mercredi 22 décembre 2021

Mulhouse # 3

Nous laissons le monde des tissus

pour découvrir un autre lieu emblématique de Mulhouse, le musée historique logé dans l’ancienne mairie du XVI° siècle  place de la réunion.
La salle du Conseil ou des mariages occupe le premier niveau. 
Le bois recouvre murs et plafond, il assombrit la pièce que les anciennes fenêtres (culs de bouteilles) peinent à éclairer. Et le mobilier imposant et lourd  accentue le caractère solennel du lieu.
Des peintures murales face aux fauteuils cossus des notables promeuvent  les sceaux de la ville et des références au rattachement de Mulhouse à la France qui apparaitront d’ailleurs une autre fois dans le musée sous forme de banderole dans une vitrine.
A l’étage, sont conservés des objets retrouvés dans la région comme
- ce curieux bahut à archives,
- des arbalètes, n’étant pas sans évoquer l’époque et le personnage de Guillaume Tell, 
 - quelques œuvres religieuses peu nombreuses, des serrures, des morceaux de poêle en faïence.
Mais c’est  le Klapperstein, qui  constitue de loin l’attraction la plus symptomatique et célèbre de la vie mulhousienne d’autrefois : les femmes médisantes, condamnées, devait porter en punition autour du cou cette pierre de 12 kg dans les rues de la ville (klapper = hochet, Stein = pierre)« Aujourd’hui exposé au Musée historique, le Klapperstein a longtemps été suspendu au mur arrière de l’Hôtel de ville, comme un avertissement aux médisantes. Si deux femmes sont condamnées en même temps, la première doit porter le Klapperstein de la place publique jusqu’à l’une des portes de la ville pendant que la seconde est affublée d’un panneau sur lequel est écrit la cause de la condamnation. Arrivées à destination, les deux femmes échangent leurs attributs pour effectuer le trajet du retour ».
Les hommes en pareil cas devaient seulement s’acquitter d’une amende, à laquelle étaient également soumises les femmes. Mais point d’humiliation administrée aux hommes pour un péché réputé avant tout féminin…
En poursuivant la visite, nous découvrons
- la reconstitution d’intérieurs d’habitations  traditionnelles,  avec leurs peintures murales,
- un secteur réservé aux jouets anciens,
- un autre consacré au capitaine Dreyfus, disposant de panneaux informatifs  et d’effets personnels .
Enfin  au dernier étage, une collection regroupe des objets gallo romains : 
les céramiques, monnaies parures  proviennent du site archéologique d’Uruncis et témoignent du  passé antique de la région.
Nous avons parcouru ce musée avec plaisir et apprécié sa grande variété.
En sortant, nous discutons avec une jeune fille postée à côté d’une petite charrette remplie  de documents de l’Office du tourisme en plein soleil devant le musée.
Nous l’interrogeons, elle, interroge son portable pour nous répondre et nous informe que l’espèce de rouage,
symbole de la ville, représenterait en fait des moulins ( Mulhausen : moulins ?),
que Mulhouse reposait sur des marécages et que l’eau fut utilisée  comme énergie pour l’industrie, les moulins  etc.
Il fait bien chaud au soleil à écouter, alors avant tout autre chose, nous craquons pour une glace à l’italienne prise chez un glacier se vantant d’être décoré des « quatre plaques de chocolat », le summum étant cinq !
En tous cas, c’est revigorés que nous partons vers le N.E. jeter un œil à la Cité Manifeste.
Pour cela, nous traversons la grande place devant les halles couvertes, en plein  nettoyage après le départ des maraichers et commerçants. Nous pénétrons dans la cité ouvrière organisée autour des usines de DMC (Jean Dollfus).
Nous circulons au milieu de maisons mitoyennes organisées dans un quadrillage rigoureux et serré de rues étroites, si étroites parfois qu’une voiture ne peut s’y engager.
A l’origine, toutes ces habitations étaient semblables, uniformes, mais leurs occupants les ont personnalisées et arrangées en fonction de leur goût ou de commodités, ils ont  exprimé leur personnalité aussi bien sur les façades que dans les jardinets soignés.
La Cité manifeste s’est implantée au sein du quartier, construite par les architectes Jean Nouvel,
Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, Duncan Lewis, Shigeru Ban et Matthieu Poitevin.  
Ils devaient proposer des logements innovants et des techniques architecturales appliquées au logement social.

Nous restons dubitatifs devant l’immeuble en tôle de Jean Nouvel, qui nous parait mal adapté aux différences de températures, et peu convaincus par l’esthétique hangar à petites ouvertures.  Un autre immeuble tout en verre compromet toute intimité, des grands rideaux blancs semblent servir de cloisons à l’intérieur et nous ne comprenons pas la composition des appartements et des pièces … 
En discutant avec des habitants du quartier, les critiques ironiques ne manquent pas, notamment contre Jean nouvel dont la création serait la seule à cumuler les défauts….
Nous rentrons en nous promenant le long du canal de l’Ill.
Arrivés devant l’église Saint Fridolin  il nous faut consulter google pour l’identifier, savoir s’il s’agit d’un temple ou d’une église car aucune indication, aucune statue aucun ornement  absolument rien ne nous met sur la voie.
Nous reprenons notre chemin jusqu’à la pizzeria Bacia, dans une rue parallèle à la rue de la liberté, et commandons de copieuses pizzas à l’intérieur avant de regagner la maison vers 21h15, fourbus !
Demain nous quittons Mulhouse. Nous avons fait l’impasse sur le musée de l’automobile et le musée du train, les plus importants d’Europe.

mardi 21 décembre 2021

La revue dessinée. N° 32. Eté 2021.

Cette livraison est moins exclusivement partisane que d'habitude, bien qu’agissant comme lanceur d’alerte à propos de sujets engloutis par les blablas de l’heure. 
Elle peut même se lire après celle qui lui a succédé  
La position de la revue concernant le genre des mots ne collant pas forcément aux excès de certain.e.s est significative de leur volonté ne pas s’enfermer dans des dogmes à la mode.
Le reportage concernant l’argent de la drogue finançant le terrorisme a du également mettre à la question bien de leurs proximités à de justes causes.
« Le resto du cœur » avec d’anciens salariés de Mc Do à Marseille est aussi riche de contradictions où dans le temple de la malbouffe cohabitent et entrent en conflit générosité, progression des acquis sociaux et rentabilité.
Comment mener la restitution des objets africains qui font notre plaisir dans les musées ?  
Le questionnement vaudrait aussi pour ma modeste collection privée ne provenant pas de pillage… à ce que je sache.
Par contre je ne suis pas du tout concerné par la spéculation concernant des baskets qui peuvent atteindre des sommes astronomiques au prix de stratégies sophistiquées pour obtenir «  les sneakers » d’une collection limitée. Divertissant et significatif des passions de certains de nos contemporains.
Le rappel de l’histoire de l’insecticide Chlordecone, n'est pas inutile, ce poison des Antilles, cancérigène et neurotoxique, perdure dans la terre après son interdiction il y a trente ans. Il est présent dans le le sang de neuf personnes sur dix.
La description de zones préservées de toute présence humaine comme dans le Vercors est sympathique en décrivant  leur « réensauvagement » pouvant se juger comme réalisation d’une utopie ou un retour passéiste problématique.
Les rubriques habituelles me sont cette fois accessibles puisqu’il est question 
de Catherine Ringer dans « Face B »,
de « la » Covid ou « du » Covid dans « La sémantique c’est élastique »
et de la loi Gayssot « Au nom de la loi »
et du sourire de Bolt dans « Instantané ».
Par ailleurs vraiment loin de Soulcié qui officie avec ses gros sabots dans chaque numéro, le recueil de dessins de Sempé sous le titre «  Quelques amis » me plonge dans le ravissement : tendre, profond, subtil, léger…  Nous nous y voyons grands et pathétiques : le meilleur de l’humour, de l’humanité. Il occupe un rayon entier de ma bibliothèque 

lundi 20 décembre 2021

West Side Story. Steven Spielberg.

Je viens de comprendre, enfin, pourquoi le genre comédie musicale était un bon moyen d’évoquer les mythes fondateurs de notre civilisation.
Histoire éternelle d’amour et de mort dégagée de ses subtilités psychologiques, la fresque peut déployer ses images magnifiques, ses musiques inoubliables, ses danses de rêve, sa poésie lumineuse, ses impérissables récits. Un rythme fougueux réduit ces deux heures et demie en un songe fulgurant.
Comme La Fontaine avait repris Esope, soixante ans après, Spielberg rebooste le chef d’œuvre de Robert Wise qui ne manquait déjà pas d’énergie avec Jerome Robbins à la chorégraphie. Le balcon de Vérone des amants aux familles ennemies imaginé par Shakespeare se trouve désormais au bout d’un escalier d’incendie à New York.
Ce film vu avec son père, remercié dans le générique, lui avait donné envie de faire à son tour du cinéma. Merci.
Nous passons du théâtre au cinéma. Au-delà des maquillages moins visibles, des silhouettes moins lisses, cette dernière version apporte plus de profondeur, de cohérence, de force  au personnage du nouveau Roméo.  
Anita : 
- I want to be in America
J’aime vivre en Amérique
Tout est OK en Amérique
Tout est libre en Amérique

Bernardo
- Pour un petit prix en Amérique ! 
L’ardente Ariana DeBose dans le rôle d’Anita nous entraine.
Les rêves d’ailleurs, la violence des mâles, les conformismes communautaires, l’amour fusion qui transcende et emmène au dessus des jours et des nuits sont vivement traités.
L’apport de nouveautés nous permet de mieux interpréter notre actualité sans contredire la fidélité à l’original. L’ambitieux pari du père d’E.T. est réussi, pourtant la barre était haute.

dimanche 19 décembre 2021

Et maintenant que les présentations sont fête. La Compagnie des Gentils.

A partir de huit ans. Je n’avais pas l’alibi de mes petits enfants pour assister à ce spectacle de près de deux heures mais à juger par l’agitation de mes jeunes voisins, il valait mieux attendre l’âge du collège pour apprécier des personnages de la mythologie grecque au prise avec des chansons des années 80.
Dans le genre apprentissage amusant, les BD de Jul sont plus efficaces et les clins d’œil plus rigolos. 
Je réserverai ma méchanceté à des productions plus prétentieuses car il sera beaucoup pardonné à la potache troupe grenobloise pour avoir terminé sur « I Will survive ! ». 
Je dirai, pour rester dans le ton, qu’il s’agit d’un « gloubi-boulga » où les styles loufoques, poétiques, participatifs, déclamatoires, emphatiques se contrarient plutôt que de s’épauler pour évoquer l’amour, la mort, la nature.
Les costumes hétéroclites sont amusants, les décors parfois inventifs, les lumières sympatoches, les acteurs corrects et les musiques bien choisies mais le fil narratif le plus tenu concerne essentiellement le devenir tragique de Cerbère le gardien des enfers.
Certains Dieux sont rejetés de leurs lieux souterrains pour que les humains y entreposent leurs déchets, ils sont bien paumés et la fête autour de « trans » Aphrodite est loin d’être joyeuse et insouciante. 

samedi 18 décembre 2021

Mon mari. Maud Ventura.

Le titre légèrement désuet donne le ton et ne ment pas, il remonte au vent face aux bourrasques du temps, avec jubilation.
Le second degré, l’humour, devenus rares, sont au service d’une profondeur inattendue dans un domaine conjugal tellement précaire où foisonnent en général les clichés.
L’amour absolu, l’amour fou, débouche sur son impérieux contraire quand l’attention devient excessive, alors que l’imagination, l’invention de l’autre se rappellent à nous comme pigments de la vie.
Ces 350 pages lues d’un trait se chapitrent suivant les jours d’une semaine : 
« Le mardi est un jour belliqueux. Pas besoin de chercher des explications compliquées : sa couleur est le noir et son étymologie latine nous apprend que c’est le jour de Mars, le dieu de la Guerre. La prise de la Bastille a eu lieu un mardi. Le 11 septembre 2001 aussi. Le mardi est toujours un jour dangereux. » 
Alors que le lundi est le jour bleu, celui des débuts :
«  Dans un livre j’ai toujours préféré les premiers chapitres. Dans un film les quinze premières minutes ». Moi, pareil. 
A la recherche de l’expression la plus juste dans son métier de traductrice, elle est méticuleuse, honnête, quoique, mais sa lucidité ne l’empêche pas d’être « trop ». Ses attentions bienveillantes vont se retourner à partir d’un épisode anodin, comme toujours, après un jeu entre amis, sorte de portrait chinois : 
« Mon mari considère donc que son meilleur ami est marié à un ananas, tandis qu'il a épousé une clémentine. Il vit avec un fruit d'hiver, un fruit banal et pas cher. Un petit fruit ordinaire qui n'a ni la gourmandise de l'orange, ni l'originalité du pamplemousse. Un fruit ordonné en quartiers, pratique et facile à manger, prédécoupé, prêt à l'emploi, fourni dans son emballage. »
 Souvent les livres à offrir sont lourds, celui-ci ravira ceux et celles qui aiment les sourires, la vie, les surprises, l’autre, les autres, la légèreté et la complexité.

vendredi 17 décembre 2021

Apprentis.

Pour avoir passé quelques annuités dans des lieux alors dits d’apprentissage, instit’ je fus, je me demande si en dehors des superfétatoires tables de multiplications tout ne s’est pas perdu  voire parti dans le sens opposé. Au risque d’épuiser mon masochisme, je ne me mettrai pas à énumérer nos ambitions civiques qui ont accouché de grimaçants résultats allant de la goujaterie ordinaire au complotisme le plus courant. Toutes ces stratégies pédagogiques, coopératives, ont abouti à un « chacun pour sa gueule » décidément encombrant.
Hulot, une de nos gentilles icônes mise à bas, n’arrange pas la considération qu’on pouvait porter à l’espèce bien peu protégée des hommes.
Aucune confiance envers son prochain, et combien de malins pour récuser les scientifiques et déceler chez les responsables politiques systématiquement les pires intentions. 
La fleur au coin des lèvres, nous croyions en la bonté de l’être humain en marche vers le grand soir. La nuit est tombée et le virus noir du soupçon a assombri notre vision des voisins. 
« Enseigner, c’est apprendre deux fois. » Joseph Joubert
Nous nous sommes trompés envers nos élèves et nous qu’avons-nous appris ?
Nous savons que les votes se déterminent essentiellement en opposition, mais à défaut d’attirer des électeurs pourquoi renvoyer systématiquement les contradicteurs comme des ennemis ? C’est que l’estime de soi est au plus bas. Pourquoi toute critique de la gauche assigne celui qui chicane vers la droite ? 
Pour passer trop de temps sur les réseaux sociaux où je m’abstiens le plus souvent d’intervenir, je suis frappé par les commentateurs  qui a chaque thème abordé prennent du temps pour dire ce n’est pas le problème. Autour d’un article concernant l’Europe, se ramène la Corrèze, et quand il est question du Zambèze tout de suite allons voir nos quartiers. Jeux de mots pour se rappeler Raymond Cartier dans Paris Match qui opposait dans les années de décolonisation, le département français au fleuve de Zambie et fut tellement repris qu’on en oublia le premier auteur. L’égoïsme hexagonal ne s’est jamais si bien porté.
Les prescripteurs matutinaux qui voient avant tout la moitié vide des verres qu’ils ont vidés ne savent que décrire dans une planète condamnée, une France rabougrie, leur seule vitalité s’exerçant à l’encontre de ceux qui se repaissent de l’abaissement de notre civilisation.Trois dessins et deux provocations ne suffiront pas à régler le tracas Zémour, les médailles de compagnon de la Libération attendront.
Enserrés dans un passé culpabilisant où les décoloniaux croisent le pétainiste et un futur gris décrit par les verts, le présent aurait tendance à tambouriner la coque de nos génitoires. Tous ces prophètes du malheur, symptômes de la décadence qu’ils annoncent, me ramèneraient plutôt vers les ravis. L’expérience évitant quand même de tomber dans le pot de peinture rose.
D’avoir applaudi les soignants en d’autre temps ne nous interdit pas de blâmer ceux qui font  toute une affaire de se faire vacciner. On peut aimer les livres et réprouver les bibliothécaires de la CNT à Grenoble qui refusent de prendre leur part dans la lutte contre la pandémie : elles ont appelé les bornes mises en place pour vérifier les pass sanitaires. Qu’elles ne viennent pas pleurer comme les agents de service qui ne voulaient pas monter plus de trois marches pour nettoyer les vitres ; le privé appelé à la rescousse a fait le job.   
« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n'aime pas toujours qu'on me donne des leçons. » Winston Churchill