Le port d’où est parti Marco Polo était un pôle majeur de la
Méditerranée avant la découverte des Amériques. Et même si le temps de la
Renaissance des Titien, Le Tintoret, Véronèse, est passé, la « Sérénissime »
construit, transforme au XVII° siècle et au XVIII° de fastueux palais dont le
conférencier entrouvre quelques portes aux amis du musée de Grenoble.
« Ici surgit la
pensée des rudes seigneurs qui se battaient ou trafiquaient sur la mer, puis,
avec l’argent de leurs conquêtes, de leurs captures ou de leur commerce, se
faisaient construire les étonnants palais de marbre dont les rues principales
sont encore bordées. » Maupassant
Les marchands n’étaient pas spécialisés et les produits, qu’ils
revendaient avec de bonnes marges, stockés au raz des eaux, variaient au rythme
des bateaux venant de Constantinople ou d’Alexandrie : minerais, sel,
étoffes, épices, bois précieux...
« Je fus
émerveillé de voir tant de clochers, de monastères, de maisons. On me mena le
long de la Grand rue, qu’ils appellent le Grand canal et qui est bien large. C’est
la plus belle rue je crois qui soit au monde. Les maisons sont fort grandes et
hautes, et faites avec de belles pierres. Toutes ont le devant de marbre blanc
qui leur vient d’Istrie, à quelques kilomètres de là. A l’intérieur, la plupart
des maisons ont deux chambres avec des planchers dorés, de riches cheminées en marbre,
et de beaux meubles. C’est la plus triomphante cité que j’ai jamais vue. »
D’après Philippe de Commynes
Le long du grand canal, les « portes de la mer »
des bâtisses s’ouvrent sur un grand corridor entouré de pièces pour les tractations entre négociants et au dessus à l’étage noble, le grand portego,
salle bien ventilée, l’eau remontant dans les murs de 2 à 3 m, est le show room de cette
époque. Les décors de cet espace semi public sont souvent refaits à l’occasion
des mariages.
Dans le palais Pisani habité depuis par des
banquiers, les poutres du temps des marchands ont été remplacées par des
plafonds recouverts de fresques. Les lustres viennent de Murano.
Le palazzo Barbaro dont
la partie gothique est reliée à la partie baroque, abrite une magnifique salle
de bal au décor de stucs.
Sur les terrasses, les belles tentant la teinture en blond vénitien pouvaient
prendre l’air, mais sa composition à base d’oxyde de plomb faisait tomber les
dents ; finalement l’ammoniaque appliquée en shampoing, provenant de
l’urine de jument, était plus saine.
La Ca' Rezzonico comme casa (maison), tient son nom de la famille d' un
pape, qui a pu prendre place sur le livre d’or des notables de la
ville, fermé depuis le XIII° siècle ; le droit d’entrée étant extrêmement
élevé, il fallait bien payer tous ces condottieres.
Les deux obélisques du palais Balbi indiquent la présence
d’un amiral dans cette maison.
Le Palais Albrizzi au
décor fastueux recèle une véritable volière de putti.
Au-dessus de la porte de la salle de bal du palais
Zenobio, collège arménien, se trouve la tribune de
l'orchestre. Les espaces sont démultipliés par
les miroirs. Dans le jardin, un casino (petite maison) permettait de
faire des fêtes ; le carnaval durait 6 mois.
La RAI a mis en vente le
Palazzo Labia où Tiepolo a peint
« Antoine et Cléopâtre », c’est là
que passaient par les fenêtres des assiettes constellées d’or et de rubis, le
personnel tendant des filets en dessous.
Au Palais
Barbarigo, sont d’autres fresques
mais je ne me souvenais pas de
cette histoire trop belle : Berlusconi
trouvait qu’une copie de Tiepolo, « La Vérité dévoilée par le
temps » heurtait la sensibilité des téléspectateurs … Berlusconi !
Dans ces espaces gigantesques sont installés des miroirs
gravés magnifiques, la vaisselle filigranée qui incorpore des
fils de verre est incomparable, les grands lustres dont les bougies
noircissaient les fresques, sont superbes, des tissus raffinés
cachent les fissures toujours renaissantes des parois.
Le
palais Grassi construit par Massari avant l'abolition de la
République de Venise par le général
Bonaparte
en
1797 appartient
désormais à
François Pinault qui y
expose de l’art contemporain.
Le palais des Doges et
la ca’ grande, la ca’ d’oro, le palais
Papadopoli, la collection Guggenheim dans le palais Venier dei
Leoni ... il y aura toujours un Canaletto.
Bonaparte avait demandé à ses soldats de ne pas
marcher au pas pour ne pas ébranler la ville, qui en plus d’être dans une zone
sismique est assaillie aujourd’hui par le vagues des paquebots qui viennent
croiser sous ses fenêtres et par les vagues de touristes… dont j’aimerai bien
être.
Mais l’on ne pourra tout voir. Après avoir fouillé dans les sites à citations, que peut Sylvain
Tesson :
« On a fait
couler tellement d'encre sur Venise qu'elle se noie. »
contre Guy de Maupassant ?
« Aucun coin de
la terre n'a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de
l'enthousiasme. »