La conférencière devant les amis du musée de Grenoble nous
parle d’un temps où Paris était la capitale des arts quand les avant-gardes se
bousculaient à la suite des impressionnistes : « La belle
époque ». Les fauves en premier, et parmi eux
le « fauve incandescent » à la
peinture « iridescente » (qui a des reflets irisés).
Né à Chatou en 1880 à proximité des paysages peints par
Renoir ou Monet, l’ancien cancre aidé par sa famille de commerçants, après des
études à l’Académie Camillo, deviendra vite une référence.
Avec l’ « Autoportrait dans l’atelier » le
peintre affronte le tableau : la touche est épaisse, les volumes
simplifiés, les couleurs assourdies, les plans géométriquement décomposés.
Un gant blanc ressort dans son « Bal à Suresnes »
et insiste sur la maladresse du troufion de façon ironique.
Avant la guerre, autos, vélos, photos se multiplient, les
rayons X permettent de voir au-delà des apparences. Les peintres que les
photographes ont imités dans un premier temps sont libérés de la représentation
« illusionniste », ils utilisent les nouvelles technologies.
Le grand gaillard rencontre Vlaminck dans un train de
banlieue. Le musicien coureur cycliste d’origine flamande a «dessalé l'ami Derain, l'initiant à la
couleur sortie du tube comme aux plaisirs populaires...». « Portrait
de Vlaminck ». Ils feront atelier commun.
Le « Portrait de Matisse »
avec lequel il va travailler à Collioure, est d’une grande liberté.
Celui-ci brosse un « Portrait de Derain » exotique,
aux touches vibrantes.
Les impressionnistes ont exposé pour la dernière fois en
1886, les divisionnistes ont pris la suite dans la célébration de la nature.
Ils théorisent en juxtaposant les couleurs que les lignes suivent,
systématisent une technique qui peut apparaître comme fastidieuse.
« Le Cap Layet » d’Henri-Edmond
Cross, est au musée de
Grenoble.
A leur tour, les
couleurs complémentaires dans « Le Pecq,
hiver » se
mettent en valeur avec courbes
et ombres bleues. Le paysage expressionniste est réinterprété et le sentiment
prend le pas sur la sensation. «L'artiste s'observant
en train de sentir ne sent plus rien...»
Si Le Caravage peignait autour du noir, les « Toits
de Collioure » vigoureusement simplifiés sont
peints autour d’un blanc en réserve qui synthétise toutes les couleurs.
« Le port de Collioure » revient au divisionnisme
alors que « Le phare » est exécuté
en grands aplats.
« Cette couleur m'a foutu dedans. Je me suis
laissé aller à la couleur pour la couleur. »
Au salon de
1905, tous les fauves sont lâchés.
«J'avais fait chaud,
très, très chaud. Le fauvisme a été pour nous l'épreuve du feu. Les couleurs
devenaient des cartouches de dynamite. Elles devaient décharger de la
lumière...»
Ils font scandale, c’est bon pour les affaires. Vollard, son marchand, l'envoie à
Londres où Monet
avait brillé dans les brumes, lui trouve qu’il y a trop de soleil.
« Effet de soleil sur la Tamise » fait disparaître tout élément architectural,
contrairement au « Pont de Westminster » avec
cernes proches de Gauguin et cadrage japonisant.
« Je ne vois
d'avenir que dans la composition ... Je crois que le problème est de grouper
les formes dans la lumière et de les harmoniser concurremment à la matière dont
on dispose »
Il cherche, mais ne va pas au bout de ses intuitions.
A « l'Estaque », comment ne
pas être sous l’influence de Cézanne.
Et ses « Baigneuses » renonçant
aux couleurs ont des volumes qui annoncent les demoiselles d’Avignon d’un autre
contemporain célèbre. Dont il dira pourtant :
«On retrouvera
bientôt, Picasso
pendu derrière son tableau.»
« La danse » est une quête de l’enfance de l’art, un rêve
primitif,
« Le grand tort
de tous les peintres, c'est d'avoir voulu rendre l'effet du moment de la nature
et de ne pas avoir pensé qu'un simple assemblage lumineux met l'esprit dans un
même état qu'un paysage vu »
Il change de manières, de marchands : après Kahnweiler,
Paul Guillaume, il renie ses anciennes pratiques : « le fauvisme: «une histoire de teinturiers», le
cubisme, «une chose vraiment
idiote »… « Portrait de Lucie Kahnweiler »
Il réalise des décors pour le théâtre, sculpte, revient au classicisme,
on a parlé de « byzantinisme » pour « Samedi ».
Le Centre Pompidou vient de présenter les
productions de l’artiste pendant « la
décennie radicale », entre 1904 et 1914, ainsi la conférencière n’a guère
développé la période après la seconde guerre où il a été accusé de
collaboration.
Son « Age d’or» prévu
pour une tapisserie a des tonalités proches de paysages
qu’il a
lui-même titrés
« Sinistres ».
Il
meurt en 1954.