Bien que Jean Clottes, le conférencier aux amis du musée, directeur de la grotte Chauvet, préfère des termes moins connotés que celui d’artiste, la beauté des travaux de nos ancêtres est saisissante.
Ces œuvres préhistoriques, découvertes dans des grottes
profondes, des abris ou à l’extérieur sont situées essentiellement en France et
en Espagne, dans l’Oural et en Roumanie, elles comptent leurs 35 000 ans d’âge. En Afrique du sud
ont été retrouvées des coquilles d’autruche décorées datant de 60 000 ans.
Des animaux sont représentés surtout des grandes espèces,
mais pas forcément ceux qui sont chassés, ni obligatoirement présents à
proximité. Les biches abondantes dans
les représentations en Espagne sont sans doute des animaux possédant des
pouvoirs.
Des nuages de points, des traits les accompagnent ; nous
y voyons des figures géométriques comme un enfant d’aujourd’hui ne verrait que
le croisement de deux traits dans une croix dépourvue de tout sens symbolique.
Les dessins d’humains sont rares et non naturalistes, les
femmes ont des petites têtes avec des attributs sexuels mis en évidence, les
enfants sont bien plus rares que des créatures composites aux bois de cerf, aux
pattes de lion.
Les mains au nombre varié de doigts seraient des marques
propitiatoires (qui permettent d’attirer les faveurs des dieux).
Les exécutants les plus habiles ont suivi des enseignements
et la variété des techniques en gravure, peinture, modelage, sculpture est impressionnante,
ils s’adaptent aux supports. Souvent les tracés
complètent des reliefs naturels, les animaux semblent prêts à sortir des noires
profondeurs.
Commencé en noir du
bout d’une torche le trait se grave plus loin dans la roche tendre.
Le moyen duc tracé au doigt dans la pellicule argileuse a
tourné sa tête pour nous suivre.
La magie de la chasse n’explique pas uniquement la profusion
des représentations animales sur les 400 sites européens. 150 mammouths sont recensés
à Rouffignac, les animaux totems ne sont pas tués, ce sont des mythes, des
acteurs d’histoires sacrées.
En ces temps stables les religions n’évoluaient pas.
Le spécialiste de l'art
préhistorique du Paléolithique recherche vers les rites chamaniques pour
expliquer la présence de tels ornements
dans ces cavernes.
Les pratiquants entreprennent un
voyage vers un monde surnaturel ou reçoivent la visite d’un esprit. Les univers,
à leurs yeux, sont fluides, perméables.
Dans la foule des anecdotes que
le conférencier, plongeur émérite (il lui
fallait ce diplôme de plus pour accéder à la fabuleuse grotte Cosquer à Cassis) :
celle concernant des peintures anciennes
dans une zone tribale indienne recouvertes par le texte de la charte de l’ONU,
nous scie les pattes.
Nous effleurons les vertiges du
temps : le sanctuaire à 35 m sous le niveau de la mer méditerranée était à
200 m du bord, aujourd’hui il est inaccessible au public, ce qui en subsiste
sera englouti : la planète se réchauffe.
En complément... le film de Herzog (sur Chauvet) dont je ne me souviens pas du titre sur le coup, tente de nous amener à percevoir cet.. art... (et oui, pourquoi rechigner à qualifier d'art ce que nos ancêtres ont fait de leurs mains ?) en nous déstabilisant pour éclater notre confort et nos certitudes de modernes.
RépondreSupprimerFilm en 3D, pour mieux explorer le relief des peintures.
Question à méditer... qui est plus civilisé, celui capable de créer un art sophistiqué qui coupe le souffle, au Paléolithique, ou... celui qui tague les souterrains de Grenoble, à l'époque des soi-disant modernes...?
Vertigineux comme la perspective peut changer le regard sur "la chose"...
D'une certaine perspective la régression continue...