jeudi 18 mai 2023

Les femmes et le pouvoir. Serge Legat.

Après les saintes et les putains, 
le conférencier devant les amis du musée de Grenoble se consacre aux souveraines, régentes et favorites pour lesquelles la représentation est primordiale. 
« Théodora et sa cours » (547) dont la robe est ornée avec l’image des rois mages, apporte l’offrande du pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Fille d’un belluaire, qui combattait les animaux dans les jeux du cirque, elle régna conjointement avec Justinien, premier empereur byzantin.
« Éléonore de Tolède »
(1543) fille du puissant vice-roi de Naples parait bien distante, 
elle avait épousé un Médicis, un parvenu aux yeux de l’aristocratie d’alors.
Dans une composition digne de la Sainte famille, parmi les trente portraits peints par Élisabeth Vigée Le Brun, celui de « Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg, reine de France, et ses enfants » doit réhabiliter la reine déconsidérée après l’affaire du collier. 
Elle présente ses enfants dans l’esprit de Cornelia, fille de Scipion l'africain, mère des Gracques : « Les voici mes bijoux à moi ! » 
Le Dauphin désigne le berceau vide de Sophie-Hélène-Béatrix qui vient de mourir.
Mais tous ces messages passeront inaperçus, comme le rappel de la robe rouge doublée de fourrure que portait « Marie-Charlotte-Sophie-Félicité Leszczynska » par Nattier, la bonne reine, ne faisait pas de politique.
La dernière souveraine française, « Eugénie portant son fils Louis Napoléon » par Winterhalter restera inconsolable après la mort à 23 ans de son fils unique en territoire zoulou,  alors engagé au sein des troupes britanniques.
Élisabeth de Bourbon
ou « Elisabeth de France » par Vélasquez, fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, est la première épouse de Philippe IV, roi des Espagnes et des Indes.
Pour son héritier, « Balthazar-Charles », seul survivant parmi ses neufs enfants, un mariage précoce avait été envisagé avec sa cousine, Marie-Anne d'Autriche, mais lorsqu’il mourut très tôt lui aussi juste après sa mère, son père prit comme seconde épouse, cette nièce âgée de douze ans, pour assurer une descendance.
« Marie-Anne d'Autriche »
par Juan Bautista Martínez del Mazo
assurera une longue régence.
Leur fille, l’infante Marguerite-Thérèse, future femme de Louis XIV,  figure au centre du tableau « Les Ménines » (les demoiselles d’honneur), eux apparaissent dans le miroir du célèbre tableau de Vélasquez . 
Dans une constellation de gemmes et de perles, c’est elle l’invincible, « Élisabeth Ire» d’Angleterre par Nicholas Hilliard qui a vaincu «  L’invincible armada » espagnole.
La fille d’Anne Boylen et d’Henri VIII, maîtrise son image de « reine vierge », 
« vierge comme je suis catholique » persiflait Henri IV, 
dans son portrait par Quentin Metsys le Jeune
Un tamis  rappelle que la vestale Tuccia avait transporté de l'eau du Tibre avec cet accessoire sans en perdre une goutte, prouvant ainsi sa virginité. Le temps n’avait pas de prise sur elle dans un tableau réalisé 40 ans après son couronnement. 
« Je sais que mon corps est celui d'une faible femme, mais j'ai le cœur et l'estomac d'un roi, et d'un roi d'Angleterre. »
L’influence des favorites, tenant le monarque par les sens, ne dépasse pas la mode des décolletés et des fronts épilés pour Agnès Sorel maîtresse de Charles VII en « Vierge allaitante » d’après Jean Fouquet.
Il a fallu que la comtesse de Béarn soit bien endettée pour accepter de présenter à la Cour Jeanne Bécu devenue « La comtesse du Barry en Flore » par François-Hubert Drouais. La belle qui avait réveillé les ardeurs de Louis XV sera guillotinée.
Elle avait succédé en tant que maîtresse officielle à « Mme de Pompadour » née Poisson victime de méchantes « poissonnades » dans le genre « mazarinades ». Pour Maurice-Quentin de La Tour elle pose devant les livres des « Lumières »; elle avait joué un rôle dans le rapprochement diplomatique avec l’Autriche.
Madame de Maintenon représentée en « Sainte Françoise Romaine » par Pierre Mignard recommandée par Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan, va épouser en secret le Roi-soleil en suscitant, à Versailles, en cette fin de règne, dévotion et austérité.
« Gabrielle d’Estrée »
, la presque reine, enceinte, présente l’anneau promis par Henri IV dans le tableau très connu d’un inconnu. 
mais pour des raisons dynastiques, celui-ci épouse « Marie de Médicis à la veille de son couronnement »  qui assurera la régence avant que Louis XIII atteigne ses 13 ans. 
Trop intrigante elle devra s’exiler.
La puissante figure de « Catherine de Médicis » (Clouet) qui gouverna La France en pleine guerre de religions, femme d’Henri II, mère de trois rois et de « la reine Margot »,
tend à être réhabilitée par les historiens comme « Anne d'Autriche » l’épouse espagnole de Louis XIII, régente pendant la minorité de son fils Louis XIV.
Le portrait d’ « Elisabeth II » par Lucien Freud échappe aux plans com’ et pourtant inscrit dans nos mémoires celle qui n’avait pourtant que de symboliques pouvoirs. 
Le livre «  Le pouvoir au féminin » d’ Elisabeth Badinter nous a été recommandé. 
Il concerne « Marie-Thérèse d'Autriche » la mère de Marie-Antoinette dont Frédéric de Prusse disait : « Le désir de dominer ne la quittera que lorsqu’elle ne sera plus »

mercredi 17 mai 2023

Limoges soir et matin.

Lorsque nous récupérons notre voiture pourtant à l’ombre, le thermomètre indique 40 °
Mais le voyage vers LIMOGES s’avère confortable grâce à la clim.
Selon notre habitude, nous transitons d’abord par l’Office du tourisme recueillir notre lot d’informations avant d’aller prendre possession de notre AirB&B à SOLIGNAC. 
Nous  avons pour voisins de chambre une autre famille composée d’un jeune couple et 2 petites filles avec laquelle nous partagerons la salle de bain. Un certain bazar règne dans la maison tenue par une propriétaire artiste, qui dépose ses œuvres à la vente ou en décoration in situ dans les différentes pièces ; dans notre chambre, un miroir à base de touches de piano, une patère faite à partir d’embauchoirs en bois, donnent un exemple de ses productions. Pour passer à la salle de bain, un sas déborde de matériaux divers entreposés là pour de futures créations.
 
Solignac est un joli petit village sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, notre logement se situe à côté de la belle  porte Saint Jean protégeant l’Abbaye.
Pas loin, un charmant  pont vouté en pierre surmonte la Briance depuis le XIII° mais la Mairie avertit sur l’état de fragilité de la construction qui permettait le passage des pèlerins. Il existe un restaurant face à ce décor agréable malheureusement il n’est pas ouvert.
D’ailleurs, nous ne trouvons aucun établissement  servant des repas, nous devons donc reprendre la voiture et tenter notre chance à Limoges où nous optons pour le quartier/village médiéval de la boucherie.
Rue de la boucherie,  beaucoup de maisons à pans de bois et une curieuse chapelle participent à raconter le passé de Limoges. Nous nous installons à la terrasse de « Le versant » pour boire un spritz avant de nous régaler d’un sandre à la piperade avec un verre de Viognier et d’un dessert original.
L’heure est douce, nous flânons un peu dans le coin, tirons jusqu’aux halles constituées de verre briques et acier style Eiffel, rehaussées  d’une frise à base de porcelaines de 328 carreaux.
De retour à Solignac, nous prolongeons notre promenade tant vespérale que digestive.
Nous marchons jusqu’à l’église romane jouxtant le monastère bénédictin enfermé derrière des grilles.
Une plaque apposée sur un mur informe de la présence des élèves maîtres de l’école normale d’Obernai pendant la 2ème guerre mondiale.
Il est vrai que cette très ancienne  abbaye après avoir recueilli  différentes congrégations, servit  aussi de pensionnat de jeunes filles sous l’empire et de fabrique de porcelaines au début du XX°. Nous continuons jusqu’à l’ancienne maison d’observations astronomiques des moines avant de rentrer. Le ciel se pommelle de petits nuages, la température avoisine encore les 30° à 21h30  et impose une bonne douche  puis au lit.

Matin
Nous galérons pour trouver un bar ou restau ouvert près de Solignac et même à Limoges pour prendre un petit déjeuner.
Généralement près des gares, ce genre d’établissements ne manquent pas, mais pas ici !
Puisque nous avons atterri devant la gare des bénédictins, nous la visiterons, le ventre vide. Ce monument emblématique de Limoges achevé en 1927 mélange le style néo-classique et l’art nouveau. Il est érigé au- dessus des voies et son campanile contribuant avec le dôme à l’apparenter à un monument religieux,  s’aperçoit de toute la ville.
Des pierres calcaires habillent  le béton jugé trop audacieux pour les gens de l’époque, du cuivre recouvre le dôme et une élégante marquise accueille les usagers
ainsi que deux sculptures bien encrassées qui encadrent la porte
et symbolisent l’une l'émail  l’autre la porcelaine de Limoges.
De belles verrières adoptent les formes et les motifs chers à l’art nouveau.
A l’intérieur, quatre sculptures allégoriques représentent des provinces françaises  (« le Limousin, la Bretagne, la Gascogne et la Touraine, qui étaient à l'origine quatre provinces desservies par la Compagnie du Paris-Orléans ») dont une charmante Gascogne aux jolies fesses.

mardi 16 mai 2023

Ecoute Jolie Marcia. Marcello Quintanilha.

Les couleurs acides permettent une description originale d’une sombre histoire dans une favella de Rio où la vie est difficile, les relations toxiques, même à l’intérieur de la famille de Marcia , aide soignante qui fait de son mieux avec sa fille Jaqueline irrespectueuse au possible.
Les dialogues sont corsés, le quotidien violent mais les femmes résistent.
Marcia est une héroïne forte à tous les sens du terme comme Aluisio, son compagnon, homme de sa vie, un doux parmi une brochette de jeunes coqs si odieux que c’est peu de le dire.
Chronique sociale tragique et comique, vraiment punchy, sans misérabilisme.
Heureusement, il y a toujours les chansons : 
« Je ne savais pas même soupirer avant de te rencontrer.
Mais depuis j’ai croisé ton regard je sais soupirer je sais mourir. »

lundi 15 mai 2023

Nos cérémonies. Simon Rieth.

Les images destinées à décrire un traumatisme d’enfance mal résolu sont statiques.
Des péripéties artificielles peuvent amener des interprétations diverses à ce récit fantastique où les frères rejouent la scène initiale d’un retour à la vie. Nous sont infligés des meurtres contre un frère décédé pour signifier l’envie d’oublier mais aucune émotion ne vient pour partager une culpabilité. La violence jouxte la proximité. 
Bien que les couleurs soient appuyées, l’enfance, les bords de mer, l’été, n’ont aucun charme et les idylles de jeunesse sont dépourvues de sensualité. 

dimanche 14 mai 2023

Pénélope. Jean-Claude Gallotta.

Quel plaisir de retrouver la danse, des petits pas familiers et des inventions nouvelles !
Pénélope vue par notre patrimonial grenoblois n’attend pas son Ulysse en tricotant, solitaire.  Multipliée en cinq , les prétendants doivent déployer autour d'elles, une énergie qui ne s’use pas tout au long de cette heure et quart.
Hommes ou femmes portant bandeaux sur la poitrine et sur le bassin animent des compositions graphiquement réussies, assurés d’une égale dignité.
La reine au foyer qui attend - tic tac tic tac- à Ithaque est-elle faible ou forte ?
Le chorégraphe aime dire que les mythologies sont ré-interprétables sans fin, il le prouve avec une bande son stimulante pour une troupe au point.
Quatre chapitres et un épilogue  découpent le temps : Les Prétendants, Les Guerrières, Les Indociles, Les Réconciliés pour une même vigueur. 
Les couples se font et se défont parfois derrière un écran ou dans une salle de répétition, une femme et un homme en fauteuil roulant esquissent quelques gestes tout en offrant de magnifiques superpositions.
« Nous sommes ce que nous dansons » est-il dit dans un texte accompagnant les gestes qui parlent d’eux-mêmes. Piètre valseur, je ne me sens pas grand-chose, seuls me sauvent quelques « neurones miroir » qui ont eu encore la chance de reluire ce soir.

samedi 13 mai 2023

Le monde d’avant. Marc Lambron.

Petit livre  en hommage à des grands parents nivernais en milieu ouvrier à la campagne  
« On allait vers le monde d’Orwell mais il était ourlé d’une campagne à la George Sand »
Ces 90 pages ressemblent à un cadeau offert aux parents pour leurs noces d’or recueillant les anecdotes familiales et pour lesquelles ont aurait fait appel à l’académicien sachant bien écrire. 
« Etendus sur les fils à linge, les rectangles menstruels permettent de savoir, quand ils disparaissent que la voisine est en état de bonne espérance. » 
Les portraits sont vivement tracés et la nostalgie envers le siècle précédent cultivée à coup de « Piste aux étoiles », de Tour de France et de profession enviable d’institutrice. 
« Il était entendu que la mère Piqueprune, épicière de son état, avait été placée de toute éternité dans son échoppe pour que les enfants du village lui dérobent des bonbons en l’envoyant quérir des denrées dans son arrière-boutique. C’était comme ça. »
Mais tout est bien dosé, les expressions du patois mentionnées sans s’y attarder, la liste des marques vintage restreinte. 
« Ces pauvres m’ont fait riche. » 
La pudeur dont il fait preuve donnerait l’exemple pour s’essayer à l’exercice, si l’on ne craignait d’être lourd. 
« J’écris ici comme un passant des jardins, habité par le scrupule de ne pas désobliger le passé des autres, celui de ne pas m’approprier le crédit de leur vaillance »

vendredi 12 mai 2023

Désert.

Les temps changent. 
Alors que pour partager les émotions dans un stade avec un enfant, il convient malheureusement d’hésiter, je viens de voir avant le défilé du premier mai, une caméra posée sur une maman qui équipait son enfant en poussette de lunettes pour le protéger des gaz lacrymogènes ! Juste après une mamie faisait porter uniquement à la police la responsabilité des violences, prise dans les projecteurs de la toute puissance d’un prométhéen mouvement social à qui tous les gentils Sisyphe pardonnent.
Albert Camus est moins noir qu’Albert Cohen : 
«  Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. »
« Il n’y a plus de déserts. Il n’y a plus d’îles. Le besoin pourtant s’en fait sentir. 
Pour comprendre le monde, il faut parfois se détourner ; pour mieux servir les hommes, les tenir un moment à distance. » 
Pour avoir beaucoup cotisé au club des naïfs, j’en suis à noircir le caractère de mes semblables souvent dans le déni et l’indulgence coupable envers la brutalité. Alors que progrès scientifique et déploiement des aides sociales ont rendu pour la plupart la vie plus confortable, la moindre anicroche nous insupporte, la moindre contrariété nous fait criser. 
Et les foules africaines qui suivent aveuglément les néo-colonisateurs du XXI° siècle en dénonçant ceux du XIX° me consternent.
Dans la marmite des commentaires, l’étude expéditive des caractères a pris le pas sur le débat de fond. 
Après la contradiction des gilets jaunes : moins d’impôts plus de services, bien peu d’objections sont apportées à ceux qui optent pour la décroissance en demandant la retraite à 60 ans, alors que dans le même temps, plus de pouvoir d’achat demande de la croissance. « Plus d’argent pour profiter de plus de loisirs » ne s’affiche pas aussi nettement que « travailler plus pour gagner plus » mais connaît davantage de succès.
Quand l’agressivité peut en arriver à se déchainer sur le personnel soignant, les profs, les pompiers … les gardiens de la paix, je doute des vertus des référendums, le citoyen disparaissant derrière le consommateur. Les clashs séduisent et les gueulards mateurs prouvent leur efficacité, la modération passe pour de la faiblesse. L’adrénaline spray des disputes est un euphorisant qui comme le gaz hilarant donne des couleurs à l’ordinaire des jours. 
Les «cacerolazos» , firent du bruit contre Allende et les marches au flambeau ne fascinent pas que les fascistes. Ils aiment la nuit propice aux rêves et aux dissimulations; les réveils tardifs sont parfois difficiles.
Avons-nous appris à vivre avec nos faiblesses, nos addictions, nos rides, la mort ?
Ciel bleu et cocotiers figurent le paradis et malgré le funeste réchauffement climatique, le soleil est toujours synonyme de beau temps.
La météo n’est plus un sujet anodin, et dans le bavardage radiophonique qui alerte sans cesse sur la sécheresse, je m’étonne que l’annonce d’une amélioration signifie encore le retour de la chaleur bien qu’on en vienne à prier pour la pluie dans la phrase précédente. 
« L’espérance, c’est sortir par un beau soleil et rentrer sous la pluie.»  Jules Renard