mardi 23 septembre 2014

Rural ! Etienne Davodeau.

BD bio et Confédération Paysanne : l’auteur du remarquable album « Les mauvaises gens » se met en scène avec trois agriculteurs d’un GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) du Maine et Loire ; c’est instructif, tonique et honnête. La préface est signée  José Bové :
«Ces paysans ne sont pas des illuminés nostalgiques des belles campagnes d’autrefois. Ils ont les pieds sur terre, citoyens de la Terre, dans le plus noble sens civique que leur pratique quotidienne ne galvaude pas.»
Il est question d’une autoroute zigzaguant parmi les intérêts des plus puissants, il ampute l’exploitation laitière des dynamiques travailleurs de la terre mais ne les conduit pas à se morfondre. Leur mise en œuvre d’une certaine éthique est passionnante quand humour et pragmatisme  se rencontrent.
Une vache était morte sur le quai de traite; quelques coups  de masse furent nécessaires pour pratiquer une ouverture dans le mur et faire sortir la bête, la porte était trop étroite.
Sous titré « chronique d’une collision politique » l’épaisseur humaine des protagonistes donne de la crédibilité à un combat qui ne s’en tient pas à la théorie ou à la préservation de son coin de jardin (NIMBY : Not In My Back Yard). La finesse de l’auteur décrite sur ce blog  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/05/quelques-jours-avec-un-menteur-etienne.html le rend efficace et cette production datant déjà de 2001 laisse espérer du fort bon en 2015  avec « Cher pays de notre enfance » traitant des coulisses de la Ve République dans les années 70.

lundi 22 septembre 2014

Jimmy’s hall. Ken Loach.

En ces temps où bien des valeurs de gauche sont mises à mal, le film de ce bon vieux Ken le rouge est salutaire. Même si c’est autour des années 30 qu’il faut aller chercher les raisons de se retrouver dans un combat évident de la jeunesse contre les rassis, des petits contre les riches, de la liberté contre l’église, quoique ici et maintenant les obscurantistes, les fascistes envahissent notre présent et annoncent des futurs sombres pareils à ceux qui préparaient une guerre de plus.
Le souci de ne pas caricaturer les personnages les rend crédibles d’autant plus que cette histoire est vraie. Dans le dancing à Jimmy arrive un gramophone, on y danse, on y dessine, on y boxe, on discute de poésie et des liens se tissent qui empêchent une expulsion, les mots se trouvent pour convaincre et avancer en humanité. Le décor Irlandais inspire de belles lumières et tout militant de l’éducation populaire peut retrouver ses enthousiasmes nés dans des maisons de jeunes qui ne délivraient pas alors des services à des clients passifs mais construisaient à partir des loisirs les conditions pour se cultiver.

dimanche 21 septembre 2014

Défilé de la biennale de la danse 2014. Lyon.

J’ai regretté de ne pas avoir assisté au final du défilé place Bellecour parce que les images vues sur internet sont impressionnantes.
Le défilé de cette année dont j’avais vu pas mal de versions préalables http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/09/le-defile-ouvre-la-biennale-de-la-danse.html  jusqu’à ce dixième anniversaire, était encore très fort.
La formule anniversaire ne pousse en principe guère vers la nouveauté mais plutôt vers l’évocation à connotation nostalgique, pourtant l’assortiment d’images familières et de nouveautés a bien convenu à mes sens blasés pour cette dixième édition.
Certes l’inspiration brésilienne est  fondatrice mais les sons hip hop et électro ont colonisé toutes les troupes venues de la région Rhônes Alpes.
300 turinois sont venus renforcer les MJ lyonnaises autour de marionnettes, pièces identitaires par ici, bien accordées à l’évocation d’ « honorables délégations » gratinées.
Il parait que c’est  devenu également une spécialité lyonnaise d’associer d’une façon aussi massive amateurs et professionnels  autour de la danse.
Et pour jouer avec les costumes, les rythmes parmi quinze groupes qui mélangent toujours vieilles et jeunes, maigres et gros : quand on a dix ans, l’esprit d’enfance est là bien sûr, et le charivari coloré joyeux va de soi.  
Mais derrière un globe terrestre aux couleurs chatoyantes, j’ai perçu quelque gravité avec certaines évocations. Sous les fumées qui appartiennent de plus en plus  aux  spectacles, des voiles recouvrent quelques visages, et si les masques de la mort sont encore ludiques, Chaplin lui-même pointe sa canne vers «  nos faiblesses et nos illusions ».

samedi 20 septembre 2014

Opération Sweet Tooth. Ian McEwan.

et malgré le genre espionnage qui aurait pu me rebuter, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire son douzième roman.
Nous revenons dans les années 70 entre Brithon et Londres quand la littérature avait son rôle à jouer au temps de la guerre froide. Au-delà des sinuosités du M15, le service d’espionnage  britannique, l’habile construction du roman, ses personnages principaux, l’intrigue qui tourne autour du mensonge et de la divulgation, tout renvoie à une réflexion sur l’écriture, son économie, sa puissance et ses impuissances.
« Quatre quatrains aux vers brefs. Un train marque un arrêt inhabituel dans une petite gare perdue, personne ne monte ni ne descend, quelqu’un tousse, un oiseau chante, il fait chaud, il y a des fleurs et des arbres, du foin qui sèche, et encore des oiseaux. C’était tout. « 
 Quelques lignes plus loin, plus qu’une explication de texte, la vie prend plus de saveur :
« … le caractère arbitraire de cet arrêt, la sensation de l’existence à l’état pur, d’être suspendu dans l’espace et le temps, juste avant une guerre cataclysmique. »
Je tournai la tête vers lui et ses lèvres effleurèrent les miennes. « Ce poème ne parle pas de la guerre » dis-je très doucement. »
En 436 pages aux dialogues ciselés, nous sommes en empathie avec Serena la jolie espionne en apprentissage et suivons ses évolutions.
« Voilà le luxe de l’homme bien nourri : railler tout espoir de progrès pour le reste de l’humanité. T.H. Halley (c’est le nom de l’écrivain que Serena doit appâter) ne devait rien au monde qui l’avait élevé avec bienveillance, instruit gratuitement et avec tolérance, lui avait épargné la guerre, l’avait amené à l’âge adulte sans rituels effrayants ni famines, ni dieux vengeurs à redouter, et le gratifiait avant la trentaine d’une allocation généreuse, mais ne limitait en rien sa liberté d’expression. Il s’agissait d’un nihilisme facile qui ne doutait jamais de la nullité  de ce que nous avions produit, ne proposait jamais de solutions de rechange, ne trouvait jamais dans l’amitié, l’amour, la liberté des échanges, l’industrie, la technologie, le commerce, tous les arts et les sciences, la moindre raison d’espérer. »
Nous nous laissons manipuler par le narrateur entre fiction et banalité, inspiré par son propre métier, il boucle brillamment son roman : des protagonistes oubliés réapparaissent, nous avons pu apprécier des nouvelles et leurs critiques qu’il insère dans quelques tiroirs, et toujours l’humour nous accompagne.

vendredi 19 septembre 2014

Dire Non. Edwy Plenel.

L’amie qui m’avait prêté le livre écrit par le directeur de Médiapart avait souligné la moitié des 175 pages, tant les paroles sont fortes rappelant en ces temps accablés quelques fondamentaux.
J’avais tardé à me plonger dans les mots de celui qui a créé le phénomène politique le plus novateur de ces dernières années, redressant la bannière d’un journalisme flapi et soumis aux airs du temps. Je craignais la rigidité de l’imprécateur dont le titre de cet essai annonçait un positionnement toujours contredisant, chicanant , négatif qui a tendance à lasser à mon âge.
Il n’en est rien, le propos chaleureux se place dans la trajectoire d’un père « breton d’outre-mer » qui fut engagé. Cette fidélité à des valeurs impressionne lorsque quelques paresseux accommodements reviennent nous déranger.
Prophétique en 83, il écrivait : « …que révèle M. Le Pen de l’état de la France, de l’ampleur de sa crise, du délitement de son corps social ? » Nous n’avons pas avancé.
Il revient sur à la triade issue de lumières : « liberté, égalité, fraternité », à laquelle s’opposent « hiérarchie, égoïsme et force », les marqueurs de ceux qui entendent déterminer et immobiliser les femmes et les hommes, les asservir sous la fatalité.
Ses références à Gramsci, Jaurès, Glissant… ne sont pas des postures, mais au service d’une pensée cohérente, où la critique des institutions de la V° république ne touchent pas à la forme mais à l’origine de toutes les dérives de tous les archaïsmes de notre vie politique.
Il cite Paul Alliès jugeant la Ve République anachronique, exotique et adémocratique.
« Anachronique, elle l’est de par les conditions de sa naissance, quand la France était encore un empire colonial et méconnaissait la communauté européenne. Elle a conservé la nécessité d’un homme fort à sa tête, reproduisant les traits du bonapartisme dans l’effondrement d’un régime d’assemblée. Et elle est aujourd’hui en complète rupture avec la société de la connaissance, de l’horizontalité des réseaux sociaux, de l’interactivité des groupes et des individus ; si bien que la figure du président devient improbable que ce soit dans son hystérisation ou sa banalisation. Exotique, elle l’est tout autant puisque la France est le seul régime en Europe à pratiquer un tel présidentialisme où «l’absence de morale, le climat de complaisance ou de complicité, de résignation est au principe de ce régime où les institutions sont confisquées par un souverain unipersonnel et sa bureaucratie» (Pierre Mendès France, 1974).
Adémocratique elle le reste tellement elle repose sur l’irresponsabilité générale, politique et pénale d’un chef de l’Etat qui gouverne sans avoir à rendre des comptes et qui contamine ainsi tous les niveaux jusqu’à la périphérie, celle des exécutifs locaux.
Son développement concernant le passé colonial de la France, ne revient pas sur l’excuse trop facile du mal développement des anciens pays asservis, mais ce qu’il induit de notre rapport au monde et il rappelle :
« Je dis souvent que notre France est d'origine étrangère... Je m'explique ! Savez-vous qu'au 31 juillet 1943, sur l'ensemble des Forces Françaises Libres - je parle donc de la deuxième guerre - on comptait 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires - la plupart étrangers - et seulement 18% de Français de souche ? (selon les termes de l'époque qui font hélas retour !). »  
………….
Dans le Canard de cette semaine : « L’assemblée a voté en doute confiance » ce dessin :

jeudi 18 septembre 2014

Kurar à la galerie Nunc.

Les choix de la galerie au 7 de la rue de Génissieu à Grenoble ont trouvé leur public : il y avait du monde au vernissage de l’exposition qui se tiendra jusqu’au 25 octobre.
Moins cérébral que bien des lieux consacrés à l’art contemporain, si les termes du projet de « la gallery » n’échappent pas à l’anglais langage, « la monstration » actuelle ne manque pas de charme comme la vive directrice des lieux qui a l'oeil.
L’artiste dit Kurar est french mais les titres  sont écrits dans le dialecte de Banksy auquel il est bien difficile de ne pas penser. Les pochoirs amusants de l’insaisissable maître du street art http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/banksy-humour-et-murs-gilbert-croue.html  se renouvellent sans cesse. Ici le report sur toile de thèmes percutants lorsqu’ils sont délivrés en direct des murs, affadit leur message.
L’enfance innocente représentée face aux armes,  face à la nocive société de consommation et ses robots, ses écrans : on a déjà vu ça quelque part.
Le rendu est agréable, et j’aime souvent les photos en noir et blanc d'où émergent quelques couleurs , mais il se trouve que la joliesse entrave parfois l’intention contestataire : ainsi les images du visage du Che lui-même  ont dérivé en produits.

mercredi 17 septembre 2014

Iran 2014. J1. Lyon-Istanbul-Shiraz.

Partis à 8h 30 de Grenoble, ce dimanche 20 juillet, nous arrivons suffisamment tôt pour éviter la queue au comptoir de la Turkish Airways à Satolas. Comme il faut un certain temps pour régler les formalités, nous prenons rapidement un café et pouvons embarquer dans l’avion à 11h30.  Et il faudra plus d’une heure encore avant qu’on s’élance dans les airs, à regarder la pluie tambouriner sur le tarmac. Nous survolons Turin, l’Adriatique, la Croatie après avoir laissé la mer de nuages derrière nous.
Nous arrivons à 17h à l’aéroport d’Istanbul regorgeant de boutiques en duty free, où une foule cosmopolite circule en tous sens et en toutes tenues : du short à « la boite aux lettres ».  Premiers contacts chaleureux dans la zone d’attente avec deux iraniennes qui nous abordent l’une après l’autre en anglais avec beaucoup de courtoisie et de bienveillance.
Nous quittons Istanbul à 21h 40. Les avions décollent à la chaîne et nous découvrons la mégapole stambouliote dans son immensité : la nuit est féérique.
Les écrans de l’avion annoncent un décalage horaire en Iran de 1h 30 avec la Turquie (2h 30 avec la France).  Désormais plus aucun alcool n’est servi.Peu de touristes ont pris place dans ce vol, les autochtones repoussent le moment de se recouvrir du voile.
Nous débarquons à Shiraz vers les 2h 30, heure locale, avec notre foulard, nous nous soumettons aux formalités douanières, récupérons nos bagages. C. ouvre son sac pour que les autorités vérifient avec bonhommie que sa gourde ne comporte aucun liquide illicite. Nous repérons facilement dans ce petit aéroport provincial, une grande femme qui tient un panneau Tamera : ce sera notre guide, Haleh.
Dehors la température chaude reste néanmoins supportable et nous trainons nos sacs jusqu’au mini bus dans lequel nous attend Ali, notre chauffeur pour ce séjour. Malgré l’heure tardive, les gens circulent, prennent le frais, des estancos attendent le client nocturne qui se restaure en ces temps de ramadan. Nous stoppons au Tahar Hôtel, prenons possession de nos chambres climatisées où une flèche au plafond indique la direction de la Mecque, un Coran est posé sur la table de nuit.