Dans le vaste et beau jardin des plantes, dans un immense hall,
une muséographie récente permet aux petits et aux grands de s’émerveiller de la
richesse du vivant, tout en nous interrogeant.Sous une vaste verrière où éclatent de temps en temps des
orages, depuis les abysses marins au rez-de-chaussée avec baleine, rorqual et
calmar géant,nous passons aux espèces terrestres de la savane et des
déserts africains ou ceux de l’Arctique
ou de l’Antarctique, des forêts tropicales d’Amérique du Sud.Au balcon supérieur, l’histoire de la recherche des
organismes vivants avec l’évocation de Lamarck, Darwin, Mendel est plus trapue,
mais les enfants peuvent profiter d’espaces dédiés.Ils sont sensibilisés depuis le berceau aux questions de
préservation de la nature, à l’amenuisement de la diversité biologique montrée
dans une salle consacrée aux espèces menacées ou disparues. D’autres dimensions
historiques sont pédagogiquement évoquées depuis le passage de la chasse à
l’agriculture. La modification des paysages, c’est de la géographie, quant aux
pollutions, de la chimie. Les regretteurs des bocaux de formol et squelettes étranges
et poussiéreux retrouveront même l’émerveillement des découvertes dans des
allusions complices aux calligraphies soignées dans une évocation des
transformations de l’institution depuis sa création en 1889.Les espaces aérés d’aujourd’hui, aux éclairages soignés
bannissent la nostalgie.Cette galerie qui mérite plusieurs jours de visite
appartient au Muséum de Paris qui emploie plus de 2000 personnes sur différents
sites. 9 500 mammifères, oiseaux, insectes y sont exposés à partir d’
« un ensemble de 75 millions de spécimens ( 40 millions d'insectes, 17
millions de pages d'herbier, 1 million de poissons et 80 000 oiseaux et
mammifères ainsi que des reptiles, amphibiens, fossiles, minéraux et
roches ».
mercredi 27 septembre 2023
mardi 26 septembre 2023
La rafle du Vel d’hiv. Cabu Laurent Joly.
Les dessins du créateur du Grand Duduche assassiné en 2015
sont mis en valeur dans cet album retraçant un des épisodes les plus
dramatiques de la collaboration du régime de Vichy en 1942.
En 1967, le dessinateur, dont les traits précis contrastent
avec de sombres aplats, avait illustré pour le journal à sensation « Le
nouveau Candide », les bonnes feuilles du livre de Claude Lévy et Paul
Tillard : « La grande rafle du Vel d’hiv ».
Sur plus de
cinquante pages, les textes remis à jour font face aux dessins dont les
lumières émergent comme chez Rembrandt. Ils apportent des informations que les rares
documents photographiques n’ont pu fournir.
13 000 personnes dont 4000 enfants ont été dirigées vers les
camps de la mort.
Des récits de destins individuels rappellent la responsabilité de la police française dans
l’arrestation des familles mais aussi comment certains juifs étrangers
échappèrent à un destin funeste.
Les policiers ont renoncé à emmener Wigdor Fajnzylberg
engagé volontaire couvert de médailles ayant perdu une jambe en 1939 mais lors
d’une deuxième rafle en 1944, il partira pour Auschwitz, laissant deux
orphelins qu’il avait envoyés à la campagne.
Cette page de notre histoire peut paraître aussi lointaine
que la saint Barthélémy des guerres de religions. Pourtant le rappel des
mécanismes qui ont pu amener à ces crimes contre l’humanité sont plus que
jamais nécessaires tant l’antisémitisme encore présent parait encore plus
inconcevable aujourd’hui après la mort de six millions de juifs pendant cette
seconde guerre mondiale.
lundi 25 septembre 2023
Un métier sérieux. Thomas Lilti.
Nous avons une idée de leur histoire personnelle et suivons
leur chaleureuse existence en groupe dans un collège qui n’est pas réduit en machine
à reproduction sociale devenu le B.A. BA du discours obligé contre l’Education
Nationale.
Il s’agit d’un hommage à des consciences professionnelles ordinaires
et non à d’exceptionnelles personnalités, pas plus qu’à de caricaturaux
spécimens souvent sujets à railleries cinématographiques.
Vincent Lacoste, François Cluzet, Louise Bourgoin, Adèle
Exarchopoulos, William Lebghil et quelques ados sont excellents sous les ordres d’un réalisateur
humaniste qui a déjà ausculté le monde médical
Les fenêtres qui ferment mal, les alertes, le conseil de
discipline, tant de notations fines évoquent sans s’appesantir le « pas de
vague » ou comment placer les limites, mais aussi comment intéresser les
élèves.
Ce film sérieux non dépourvu d’humour peut accueillir au bout d’une heure quarante,
les tendres paroles de Francis Lemarque sur une musique d'origine russe :
« Le iemps du muguet
ne dure jamais
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà seront fanés
Pour nous deux, rien n'aura changé
Aussi belle qu'avant
Notre chanson d'amour
Chantera comme au premier jour »
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà seront fanés
Pour nous deux, rien n'aura changé
Aussi belle qu'avant
Notre chanson d'amour
Chantera comme au premier jour »
dimanche 24 septembre 2023
Age of content. (La) Horde.
Je venais de lever le nez d’un article faisant part des
problèmes de management de la part du directeur de l’institution culturelle
phare de la ville de Grenoble, attentif, disait-il, à la qualité de vie au
travail mais se retrouvant comme son prédécesseur en face de personnels « épuisés »,
« infantilisés », ne siégeant plus au C.A. par crainte de
représailles.
La saison des spectacles s’ouvrait sous de contrariants
auspices.
Et la feuille de salle laissait craindre le pire :
avec « espace-temps totalement
déconstruit »
et « autre
manière de déconstruire notre rapport à ces représentations volatiles ».
Après que furent distribués des bouchons d’oreille laissant
prévoir quelque puissant son,
ceux-ci s’avéraient inutiles dans un début
interminable avec voiture électrique télécommandée dépouillée de sa carrosserie
avançant et reculant sur fond de quelques aboiements.
Et puis arrivent les danseurs et quand ils sont tous là, les
vrombissements de la musique nous font vibrer et le propos devient clair :
les rivalités virtuelles nous atteignent.
Des bagarres chorégraphiées
magnifiquement expriment parfaitement les harcèlements Internet.
Les uniformes sous cagoule disent bien l’anonymat toxique et
la recherche de notoriété précaire.
Plus tard il sera question de jeux vidéo où se brouillent
les identités jusqu’à un final époustouflant où la didactique s’oublie dans les
étreintes.
La cohésion du groupe de seize danseurs excellents, puissant, dynamique, respecte les diverses
personnalités.
Le limpide projet, bien qu’aucun mot de français ne soit
prononcé, confronte réel et virtuel sous
l’abondance des images. Un spectacle beau et original.
Nous espérons voir cette année d’autres salles, comme ce
soir, entièrement debout pour applaudir.
samedi 23 septembre 2023
Les vertueux. Yasmina Khadra.
Le singulier aurait mieux convenu au titre, car les méchants,
les tordus ne manquent pas, qui mettent en valeur le narrateur en héros sans
grand mérite puisqu’il ne fait que suivre, en bon fidèle, le destin tracé par
Dieu.
« On ne peut pas
être trop près du bon Dieu sans se mettre à la merci du diable. »
Certes les péripéties ne manquent pas et comme on dirait
d’une clairette qui aurait perdu de sa fraîcheur : il faut bien finir la
bouteille !
« J’avais fait
une guerre à laquelle je n’étais pas convoqué pour défendre l’honneur d’un
ingrat qui ne songeait qu’à me faire disparaître ; j’étais recherché par
la police pour avoir défendu l’intégrité d’une femme qui avait abusé de mon
amour pour elle, et maintenant, on allait me lyncher pour avoir protégé un bien
qui n’était pas à moi… »
De la guerre de 14 au bagne, de la misère la plus noire à la
quiétude la plus douce, de Verdun au désert le plus aride, le jeune homme a
l’occasion d’exposer une certaine sagesse alors que les horreurs, les amours l’effleurent,
il en parle mais sans jamais vibrer ni entreprendre de son propre chef,
toujours guidé.
« … tu nous
fatigues avec tes humeurs de coq qui a mal au cul pendant que sa poule
pond. »
La lecture des 540 pages est confortable dans cette édition
Miallet Barrault avec circuit touristique en Algérie et sa palette de métiers
de là bas.
« C’était un
beau jour de septembre, chaud comme le ventre d’un chiot. »
Et si les
images ne sont pas toujours aussi originales, l’on pardonnera quelques
expressions anachroniques pour des conversations se situant dans l’entre deux
guerres dans un langage qui ne varie pas suffisamment au gré des diverses
conditions sociales aperçues.
vendredi 22 septembre 2023
Rocard, l’enchanteur désenchanté. Jean-Michel Djian.
Venu à Grenoble présenter son documentaire « J’irai
dormir en Corse » sur la vie de l’ancien premier ministre disparu il y a
six ans, Jean-Michel Djian dédicaçait son livre au titre parfait pour résumer
l’apport de Rocard à la vie politique français et amorcer une réponse à la
question :
« Par quelle
injustice alors sa pensée survit-elle moins que sa caricature, qu’entrés en
scène au mitan du siècle dernier ses épigones l’escamotent ? ».
J’en avais profité pour regretter qu’il reprenne trop dans
le film la critique malencontreuse envers la complexité du verbe de l’ancien maire
de Conflans Saint Honorine ; les 150 pages du livre ont permis de
détromper cette impression.
« Qui au sein des
nouvelles générations nées en ce début du troisième millénaire sait que ce gros
fumeur fut aussi l’instigateur de la loi anti-tabac, de la CSG, de la paix en
Nouvelle Calédonie, du compte individuel de formation, de la réforme d’air
France et des PTT, du livre blanc des retraites, du revenu minimum d’insertion
surtout ? »
L’intitulé du film extrait d’une lettre testament est
également significatif de la richesse de sa personnalité qui au moment du dépôt de
son urne funéraire avait valu de Jacques Dutronc habitant de Monticello, la
formule : « Un Rocard sinon rien ! »
« Je n’ai pas une goutte de sang corse,
et n’avais jamais mis les pieds sur l’île avant 1968. Le mois de mai de cette
année-là avait échauffé les esprits. Je ressentis puissamment le besoin de
rassembler pour une bonne semaine, la quarantaine la plus active d’étudiants et
de cadres du PSU. La mutuelle étudiante rendit cela possible en Corse. »
L’ouvrage acquis comme consolation de voir en une ville qui
fut jadis « rocardienne » seulement une cinquantaine de personnes
blanchies sous le harnois à l’invitation de Michel Destot, ancien maire, est comme son objet,
tranchant, honnête, stimulant.
« Comment
voulez-vous éclairer les électeurs avec des gens qui cherchent sans cesse à
attiser les peurs, déformer vos propos, les décontextualiser, les tirer vers le
bas. »
jeudi 21 septembre 2023
Les rencontres photographiques. Arles 2023.
« Etat de conscience » était le thème de cette
année, tellement général qu’il ne dit pas grand-chose de plus que
bien des titres de festival qui souvent tirent par les cheveux un fil
conducteur. Et comme il s’agit de l’état de la planète, le mot «
inconscience » aurait d’avantage convenu.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/09/les-rencontres-de-la-photographie-arles.htmlMalgré quelques lieux d’exposition fermés les
propositions sont tellement variées que les occasions de
« rencontres » ne manquent pas.les mises en scènes
angoissantes de Gregory Crewdson jettent des ponts vers le cinéma
et le facétieux et poétique Saul Leiter se rappelle de la peinture.
et le facétieux et poétique Saul Leiter se rappelle de la peinture.
« Tout au loin,
d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase
apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un
autre monde. »Marcel Proust.
Près de 500 photos de Diane
Arbus présentées de telle étourdissante façon effacent les frontières entre les portraits de
personnes hors normes et « nous ».
Les Cryptoportiques sous la mairie d’Arles étaient le lieu
parfait pour présenter des photos de grottes préhistoriques : « La
main de l’enfant ». Les styles varient pour faire connaître les femmes
d’une communauté au Mexique, des travestis américains, des personnages indiens,
ou la recherche de traces d’un exilé iranien d’avant Khomeiny,
d’un Vénézuélien
ou en Palestine... Au bord du Rhône « Les enfants du fleuve » sont
saisis dans leur diversité et les couleurs mêlées d’ « Insolare »
éclatent autant que quelques poussières magnifiées en leur retour depuis le
fond des âges au musée des antiques.Il a fallu quelques années pour qu’Agnès Varda sorte de
l’ordinaire et les polaroids de Wenders apparaissent moins remarquables que d’autres
scrapbooks de réalisateurs moins célèbres.Si aucun photographe nordique n’impressionne, la découverte
de Jacques Léonard du temps des
humanistes Doisneau, Ronis… nous ancre dans la nostalgie comme les archives du
Studio Rex dans le quartier Belsunce de Marseille et ses « photos pour
portefeuilles » de ceux qui avaient quitté leurs pays.Lorsqu’une
artiste sino-malaisienne s’interroge « Simplement parce que vous avez
appuyé sur l’obturateur ? » sa question rappelle l’histoire des clic-clac
Kodak et va au-delà des problèmes posés
par l’Intelligence Artificielle. Les innovations qui furent la marque du
journal Libération exposées à proximité dans l’abbaye de Montmajour paraissent
datées : 50 ans de bons mots et de papier jauni.
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