Aux amis du musée de Grenoble, Thierry Zéphir responsable du Musée Guimet, un des lieux de présentation essentiel de l’art asiatique, a donné une conférence concernant Angkor la capitale pendant six siècles de l’empire Khmer.
Celui-ci allait au-delà du Cambodge, au Sud du Viet Nam, comprenait une partie du Laos, de
la Thaïlande et de la Birmanie.
Si les cours royales ont
changé d’emplacement, elles sont restées
à proximité de la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est :
le lac de Tonlé Sap dont les eaux se déversent dans le Mékong. Au moment de la
fonte des neiges himalayennes le sens des eaux s’inverse et le lac multiplie sa
surface par trois, voire sept dans certains documents !
Dans cette aire riche de populations différentes, l’influence
de l’Inde marchande est très marquée et les religions hindouistes et bouddhistes
vont se mêler en toute tolérance.
Même si une occupation humaine est attestée dès la
préhistoire, plus aucune trace des demeures végétales des mortels, par contre des
habitats pérennes réservés aux divinités se découvrent encore.
Dès le VIII e siècle, un temple abritant la
divinité protectrice Shiva préfigure les constructions qui vont se multiplier à
partir du règne de Jayavarman II.
Les temples-montagnes
honorent les divinités protectrices à Prè Rup au X° siècle,
Baphuon au XIe,
Angkor Vatt, le plus vaste monument religieux au monde, au XIIe jusqu’au Bayon au XIIIe : de Vishnou à Bouddha.
Les toitures avec de
faux étages de forme pyramidale donnent des airs montagneux aux constructions
qui se devaient de reproduire les lieux familiers aux divinités.
Les architectures de plus en plus complexes reproduisent le
mont Meru, demeure des dieux, les enceintes concentriques alternent avec des
douves réservoirs qui servent à redistribuer l’eau.
Des systèmes sophistiqués d’irrigation permettront plusieurs
récoltes de riz dans l’année. La perte
de la maitrise de l’eau expliquerait le déclin encore mystérieux de cette
civilisation.
Après la brique, le grès permet la finesse des motifs et le
sable compacté la solidité des édifices, même si les pierres ne sont pas
jointoyées.
Une végétation
envahissante, les pluies violentes de la mousson, le soleil accablant de la
saison sèche, des pillages, mettent à mal ce patrimoine mondial.
Les lingas, phallus en érection, symbolisent Shiva dont la
représentation sous forme anthropomorphe est aussi très fréquente. D’après les écritures il
pouvait prendre 1008 noms : le personnage complexe est multiple.
Les statues distantes, non individualisées, portent une
éternelle jeunesse ; au bout de chacun des quatre bras de Vishnou, un disque,
une conque marine, une massue, un lotus.
Quand les commandes ne sont pas royales, l’art khmer fait
valoir encore plus son esprit dans des décors exubérants et variés. Des bas
reliefs très vivants peuvent compter
jusqu’à 11 plans différents sur quelques centimètres d’épaisseur.
Parmi les gardiens qui encadrent pour l’éternité les entrées
des sanctuaires, la coiffure permet de distinguer les bienveillants, des
farouches : les uns avec un chignon bien cylindrique face à des chevelures
en désordre au dessus d’yeux exorbités.
Une accumulation de noms de rois, de lieux ne dit rien quand
il faut sur place plusieurs jours pour aborder cette civilisation, voir sur ce
blog quelques "messages anciens" dans la rubrique voyages, sinon se remémorer d’immenses visages énigmatiques, dont la beauté ne
reproduit pas celle d’un modèle humain, la multiplication des temples qui se
juxtaposent puisqu’une fois sacralisés, ils ne peuvent être désacralisés, de
belles histoires comme le mythe premier de l’hindouisme quand les dieux et les
démons tirent sur un serpent et barattent la mer de lait, et qu’un élixir d’immortalité en advient.