Au risque de taquiner le professeur Brunet, notre guide, je
n’hésite pas, dès qu’il y a occasion à jeu de mots : « pour la mort de la peinture, avec Cognée vous repasserez ! »
En effet la révélation des œuvres du quinquagénaire natif de
Nantes s’effectue après l’application d’un fer à repasser sur un plastique sous
lequel les couleurs vont fondre, le fusain s’écraser, donner des effets
d’arrachement, de brouillage qui enrichissent la variété des textures.
Les commentaires sur l’art contemporain se contentent
parfois de décrire seulement les matériaux, les formats : le plus émouvant
des portraits n’est plus qu’une couche d’acrylique.
Cependant c’est intéressant de savoir qu’une certaine
utilisation des pigments, des cires, n’est pas étrangère aux séjours en Afrique
de l’artiste qui expose une centaine
d‘œuvres jusqu’au 3 février 2013.
Les tableaux dans la série des carcasses qui occupent une
salle entière du musée de la place Lavalette sont du même format que Le bœuf écorché de Rembrandt. Cette
information illustre la tendance de l’art d’aujourd’hui à se référer au passé
avec par ailleurs des retours aux origines du côté de Courbet, Richter.
Le blanc domine et participe à une dématérialisation qui
n’aboutit pas à la disparition de la représentation, celle-ci transfigure le réel, nous interroge et nous
séduit.
Les vanités de Cognée, ses têtes de morts aux couleurs
flashy ont des allures de papier peint, mais les références joyeuses au Mexique disparaissent
sous nos souvenirs de charniers.
Son regard sur les grands ensembles, les super marchés
déserts, les routes vides, ses recherches avec Google Earth nous intéressent,
la géométrie a du beau.
Sa Médina est animée, et il avait aimé le brouhaha qui entourait la vaste toile au moment de son accrochage au
« Bon marché ».
Ce n’est qu’après avoir pris le temps de se mettre en face d’un autre grand tableau que les occupants d’un gymnase
au moment d’une tornade apparaissent.
Le peintre se voit en chien et joue avec les photographies de son quotidien qu’il
recouvre de peinture, accumule agréablement les petits formats.
Quand un congélateur, une baignoire, des baraques de
chantier deviennent des objets à regarder,
c’est que l’artiste est fort.
Ses paysages sans perspective sont ceux que l’on croise
derrière les vitres du train et ses champs de colza me parlent.
J’ai aimé ses tables après l’anniversaire du père ou ses
draps d’un lit défait.
Devant un mur doré, des ordures s’ordonnent comme au théâtre.
Les sachets plastiques dans un arbre en Inde l’ont appelé alors que souvent il trouve dans
la nature seulement ce qu’il va
chercher.
Dans une bibliothèque rouge sang la couleur devient le sujet
principal.
Chacune des toiles porte des contradictions : beauté/ laideur,
gris/ couleurs, construction/ destruction, désert/ foule, froideur/ émotion, la
nature/ la ville, instantané/ toujours, humour/ mort, loin/ près, petit / grand…
Mon plaisir lors de cette présentation excitante, inondée de
lumière, fut sans mélange.