dimanche 18 octobre 2015

Nobody. Falk Richter Cyril Teste.

Encore du cinéma au théâtre ! Bien mieux : le dispositif avec un montage virtuose en direct, met à égalité cinéma et théâtre et revivifie les expressions artistiques en pleine cohérence avec le sujet.
Il est beaucoup question des apparences, de la communication, tout au long d’une heure et demie très rythmée, éminemment politique. Les caméras au plus près, depuis des emplacements prévus au millimètre, accusent la perte de l’intimité. Les images ne sont pas illustratives.
Les dialogues visent la vérité et les protagonistes débarrassés de toute politesse, de tout sentiment de culpabilité, ne peuvent à leur tour que se montrer sourds au verbiage ambiant, pour survivre. La perte du sentiment d’utilité sociale ne se partage guère, malgré les dispositifs omniprésents appelant au dialogue, elle mine les personnalités au plus profond.
A quoi sers-je ?
La vie d’un groupe humain, confiné dans un espace tellement clean, est passée au scanner, loin de comédies autour de la machine à café, ne manquant cependant pas d’un humour, noir sur blanc, chirurgical.
Au-delà de la vie d’une entreprise de « consulting » c’est la description à peine soulignée de la deshumanisation de toute une société qui a les Macron qu’elle mérite !
Et s’il ne dit pas que des bêtises ce ministre, les consultants de cette pièce-ci, qui s’essayent à la culture comme si c’était un sport, font peur par leur cynisme, leur violence.
Leur vie est vide, nappée de mots des plus porteurs qui  arrivent à nous faire horreur :  implication, équipe, travail…
« Outsources unlimited, Drive permanent, hight speed, case team Meeting, performance ». 
Dans l’open space, le tutoiement obligatoire est obscène, quand aimer ne signifie plus rien, et que la compétition a tout emporté. Alors que la créativité est requise, le conformisme est de mise.
Bien que vus derrière des vitres, et par écran interposés, les comédiens sont étonnants de justesse, à proximité de nos inquiétudes intimes, interrogeant nos avis définitifs et nos solitudes.  
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Je reprends la publication d'articles dans une semaine. 

samedi 17 octobre 2015

6 mois. N° 10. Automne 2015.

300 pages de photographies dont chacune apparait d’autant plus unique que nous sommes recouverts d’images.
Evitant de trop séjourner sous les fourches caudines des perches à selfie, ce semestriel permet de trouver des éléments de réflexion qui vont bien au-delà d’un cadrage ou d’une lumière.
Les photographes en majesté ici nous invitent à la modestie en même temps que se cultivent nos envies de photographier.
Ce numéro comme son cousin XXI le fait avec l’écrit est centré sur un thème principal :
« Un milliard de touristes et moi et moi », en suivant un groupe de chinois visitant l’Europe, lors d’une croisière en bateau parmi les 1500 passagers, ou sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Partout se pose la question de l’image, tout en évitant quelque posture méprisante de la part des auteurs.
Les formats sont variés : quelques images de la vie de Nidaa Badwan enfermée dans sa chambre comme l’est son pays la Palestine, intenses.
Et quoi de plus banal que des  photos d’anniversaire ?  A travers cet évènement chez les riches ou les pauvres, les blonds ou les bouclés, une néerlandaise donne un aperçu excellent de la diversité de son pays.
Shahidul Alam du Bangladesh est mis dans la lumière : un sacré caractère !
Loin des sympathiques pères au foyer suédois
ou des Coréens du Sud qui fréquentent des établissements où l’on simule sa propre mort : «  La mort qui guérit », « l’académie du cercueil »,
voire des élèves d’un LEP au pied des Pyrénées dont un prof chargé de présenter les métiers du bâtiment dans un collège du coin raconte :
« Quand je me suis présenté, les gamins se sont mis à rire »…
Variété, puissance : le quotidien d’un obèse, l’épopée d’un météorologue solitaire près du cercle polaire qui, lorsque le bois de chauffage est venu à manquer a arraché les planches du vieux phare voisin pour les brûler.
La photobiographie de la Pythie, Patti Smith, le souvenir d’une expédition dans l’Everest en 1953 avec Hillary et Norgay le sherpa à présent cité, l’album de famille d’une petite trisomique « vulnérable et sereine » …
«  La photo, c’est l’instinct de chasse sans l’envie de tuer, on traque, on vise et clac ! Au lieu d’un mort on fait un éternel » Chris Marker.

vendredi 16 octobre 2015

Le Postillon. Automne 2015.

J’ai l’honneur de figurer dans le courrier des lecteurs de la saisonnière feuille aux reflets rouges et noirs paraissant dans la cuvette grenobloise, voir ci-dessus, où je me fais ramasser, à la pelle, avec humour, pour mes propos quelque peu solennels extraits d’un article par ailleurs bienveillant que je leur avais consacré :
Ce numéro-ci, au titre alléchant concerne les gangs à Grenoble, mais comme toute presse à sensation, déçoit, quand on a passé l’accroche, bien que l’interview de Paul Weisbuch, ancien juge d’instruction soit fort instructif :
« Un jour en 1984, j’ai organisé une confrontation, dans mon bureau avec un « beau mec » [surnom donné aux gangsters et membre de la pègre], un maghrébin qui avait provoqué les Maldera. Il avait une main menottée à un gendarme. Quelques bouteilles traînaient sur une table du bureau et tout d’un coup, il a cassé l’une d’elles et m’a passé un tesson de bouteille sous le cou. Puis il s’est pris pour Spaggiari et a sauté par la fenêtre, toujours attaché au gendarme »
Sur le thème de la sécurité, cette évocation du temps passé des Italo Grenoblois constituait un angle intéressant, mais le  traitement concernant les temps présents est vraiment  timide et partiel.
Dans leur domaine privilégié : une fois les obsessions anti technologies mises à distance, leur esprit critique est bienvenu qui brocarde les connections envahissantes jusqu’en pleine nature, alors que même les managers digitaux s’émeuvent de cette omniprésence des écrans.
En écolos mutins, ils sont dans leur rôle en pointant les contradictions du Centre culturel scientifique technique et industriel (CCSTI) de la Casemate lorsque les animateurs préparent une exposition sur le réchauffement climatique à coup de réalité virtuelle. Par ailleurs leur échange avec un certain Confesson du Parti de Gauche est piquant.
L’article concernant Clinatec (centre de recherche autour du cerveau) intéressant quoiqu’anecdotique parfois, est pollué par un dessin ambigüe où le professeur Benabib visant  parait-il le Nobel pourrait se sentir froissé.
Les rédacteurs persistent à s’adosser au Dauphiné Libéré, qu’ils ne cessent de nommer Daubé, ce qui les empêche d’élargir leur lectorat et d’être pris au sérieux par ceux auprès desquels ils pourraient recueillir des renseignements. Pourtant leurs démarches à intentions provocatrices sont souvent novatrices.
Lorsqu’ils établissent le portrait chinois de nos importants politiques locaux, les archéos anars retrouvent des accents de leur modèle Charlie :
Destot en Tour Perret, et Safar en Mac Do Comboire ne permettent pas d’établir que le « Postillon » est un organe de la droite selon l’adage facile qui fait se rencontrer les extrêmes :
« Mathieu Chamussy : la Porte de France.
Ça fait longtemps qu’elle est là, mais il faut se rendre à l’évidence : on ne l’utilise jamais. »
Quand ils traitent des migrants à la rue dans «  La défaite des voisins », il n’y a pas de flou, ils sont du côté des réprouvés et  de ceux qui ont la solidarité au cœur, en donnant la parole à des militants sans frontières.
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Le dessin politique de la semaine vient de Jordanie de Emad Hajjaj copié dans « Courrier international »

jeudi 15 octobre 2015

« Just around midnight ». Alter art

Jusqu’au 1° novembre la galerie du  75 rue Saint Laurent à Grenoble propose une exposition originale de Christian Dell’Ova.
Le titre laisse entendre l’influence de la musique sur les réalisations d’un instit’ de Saint Martin le Vinoux, mais nous sommes vraiment aux antipodes des clichés insupportables du «  collier de nouilles » accolés à toute production de l’école et de ceux qui y travaillent.
L’artiste se réapproprie par le collage des icônes de la culture musicale techno, électro, avec des stickers, flyers, affiches, récoltés dans les nuits des villes et de leurs clubs à Berlin ou Barcelone...
Ses « remix » pêchus confrontent des univers, et inventent de nouvelles formes dynamiques.
Le plasticien livre des toiles cohérentes, bien rythmées et des installations inventives où un téléviseur éclaire de sa neige des images poétiques sur plexiglas.
Une vitre de flipper s’enchâsse dans un autel pour de nouvelles dévotions.
Les pixels répondent à la trame d’un tapis ou à l’élégance d’un tulle, évoquent Roy Lichtenstein ou d’autres figures de l’art récent qui l’ont nourri, sans qu’il se pousse du coude, tout en présentant un parcours vu nulle part ailleurs.

mercredi 14 octobre 2015

Carrare.

En bord de mer Ligure sur les flancs des alpes Apuanes, à Carrare nous allons à la racine de notre mot « carrière », il y en a 150  où se « cultive » le marbre.
Le paysage grandiose est marqué par l’activité des hommes qui ont tiré de la montagne le plus pur des marbres, non pas ici depuis l’antiquité, mais depuis le XII° siècle pour les cathédrales toscanes.
Un émouvant musée à ciel ouvert est situé à l’endroit où l’on prend le mini bus pour pénétrer dans la montagne ou bien  un 4X4 pour sillonner les chantiers à l’extérieur. Il permet d’avoir une idée du travail titanesque des carriers.
Si aujourd’hui le sciage avance de 20 cm par heure par l’action d’un fil diamanté, du temps des scies à la main, j’ai retenu une avancée de 7 cm par jour ! Mais j’ai peur d’avoir mal compris tant cette patience infinie me parait incroyable en regard d’une dépense d’énergie folle.
Du temps des premières photographies, le transport s’effectuait avec des bœufs après une descente sur des troncs d’arbre. La chute des plaques s’effectue toujours sur des gravats et le système des coins reste à l’ordre du jour. 
L’extraction de tant de blocs gigantesques ont fait naître des cathédrales grandioses dans ces caves majestueuses.
La ville au pied des montagnes poudrées compte plus de 65 000 habitants, sa place Sacco et Vanzetti témoigne d’une identité anarchiste. De nombreuses sculptures occupent les places,  et une biennale propose des œuvres contemporaines chaque année paire.
Nous avons pu jeter un coup d’œil aux ateliers Nicoli et ce que nous avons découvert était d’autant plus étonnant que c’était jour de fermeture. Les formes anciennes sont en train de renaître, des ébauches contemporaines stationnent dehors, un monde minéral s’étend sous les verrières où le temps semble suspendu.

mardi 13 octobre 2015

… à la folie. Sylvain Ricard & James

Un homme et une femme se rencontrent, s’aiment et continuent à parler en ces termes, même après la première baffe du mari installant une violence qui ira en augmentant.
L’amie compatit, mais ne peut aider, le médecin prescrit des antidouleurs, le psy des antidépresseurs, la mère dit :
«  On ne divorce pas chez nous ».
Chronique au sein d’un couple comme tant d’autres, où la femme ne travaille pas et pense surtout au confort de son mari, stressé par un emploi auquel il se consacre avec zèle.
Le choix de la représentation de cette histoire d’une famille par des  animaux bonhommes est bien vu.
Le drame aux couleurs sépia est traité avec efficacité : tout est explicite, clair, sans fausse pudeur. Le récit parallèle des deux « interlocuteurs » montre l’agrandissement du fossé entre eux, en évitant le Grand Guignol mais avec une force d’autant plus évidente que le décor est familier.
Les fables de La Fontaine mettant en scène des animaux vont à l’universel, ces chiens à bonne tête ne vérifient pas l’adage voyant un animal qui sommeillerait en l’homme pour dire la sauvagerie.
Les chiens mordent-ils leur chienne ?

lundi 12 octobre 2015

Much Loved. Nabil Ayouch.


L’interdiction de projection du film au Maroc constituait une incitation, bien que la réalité de la prostitution soit universelle. Le film estimable est sans surprise. Je m’attendais à une description sordide et certaines scènes violentes sont dans ce registre, mais la rude solidarité entre les quatre prostituées, évite une vision désespérante.
Des moments aux allures de fête alternent avec des vues nocturnes de rues misérables de Marrakech. La limousine finale est surdimensionnée et les retrouvailles des femmes un peu insistantes, mais jamais une image  n’est trop pittoresque.
L’énergie, la beauté des femmes, leurs rêves, et la bienveillance de leur chauffeur humanisent ce film où c’est le pognon qui est obscène.  
Une occasion de se souvenir d’un autre film marocain remarquable
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/02/sur-la-planche-leila-kilani.html