samedi 1 juillet 2017

Un été avec Machiavel. Patrick Boucheron.

Dans la clarté d’un jour d’été qui a attendu la délivrance des orages, ces 145 pages reprenant une série d’émissions de radio, en conservent toute la fluidité pédagogique.
Nous sommes conviés à aller au-delà de la réduction au « machiavélisme » de l’œuvre du florentin sans cesse renaissant :
«  Tenter la fortune car elle est l’amie des jeunes gens et changer selon les temps ».
Nous y sommes.
« Il m’est apparu plus convenable d’aller tout droit à la vérité effective de la chose qu’à l’image qu’on en a ».
Le moment serait « machiavélien » : « Cette indétermination des temps dès lors qu’un idéal républicain se confronte à sa propre impuissance, à l’usure des mots et à l’opacité de la représentation, à ce qu’on appellerait aujourd’hui la fatigue démocratique. »
Nicolas « annonce les tempêtes, non pour les prévenir, mais pour nous apprendre à penser par gros temps.»
Sommes nous ces princes à qui était destiné «  Le Prince » écrit dans un moment de disgrâce, comme les notations biographiques le précisent, pas seulement pour égayer le propos, mais percevoir comment se relient action et réflexion ?
Comment ne pas rapprocher les propos de Frédéric Lordon lors des « Nuits debouts »:
« Nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n'apportons pas la paix»  
avec le lucide conseiller né en 1549 ?
«  Aussi est-il nécessaire à un prince, s’il veut se maintenir, d’apprendre à pouvoir ne pas être bon et d’en user et de n’en pas user, selon la nécessité. »
Ces désordres qui fascinent, effraient ou attirent, sont, comme le précise l’historien à la mode, bien en chaire au Collège de France, des « humeurs », utilisant une métaphore de la médecine d’alors :
« La bonne santé du corps social résulte de l’équilibre de ses humeurs, c'est-à-dire non pas d’un ordre politique qui nierait les troubles, mais d’une organisation des désordres sociaux. »
Il reste du travail, car tout le monde est loin d’être animé par le principe du doute, «  premier ressort de la connaissance » :
« Dans ce pli s’énonce la politique, qui ne vaut que si elle est mise au défi des contingences et des fatalités par la reconnaissance d’une puissance d’agir indéterminée.»
Hollande aurait dû travailler son Machiavel, même dans cette version «  pour les nuls » qui m’a parfaitement convenu.

Le dessin est de Soulcié qui dessine à Télérama ou pour Médiapart.

1 commentaire:

  1. Non, nous ne sommes pas ce princes, parce que... nous sommes des individus rois. Il y a une grande incompatibilité entre les deux.
    Mais c'est un soulagement d'entendre évoquer la possibilité de ne pas être bon... surtout quand on songe à tout le malheur qui vient dans le monde par le désir de faire le bien.
    Je crois que c'est ce qu'Adam Smith a promu, à sa façon. Se reposer de son désir d'être bon/faire le bien.
    Je me demande si Machiavel s'est trouvé confronter à ce symptôme suprême de la fatigue démocratique : quand le spectacle envahit tout, et on ne se distingue plus... nulle part ? de ses représentations, alors qu'on se met en scène 24h/24...et on voit les autres faire pareil, d'ailleurs, ceci pour pouvoir... se vendre...

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