteté et notre capacité à aborder la nouveauté.

dimanche 22 novembre 2009

La fabbrica

Pourquoi, quand il est question de représentation de la classe ouvrière, faut-il que les artistes empruntent la voie du conte ? Celui qui sert les hauts- fourneaux serait-il devenu aussi mythique que le bûcheron à son Poucet ? Est-il condamné à faire de la figuration en fond d’écran pour président en tournée en province ?
Bref, pour cette création d’Ascanio Celestini, il y avait des éclairages de théâtre, des dispositifs scéniques, des voix héritières de Giovanna Marini, toujours perçantes et crues, mais de dialogue : point.
La légende des trois âges de la classe ouvrière quand les ouvriers étaient des géants, des aristos et aujourd’hui des estropiés paraît quelque peu statique sur une heure quarante. Le spectacle m’a semblé dévoré par son sujet comme les installations aujourd’hui démontées, où comme pour Assunta, les secrets seraient –ils tellement indicibles ? Les métaphores laborieuses ne nous éclairent pas et la tonalité vaguement nostalgique ne prend pas plus.
La lettre qui sert de fil conducteur aux trois générations de Fausto est encore à écrire pour que les chants à la gloire de l’espoir socialiste ne sonnent pas dérisoires à ce point... mais ce n’est pas que l’ affaire de metteur en scène Charles Tordjman.

samedi 21 novembre 2009

Titi et Titine

Au delà du jeu de sons, rapprocher le capitaine de l’équipe de France de foot et la secrétaire nationale du PS, sera familier aux habitués des cliquetis échappés des machines à informer.
Ce que je sais du parti auquel j’ai adhéré, il n’y a guère, me désole. Les querelles du haut se dupliquent en bas où l’esprit de cour vaut pour esprit de corps, où flatter des conservatismes n’apaise même pas les détresses idéologiques. La place est libre pour ceux qui ont su surfer sur le vague Dany en répondant au besoin de renouvellement de la politique, tout en portant des questions urgentes. A Dijon, bien des commentateurs ont regretté que les problèmes d’éducation qui devaient être traités disparaissent, mais ils ne nous ont pas plus éclairés sur ceux ci. Est-ce que ce sera la dernière péripétie d’une querelle pathétique ? Fra-ter-ni-té.
Mais je vais éviter de continuer à appeler par un diminutif la maire de Lille qui est là à son niveau de compétence comme madame Royal à la région, la familiarité factice des bloggeurs à laquelle je succombe trop volontiers contribue à l’affaissement du niveau des débats politiques.
Mais au moment où je m’apprête à être plus sage, le commentaire d’un blagueur me contraint à moins de révérence : « Alors sur la tricherie d’Henry, Madame Aubry de la fédération du Nord n’a pas de commentaire ? »
En foot, la passion populaire était algérienne ; le terme ne s’applique plus à la politique, mais pas non plus cette fois à l’équipe de France. Les préposés au micro de TF1, pour des raisons économiques, sont restés muets devant le scandale du but qualificatif. Et Thierry Henry, jadis l’élégant accélérateur de nos émotions a entaché pour longtemps sa réputation.
Le diminutif « Titi » ne convient plus non plus, maintenant que « mon Basilou » est lui en tôle. Gros Minet n’en finit pas de perdre l’innocence.
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Dans le Libé titré : « La France au Mondial : c’est pas le pied ». Jacques Attali interviewé dit « Passionnante époque ! Si des ethnologues du XXII° siècle se penchent un jour sur notre temps, ils seront surpris de constater que les gens les mieux payés alors étaient les footballeurs et les traders, les gens du spectacle et de l’assurance, et que certains pouvaient exercer des métiers en pleine gloire, tout en étant parfaitement immoraux ».
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Dans Le Canard Enchaîné : Citation extraite des nouvelles brèves de comptoir de Jean Marie Gourio : « Sarkozy, c’est du beaujolais nouveau, t’as qu’une journée avant le vinaigre. »