mercredi 8 février 2017

J 12. Le Chimborazo. Alaussi.

Nous nous réveillons à 4h 30 et José notre nouveau guide est à la barre. Dans la nuit certains reprennent leur sommeil et quand nous nous réveillons au lever du soleil nous nous attardons devant un paysage splendide où figure en majesté le Chimborazo, mâle volcan qui avec ses 6310 m est le sommet le plus proche du soleil compte tenu du renflement de la terre au niveau de l’Equateur.
Avant de prendre le train à Alaussi nous assistons à l’installation du marché où les villageois se retrouvent pour commercer et échanger des nouvelles.
Le trajet vers « Le nez du diable » dans des wagons en bois excite les photographes, et le récit de la construction de la ligne coûteuse en vies humaine particulièrement des natifs de la Jamaïque est émouvant.
De même que d’aborder un des derniers tronçons d’une infrastructure mise à mal par les éboulements causés par « El Nino » et le choix des automobiles américaines au détriment des transports collectifs qui furent ambitieux au début du XX°siècle. Le trajet d’une heure et demie consiste en un aller-retour jusqu’au fond de la vallée où un système en forme de « Z » permet aux convois de manœuvrer d’avant en arrière pour rejoindre deux réseaux. Une troupe de danseurs programmée pour l’arrivée ne nous convainc pas et la foule des touristes nous rappelle notre présente condition.
Pendant notre trajet vers le Chimborazo, notre guide fait valoir la culture « indienne » dont le nom usuel donné par Colomb Christophe cherchant les Indes occidentales est aussi inapproprié que le terme Amérique donné par les européens.
Une petite histoire de l’Amérique latine pour les nuls n’est pas superflue. 
Où nous apprenons que « gringo » vient de « green  go ! », "green" étant la couleur des uniformes militaires américains, inventé par les mexicains qui n’appréciaient pas l’intrusion de « cow-boys ».
José attire notre attention sur le caractère contemplatif des indiens, souvent assis devant le paysage et respectueux de la Pachamama, la déesse de la  terre.
Nous nous arrêtons pour admirer la première église de l’Equateur, émouvante, pas très haute, à la façade naïve et maladroite dans sa décoration. L’intérieur permet d’évaluer l’épaisseur des murs.
Derrière une grille sont protégés l’autel et sa vierge qui domine en hauteur.
Nous achetons de quoi pique niquer en route.
Il faut bien deux bonnes heures en tout, d’Alaussi à l’entrée du parc dont les bâtiments en pierre s’intègrent parfaitement dans la montagne minérale.
Peu de végétation, à part la chuquiragua , arbuste à fleurs orange symbole du pays, autour de la piste. Ce n’est plus le tapis verdoyant parsemé de petites fleurs que nous avons foulé au pied du Cotopaxi.
Nous croisons quelques vigognes et dans la poussière de la piste stoppons au parking du refuge construit à 4800 m d’altitude. On est plusieurs à ressentir une impression de tangage.
Après avoir mangé au soleil, José nous entraîne avec lenteur dans l’ascension qui mène au deuxième refuge à 5000 m, nous recommande des étapes, voire une redescente si des maux de tête surviennent et de ne pas parler pour économiser notre souffle.
Je suis surprise une fois mon rythme trouvé de me sentir plus à l’aise qu’à la montée du Quilatoa et sans Guy nous parvenons au bout de 500 m, au refuge de Whymper où nous nous photographions  avec la plaque de marbre dans les mains pour prouver notre exploit. Nous retrouvons Guy face à un maté de coca en sachet et reprenons la route direction Alaussi. Nous avons croisé des taureaux d’élevage et quelques arènes de village qui sont une des manifestations de la culture du colonisateur promue par l’église catholique pour élargir une emprise toujours remise en cause. Un référendum sur la perpétuation de ces pratiques a divisé le pays alors que Quito, lieu du pouvoir ecclésiastique où les fêtes autour du taureau étaient très populaires avait voté contre, et les campagnes pour.
Le trajet est ponctué de quelques arrêts photo, quelques franchissements de barbelés de bord de route dans l’espoir de saisir un troupeau de lamas. Le coucher de soleil est somptueux à travers les nuages avec les montagnes en silhouette. C’est à la nuit tombée que notre chauffeur Sixter, dont nous avons appris enfin le nom, se gare devant l’Hôtel Posada del Tren  et rencontre malencontreusement un pylône, cabossant légèrement la partie au dessus du pare-choc. Nous prenons possession de nos chambres et partons dîner dans une rue où traîne un wagon à l’abandon sur les rails ; le train de notre expédition de ce matin dort à proximité. 
 

mardi 7 février 2017

Les gnangnan. Claire Bretecher.

J’étais passé à côté d’un des premiers albums d’une des maîtresses de la bande dessinée paru il y a une quarantaine d’années. Et il n’a pas pris une ride.
Les cousins frenchies des Peanuts et de Mafalda, en bébés raisonneurs vivent en bande, mais déjà Modern Mesclun perce sous Gondulf Bertrand.
Clair, net, efficace, du temps où une évocation de la société faisait naître un sourire et cultivait un sentiment d’auto dérision complice plutôt que les récurrentes vacheries à l’égard de cibles déjà criblées.
Le climat était à la liberté, c’était du « nanan », désormais c’est le gnangnan qui est gagnant.
En attendant si vous voyez la bouille des trois petits souriants dans une brocante annonçant ces 50 pages doucement rigolotes, vous partagerez avec plaisir leurs espiègleries révélatrices.
« - Raconte moi une histoire mémé.
- Il était une fois un petit chaperon au bois dormant qui portait une galette et une chevillette cherra
- Bââââ
- Alors Alice au pays des seps nains
- Bââââ
- Bon les vénusiens attaquent alors Molnick le naphteux remonta dans la spirale aluminiuminoïde et disparut à jamais dans le cosmos
- J’aime les belles histoires vraies »
La langue annonce les fulgurances futures d’Agrippine et des « Frustrés » ancêtres des bobos d’aujourd’hui qui paraissaient alors dans le Bobobservateur des années 80 quand la gauche donnait le tempo et se sentait assez forte pour se moquer d’elle-même. 

lundi 6 février 2017

Jackie. Pablo Larrain.

Jacqueline Bouvier devient une Kennedy lorsqu’elle est aspergée du sang du président et alors elle va assurer pour elle et pour l’Histoire un deuil digne. Mais une part de mystère de la femme élégante et courageuse demeure, et c’est bien ainsi.
Le récit de la préparation de la cérémonie des adieux à Kennedy par le réalisateur du biopic de Neruda n’apporte pas de révélations nouvelles. C’est comme si on retrouvait un numéro de Paris Match de 1963 et qu’on relise l’article accompagnant les photographies restées floues pour l’éternité : nous replongeons dans une violence qui dure depuis si longtemps quand la mort guettait à bien des fenêtres.
Les secrets persistants autour du meurtre de Dallas ne sont pas traités ici. Le fil scénaristique est  tenu par un journaliste interviewant la subtile veuve huit jours après le drame. Ses interrogations, les sincérités successives de la jeune femme, laissent entrevoir, ce qu’il y a lieu de retenir ou pas, au moment où les divulgations de la vie privée en politique pointaient leur nez.
De Michelle Obama à Melania Trump en passant par Trierweiler, nous reviennent quelques noms, puisqu’il il est question de « première dame » et nous mesurons les distances. Nous sommes amenés à réexaminer aussi nos rapports aux secrets que nous ne dédaignons pas quand nous avons plus volontiers retenu « Happy birthday Mister président » que la crise de Cuba, même si les cris de la fillette de Mỹ Lai, cinq ans après se sont superposés aux malheurs de cette femme qui perdit deux enfants.
John-John, le petit garçon de trois ans qui donnait la main à sa maman dans ces moments, s’est tué dans un accident d’avion en 2000.
Au milieu du fracas, elle écoute un fois encore « Camelot », la comédie musicale :
« Si jamais je devais vous quitter 
Cela ne serait en été.
Vous voyant en été, je ne pourrais jamais m'en aller. »
Cette innocence à jamais envolée souligne la tragédie, elle a mis de côté le tailleur rose taché  pour prendre un voile noir fort seyant : la légende nous est nécessaire.    

dimanche 5 février 2017

A présent. Vincent Delerm.

Je viens de passer un bout  de semaine avec le père en livre
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/02/journal-dun-homme-heureux-philippe.html
et  avec le fils en « songwriter » songeur.
A la première écoute je me suis dit : «  c’est toujours pareil ! Ces mélodies assoupissantes»,
et puis un autre jour sa mélancolie m’a convenu et m’a accompagné agréablement.
La coïncidence générationnelle me lie à ce père et à son fils en auditeur qui se laisse prendre au lasso facilement. Elle n’est pas étrangère à mon indulgence, à des connivences, à du plaisir de retrouver un familier.
Le garçon :
« Je suis le garçon qui devait regarder la route en voiture »
A présent :
«  Le trajet qui n’en finit pas
Et la banquette arrière immense »
Cristina :
Toujours la vie rêvée.
« Toutes les histoires que Cristina
Te racontais au pied des tours
Tu faisais comme si c’était toi
Qui les avait vécues un jour. »
La vie devant soi :
Toujours le ferry boat.
« Cours derrière l’autocar »
Et le tropisme anglais, sûrement pour les brumes.
Dans le décor :
« Et les filles à Marble Arch
Toi tu regardes en passant
Et tout est pareil qu’avant. »
Ou une brune.
Je ne veux pas mourir ce soir :
« Il y a une fille qui penche
Une robe des tennis blanches
Et la peau qui a froid
Il y a ça. »
Et je l’aime bien comme ça :
Danser sur la table : ce n’est pas pour lui, et il le raconte bien dans la chanson.
Et celle en duo avec Biolay :
Les chanteurs sont tous les mêmes :
« Encore Paris la pluie
L’amour l’après-midi »
La dernière fois que je t’ai vu :
« Une infirmière et arrivée quand je quittais la chambre
Et c’est la dernière fois que je t’ai vu
Elle a dit : c’est votre petit fils ? Il est grand. »
Il est grand, modeste,  tristou sans trémolos, un peu molo molo, mais ses paroles amortissent, et ses musiques changent de toutes les saccades, des jérémiades. Les méchancetés font une pause.

samedi 4 février 2017

Journal d’un homme heureux. Philippe Delerm.

1988/89 fut une belle année pour l’auteur à succès de « La première gorgée de bière », il relit le journal qu’il tenait alors, ajoute aujourd’hui quelques remarques légères et nous en redemandons.
Toujours la petite musique simple qui apaise, rassure et nous relie
même si parfois affleurent quelques procédés
La forme du journal va si bien aux jours dont il nous apprend à mieux apprécier la lumière, la fragilité et donc le prix.
Une choucroute de la mer, la peinture qui s’écaille, les saisons, la pluie, la littérature, son fils, sa femme, le travail de prof,:
 « Je crois ce que je fais utile. J’affirme que je le trouve agréable…. Sûrement parce que les enfants et les adolescents d’ici n’ont ni l’agressivité ni la morgue des jeunes des milieux urbains trop défavorisés ou trop favorisés. »
La douceur, la modestie : 
« Des euphorbes presque phosphorescentes et d’autres plantes dont j’ignore le nom déclinent à profusion un intervalle de couleur très mince, entre le vert de l’acacia et celui des orties »
Pas de prescription. Je n’hésite pas à choisir la facilité de copier en quatrième de couverture :
« Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. Je crois que je me coucherai ce soir en me disant que je suis le plus heureux des hommes. Comment ne pas frissonner un peu à cette idée ?
Je suis riche, incommensurablement riche de ce qui manque à presque tout le monde : le temps. »

vendredi 3 février 2017

Les uns, les autres.

Quand vient le froid, le solitaire demande la solidarité et s’agrippe au groupe, alors que la société a déjà bien émietté les individus depuis des saisons.
Il fut un temps où la distinction politique séparait le « particulier » du « partageux », à présent tout se brouille.
De nos digicodes à Trump, l’individu boursouflé d’aujourd’hui attaque les constructions communes, et tant de coups de griffes dans le contrat social peuvent nous conduire à claquer la porte derrière nous et nous barricader.
Alors classe contre classe, ma pomme sur le dessus du panier, ski plutôt que foot ?
Rien n’est simple: le sport co n’est pas forcément coco et bien des avancées pour tous ont tenu à des individus hors pair.
De nos années ferventes, on aurait pu croire qu’aurait subsisté un peu de compréhension à l’égard de son « prochain ».
Ce terme «  prochain » renvoie au catalogue catholique et son cortège de cagoules pointues quand d’autre part, les circonvolutions autour du terme « ensemble » sentent le samovar collectiviste.
Les contradictions crient lorsqu’un réfugié sur une plage s’envisage plus fraternellement au loin qu’un immeuble nouveau sous nos fenêtres.
Quelques surlignages de paradoxes feront-ils avancer une dialectique qui va et vient de l’individu au collectif ?
Les élèves sont de plus en plus placés en « îlots » pour travailler en groupe, alors qu’ils n’ont jamais été aussi individualistes, bâchant leur coreligionnaires à coup de réseaux dits sociaux,  tout en se protégeant d’un milieu qui n’a jamais été aussi agressif sous ses bienveillances rabâchées.
Dans les milieux qui cherchaient en pédagogie, ceux qui prônaient avec le plus de conviction le travail en équipe étaient les personnalités les plus fortes aux qualités individuelles les plus manifestes.
Il me semble que les directives d’aujourd’hui, à propos de travail en commun, visent plus à une mise en conformité qu’à l’émergence d’intelligences collectives. Les formations bricolées aux accents autoritaires ignorent les paroles des professeurs tout en « vendant » par ailleurs le respect de la parole des jeunes.
Les maîtres d’hier, encore des termes proscrits, qui mettaient en place des démarches coopératives s’escrimaient aussi à fabriquer des outils qui permettaient à chaque élève d’avancer à son rythme. Ces pratiques se forgeaient dans la délibération entre adultes, ô combien jaloux de leur indépendance, de leur liberté. Ceux qui en ont exprimé les principes les plus appréciés étaient avant tout des praticiens dont les mots ont été capturés par  quelques bavards opportunistes squattant désormais les officines ministérielles. 
Par exemple les livrets de compétences dont on causait dans les groupes Freinet étaient élaborés sur le terrain et chacun se les appropriait comme il l’entendait, sans obéir à une quelconque circulaire, bien mal nommée en l’occurrence, puisque la forme ronde symbolise l’égalité des délibérants, des décideurs.
Pour les familiers du blog, il ne s’agit pas seulement du sempiternel retour vers les mômes,  mais à voir les positionnements des nations par rapport à l’ Europe ne peut-on parler de postures infantiles ?
Et parmi ceux qui présentent les alternatives les plus radicales à nos embourbements démocratiques, qui voit de convaincants leaders, des collectifs entraînants ? 
Dans les altitudes démocratiques où aime se situer par exemple le monde libertaire, l’autoritarisme est souvent de mise et les dissidents en son sein ne prospèrent guère, quant aux compromis, ce n’est pas le genre de la maison.
Pourtant : « La vérité finale de l’indépendance de chacun, c’est l’interdépendance de tous.»
Marcel Gauchet
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Trop tard encore cette semaine pour « Le Canard » mais dans "Marianne" ce dessin de Tignous assassiné il y a deux ans.

jeudi 2 février 2017

Kandinsky. Damien Capelazzi.

Au moment où l’exposition de Grenoble à propos des années parisiennes d’un des pères de l’abstraction a fermé ses portes,  
le conférencier devant les amis du musée a illustré par un nombre impressionnant d’images, le sous titre annoncé : « les couleurs en partance » et porté à notre connaissance quelques éléments éclairants.
« La couleur est la touche, l’œil, le marteau, l’âme, le piano : l’artiste est la main qui par le bon choix des touches met l’âme du spectateur en vibration ».
Vassili K. est né à Moscou en 1861 alors que l’empire s’ouvre vers l’occident, d’une mère énergique et tranquille et d’un élégant père d’origine mongole, marchand de thé.
Le couple aisé et cultivé se sépare, une tante maternelle élèvera le petit.
Lors de ses études de droit, il est amené à se rendre dans la région de Vologda pour étudier les persistances du droit coutumier où le jugement des faits reste moins important que l’intention.
Il pénètre dans les isbas aux teintes vives qui ont un effet magique sur le synesthète qu’il est, associant les notes de musique à des couleurs auxquelles il est particulièrement sensible depuis l’enfance.
« L’homme malade » de Wassilij Maximow, est tourné vers le coin rouge comme tous les êtres allongés, là où brûlent les lampes sacrées. En russe « krasny » signifie à la fois rouge et beau.
Kandinsky découvre des territoires qu’il va peupler de tant de regards nouveaux.
Devant « Les meules au soleil »  de Monet exposées à Moscou il écrit :
« Et soudain, pour la première fois, je voyais un tableau… Je trouvais également que le peintre n'avait pas le droit de peindre de façon aussi imprécise. Je sentais confusément que l'objet faisait défaut au tableau. Et je remarquais avec étonnement et trouble que le tableau non seulement vous empoignait, mais encore imprimait à la conscience une marque indélébile… »
Il est marqué également par une représentation du Lohengrin de Wagner, « œuvre d’art totale ». Lui, le fougueux, entretiendra une amitié avec l’inquiet Schönberg affranchi de la musique tonale avec lequel il se sent en harmonie totale, comme il sera sensible aux écrits scientifiques de Goethe.
Dans « Composition V » en 1911 : « le blanc sonne comme un silence ».
Le bleu a tendance bluesy est concentrique, le jaune vient vers nous et  rejoint les codes anciens où le carré rouge est terrestre, et jaune le christ des icônes. Ces images pieuses sans marqueur temporel s’adressent au groupe alors que les tableaux côté latin sollicitent l’individu.
Le « peintre législateur » exerçait en costume trois pièces, il a été un organisateur efficace, un communiquant habile qui savait présenter des novateurs mêlés à des œuvres patrimoniales, un professeur exigeant en particulier au Bauhaus, le maître de plusieurs écoles : « Phalanx » (Phalange), « Der Blaue Reiter »( Le cavalier bleu), « NKVM » (Neue Künstlervereinigung München) (Nouvelle Association des artistes munichois).
« Improvisation 28 ». Le théoricien a mis en pratique trois temps :
1) l’impression venant de l’extérieur  
2) l’improvisation où parle la nature intérieure
3) la composition qui se forme lentement.
« Paysage près de Murnau avec une locomotive » Installé à Munich où les artistes sont attirés par une vie culturelle très active, il rejoint Anton Ažbe, peintre des corps, puis s’en éloigne pour se lancer dans les paysages.
Et si sa façon en « impasto »  quand la peinture est épaisse, ne figure pas sur ses toiles les plus connues, elle étonne. « La chanteuse »  
« Les œuvres de Kandinsky ne datent pas: elles font date. »
 Un cavalier, élément marquant de son vocabulaire, apparaît dans  « La vie mélangée »
Et dans le « Tableau avec archer » les bulbes des clochers se confondent avec la montagne. S’il a toujours regardé du côté des arts populaires, de là provient une nouvelle naissance.
 « Le paysage romantique » passe du figuratif à l’abstrait, du profane au sacré, de l’apparence à l’indicible, faisant « disparaître l’objet pour accéder à la marge invisible ». Influencé par les théosophes qui syncrétisent de nombreuses traditions religieuses, il reste fidèle à une spiritualité russe, à l’instar de son contraire Malevitch qu’il ne pouvait « voir en peinture », lui qui écrivait : « L'homme doit arracher le monde des mains de la nature, afin d'en construire un nouveau dont il soit le maître »
Trois continents s’entrechoquent dans le « Tableau avec l'arc noir », noces alchimiques où se glissent des partitions graphiques et la « douga », arc d’un attelage qui servait à conduire les équipages des troïkas.
S’il a eu l’impression d’être tiré d’un rêve à l’entrée de la première guerre, « La fugue » (1914), sa deuxième épouse Nina participe à créer autour de lui une bulle bleue jusqu’à sa disparition en 1944. Elle sera assassinée en 1980 dans son chalet à Gstaad pour un diamant, les toiles de son mari ont été épargnées.
Le « Monde bleu » de 1934, est l’une des nombreuses toiles exposées par la fondation Guggenheim qui acheta aux nazis quelques œuvres non détruites.
« Toute œuvre d'art est l'enfant de son temps et, bien souvent, la mère de nos sentiments. »