Nous avons accompagné Pellissier
au cimetière d’Allemont ce premier mars 2016.
Il avait écrit en juin 2003 :
« L’orage ici
c’est d’abord un peu de vent soudain que l’on ne sent pas
mais que l’on voit
courir à la cime des touffes de frênes qu’il courbe.
Et le ciel qui noircit
sur le massif des Rousses.
C’est dans ce noir que
roulent les premiers grognements du tonnerre.
C’est loin encore et,
pour un peu, ça s’arrêterait là.
Ma tante disait :
« c’est là que ça se plaide ».
Jusqu’au moment où un
vent plus fort et plus fou, désordonné, bouscule en tous sens, les arbres et les
herbes.
Alors le tonnerre
s’emballe et craque à grands coups :
le plaidoyer a tourné
en faveur de l’orage… »
Je prends un autre extrait de cette lettre à la belle
écriture.
« J’écris entre
trois bougies sur un papier d’écolier, le seul que j’ai trouvé ici où je
n’étais pas venu avec la pensée d’écrire. C’est un papier d’enfance, un papier
d’apprentissage, bref un papier comme on n’en fera bientôt plus. Mais lorsqu’il
s’agit de parler autour de la mort, on est toujours un peu à l’école. »
Le maître modeste écrivait ainsi depuis sa montagne
magnifique,
celui qui fut dans les combats anti autoritaires avait une
autorité certaine.
Membre fondateur de « l’école moderne » il portait
aussi l’écho du passé.
Il avait vu les terres du nouveau monde et n’oubliait pas
ses amis depuis son coin au dessus des nuages.
Découvreur familier des bouquinistes, il précédait les
modes,
donnait de la valeur à la simplicité et rehaussait
l’essentiel,
simple, comme on dit de certaines plantes médicinales et des
cœurs discrets.
Curieux de technologie et d’un incorruptible esprit critique
envers les dernières futilités,
conteur magnifique, écrivain trop rare, penseur exigeant,
profond et élémentaire,
il était instituteur.
De ses mains, il faisait chanter la terre, animait des brindilles
et montait des charpentes, des jouets et des maisons, des jardins …
Il faut bien Primo Levi quand toute la fragilité et le poids
du mot « homme » sont contenus dans le titre de son œuvre
majeure « Si c’est un homme », pour situer la hauteur de notre gratitude
d’avoir connu Michel Pellissier qui nous a appris la dignité d’être homme
jusqu’au dernier essoufflement.
« Souviens-toi du
temps
Avant que se fige la
cire :
Chacun de nous porte l’empreinte
De l’ami rencontré en
route.
Dans les bons et les
mauvais jours,
Nous les fous et nous
les sages,
Chacun marqué par
chacun.
Maintenant que le
temps presse,
Que les combats sont
finis,
A vous tous le souhait modeste
Que l’automne soit
long et doux. »
En lien musical : Felix Leclerc. La mort de l’ours, ci dessous: