mardi 24 novembre 2009

Extravagante pugnacité de l’être.

Au-dessus du miroir aux alouettes qu’est mon P.C. j’ai affiché la phrase signée Valéry Paul :
« L’espérance est la résistance de l’être devant les prévisions de son esprit ».
Voilà une pensée qui me nourrit.
Quand je me suis rendue au service de réanimation à l’hôpital Nord, je me suis perdue sans coup férir entre les niveaux, les services. J’ai tourné de vestibules en coursives. Oubliée en un vaisseau fantôme, je ne parvenais plus à lire les écriteaux. Aveugle, je demande ma route à d’autres égarés parlant vite et bas, me désignant des directions que cassent d’imprévisibles bifurcations. Dans ce Château, je n’étais pas prête pour autant à reprendre le chemin de la sortie puisque ce chemin de toute façon je l’avais perdu aussi. Par ces tunnels, ces couloirs insensibles je devais rejoindre l’armée des soignants, des blessés. Trouver la chambre d’Y. accidenté en Chartreuse. Sans carte, sans cailloux blancs, sans fil providentiel, à un moment j’ai appelé : « Il y a quelqu’un ? »
Je tendais l’oreille mais n’entendais que des aboiements, des grincements de poulies, des chuintements, des échos de fonds de ravins ! Et puis un barbu, poussant un chariot de bonbonnes m’a dit : « Au fond à droite… » avant de disparaître dans un autre labyrinthe. Au fond à droite nul Cerbère, juste l’équipe de déminage en blouses vertes.
Enfile cette blouse, ce bonnet, lave-toi les mains, tu peux pisser avant si tu en as besoin… J’en avais besoin. Pas plus de deux personnes à la fois dans la salle de réa. Quand Jo va sortir, nous pourrons entrer. Jo est sorti et nous sommes entrées dans un sombre sapin de Noël. Chambre noire et dans ce noir les yeux clignotants d’une dizaine de robots, leurs âmes à nu sur des moniteurs opalescents. Ce bruit de soufflerie, régulier, trop régulier pour être humain. Ce tube dans une bouche, paille géante pour aspirer l’air. La bouche meurtrie de Y. Sous le drap le corps figé de Y. Une machine fait le boulot pour qu’il respire, le vieux copain. De part et d’autre du lit nous tenons ses mains. Il ne peut parler, nous nous regardons.
Les larmes viennent, les larmes viennent quand il n’y a pas d’autre recours. Les larmes chassent les images, les larmes sont réelles. Les larmes sont bonnes. Pleurer nous abreuve. « Le ciel, son soleil et ses étoiles sont pour toi, vieux frère, tu les retrouveras bientôt. » Y. approuve avec ses mains qu’il serre dans les nôtres. De temps en temps nous tentons des interprétations qu’il valide ou invalide à coups de paupières. Conversation lente, lenteur de ce qui s’élabore dans la vie en péril quand elle s’obstine à vivre.
A. essuie les larmes de son mari. J’assiste à une transfusion d’amour entre ces deux là.
Les miroirs et notre peur de mourir, volent en éclats. Terrain déminé.
Clémence Psyché

lundi 23 novembre 2009

Irène d’Alain Cavalier

Film clivant. Celle, avec qui je partage l’ordinateur et quelques places de cinéma, était vraiment contrariée de ce déballage impudique et geignard.
Moi, j’ai bien aimé la recherche de l’aimée disparue, ce petit tour hésitant dans la mémoire, sincère et émouvant.Nous sommes bien fragiles et dérisoires avec nos appareils à produire des images, pour une quête impossible comme si la vie, la vérité pouvaient durer. J’aime croire que les objets sont dociles parfois, qu’ils entrent dans le cadre, mais les mots « refroidissent » et l’écran à la fin est noir. Il ne peut en être autrement au bout de ce film singulier qui va bien au-delà des catégories habituelles pour éprouver notre honnêteté et notre capacité à aborder la nouveauté.

dimanche 22 novembre 2009

La fabbrica

Pourquoi, quand il est question de représentation de la classe ouvrière, faut-il que les artistes empruntent la voie du conte ? Celui qui sert les hauts- fourneaux serait-il devenu aussi mythique que le bûcheron à son Poucet ? Est-il condamné à faire de la figuration en fond d’écran pour président en tournée en province ?
Bref, pour cette création d’Ascanio Celestini, il y avait des éclairages de théâtre, des dispositifs scéniques, des voix héritières de Giovanna Marini, toujours perçantes et crues, mais de dialogue : point.
La légende des trois âges de la classe ouvrière quand les ouvriers étaient des géants, des aristos et aujourd’hui des estropiés paraît quelque peu statique sur une heure quarante. Le spectacle m’a semblé dévoré par son sujet comme les installations aujourd’hui démontées, où comme pour Assunta, les secrets seraient –ils tellement indicibles ? Les métaphores laborieuses ne nous éclairent pas et la tonalité vaguement nostalgique ne prend pas plus.
La lettre qui sert de fil conducteur aux trois générations de Fausto est encore à écrire pour que les chants à la gloire de l’espoir socialiste ne sonnent pas dérisoires à ce point... mais ce n’est pas que l’ affaire de metteur en scène Charles Tordjman.

samedi 21 novembre 2009

Titi et Titine

Au delà du jeu de sons, rapprocher le capitaine de l’équipe de France de foot et la secrétaire nationale du PS, sera familier aux habitués des cliquetis échappés des machines à informer.
Ce que je sais du parti auquel j’ai adhéré, il n’y a guère, me désole. Les querelles du haut se dupliquent en bas où l’esprit de cour vaut pour esprit de corps, où flatter des conservatismes n’apaise même pas les détresses idéologiques. La place est libre pour ceux qui ont su surfer sur le vague Dany en répondant au besoin de renouvellement de la politique, tout en portant des questions urgentes. A Dijon, bien des commentateurs ont regretté que les problèmes d’éducation qui devaient être traités disparaissent, mais ils ne nous ont pas plus éclairés sur ceux ci. Est-ce que ce sera la dernière péripétie d’une querelle pathétique ? Fra-ter-ni-té.
Mais je vais éviter de continuer à appeler par un diminutif la maire de Lille qui est là à son niveau de compétence comme madame Royal à la région, la familiarité factice des bloggeurs à laquelle je succombe trop volontiers contribue à l’affaissement du niveau des débats politiques.
Mais au moment où je m’apprête à être plus sage, le commentaire d’un blagueur me contraint à moins de révérence : « Alors sur la tricherie d’Henry, Madame Aubry de la fédération du Nord n’a pas de commentaire ? »
En foot, la passion populaire était algérienne ; le terme ne s’applique plus à la politique, mais pas non plus cette fois à l’équipe de France. Les préposés au micro de TF1, pour des raisons économiques, sont restés muets devant le scandale du but qualificatif. Et Thierry Henry, jadis l’élégant accélérateur de nos émotions a entaché pour longtemps sa réputation.
Le diminutif « Titi » ne convient plus non plus, maintenant que « mon Basilou » est lui en tôle. Gros Minet n’en finit pas de perdre l’innocence.
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Dans le Libé titré : « La France au Mondial : c’est pas le pied ». Jacques Attali interviewé dit « Passionnante époque ! Si des ethnologues du XXII° siècle se penchent un jour sur notre temps, ils seront surpris de constater que les gens les mieux payés alors étaient les footballeurs et les traders, les gens du spectacle et de l’assurance, et que certains pouvaient exercer des métiers en pleine gloire, tout en étant parfaitement immoraux ».
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Dans Le Canard Enchaîné : Citation extraite des nouvelles brèves de comptoir de Jean Marie Gourio : « Sarkozy, c’est du beaujolais nouveau, t’as qu’une journée avant le vinaigre. »

vendredi 20 novembre 2009

Le désespoir du peintre, Arthur Bernard

Livre acheté pour son titre qui dit la condition familière de tous ceux qui essaient de traduire une réalité, et aussi du nom d’une fleur forcément décevante avec une telle appellation.
Il y aurait aussi « repentir » qui est riche appliqué à la peinture, et le style du romancier s’applique ici à l’incertitude, à cette recherche tremblée de l’ineffable. Au début de ma lecture j’ai trouvé le parti pris de faire vivre des tableaux, original, puis j’ai avancé par devoir, extérieur aux péripéties d’un récit qui s’apparente à un exercice de style. Sa lecture des tableaux est intéressante : pénétrer dans le regard d’une femme pensive peut nous amener à mieux voyager dans les musées ou avec le métro emprunté par des madones. La précision de la description d’une Madeleine en extase change nos regards. Mais il aurait suffi d’une nouvelle ; l’exercice m’a paru artificiel sur 246 pages aux éditions Champ Vallon.

jeudi 19 novembre 2009

Fernand Léger

Quand dans l’arrière pays cannois, je déplie le cadeau de quelques jours dans l’azur de la côte, je suis au musée Fernand Léger à Biot et c’est l’été qui ne finit pas.
L’été des congés payés de 36, où l’homme indestructible chevauche sa bicyclette en bonne compagnie; il croit au progrès.
L’été des unes de l’Huma Dimanche, où sur ses échafaudages le monde se construit ; il sera rationnel.
C’est toujours satisfaisant quand au-delà d’œuvres reconnaissables entre toutes, en découvrant des œuvres antérieures, se dévoile plus complètement un artiste.
Les commentaires simples et éclairants de ce musée nous font comprendre l’urgence des dessins d’avant guerre, comme tracés à la fenêtre des trains lancés vers le cataclysme.
Pour user et abuser de gros plans en photographie, je me suis régalé au choix du thème « fragments » : « le discontinu, l’abrégé, le fractionné caractérisent à ses yeux la vie moderne ».
Nous sommes passés à l’heure d’hiver et l’humanité ne s’endimanche plus guère.

mercredi 18 novembre 2009

J9 : retour sur Hanoï

Je me lève avant la sonnerie du réveil pour surprendre le soleil qui se pointe, puis me recouche pour le petit déjeuner à 7h30. Le bateau rattaché à la jonque comme un petit rémora à un gros poisson, nous accueille à nouveau et nous nous dirigeons vers une grotte que nous ne pouvons pas traverser complètement avec notre embarcation trop haute de plafond et une marée trop importante. L’eau a pris une couleur émeraude d’une évidence nous avons rarement l’occasion de voir. A côté de la grotte Cam Vao, des hommes en bateau repêchent des déchets à l’épuisette. Nous assistons au levage de l’ancre, intrigués par les cris soudains des mariniers pour rythmer le mouvement et cadencer leurs efforts. La croisière repart. Dans la salle de restaurant, les employés ont installé des souvenirs sur les tables, perles de la baie, nappes… Dehors changement continu de couleurs et de lumières, passage de pluie au soleil. C’est le temps des quatre saisons. Nous contemplons le paysage depuis les passerelles, de la terrasse ou de la salle de restau, au rythme alangui du moteur. Arrivés devant « le pont de Saint Marcellin » c'est-à-dire à l’embarcadère d’Along, vers les 11h du matin, le personnel nous sert un brunch, enfin plutôt un déjeuner copieux qui comprend des frites, des crevettes sautées, du poisson, des calamars, du bœuf à l’ananas, du riz blanc, des légumes émincés blancs et des fruits du dragon. En supplément, nous nous autorisons un café à l’arôme de chocolat. Pendant ce temps nous ne voyons plus le pont effacé dans la brume ; la pluie sous l’effet du vent tombe presque à l’horizontale. Un beau petit grain juste au moment de quitter la jonque. Dernier caprice de la mousson en baie d’Along qui nous retient encore un peu avant le départ. Au retour sur la terre ferme, notre chauffeur est là, sur le quai, il saisit rapidement les bagages que nous n’avons quasiment pas porté depuis longtemps.
Nous roulons vers Hanoï, abandonnons les paysages en pain de sucre, avec des cabanes de pêcheurs hautes sur pattes. Nous renouons avec les grandes étendues de rizières et les usines de briques et de tuiles reconnaissables à leurs hautes cheminées. Le minibus envoie des gerbes d’eau sur les bas côtés, les scooters en sont copieusement douchés. Les trombes d’eau ne sont pas encore écoulées. Manh a programmé deux arrêts d’abord dans une usine de céramique. La terre kaolin et l’argile mixés sont déversés dans des moules, puis les articles démoulés à la sortie d’immenses fours sont peints et émaillés par de charmantes jeunes filles qui blaguent avec notre guide. Dans la boutique attenante, nous choisissons des porte-couteaux en forme de poissons et un petit vide-poches tels que ceux qu’on a vus travaillés par les jeunes filles. Nous visitons ensuite un centre artisanal pour handicapés et jeunes défavorisés. Nous pouvons y voir différents ateliers : broderies, laques sur bambous, sculptures, couture, bijoux où travaillent un grand nombre d’apprentis avec une concentration et une efficacité sans défaut. Les brodeuses surtout nous impressionnent, réalisant des tableaux avec de tous petits points lancés, en tenant leur ouvrage et leur modèle à l’envers, tissu tendu sur des métiers ou des tambours. Les garçons s’attellent aussi à l’exercice. Le centre dispose d’un restaurant et d’une boutique sous le même toit sans délimitation cloisonnée. Nous participons à soutenir cette association et bien que plus cher qu’ailleurs nous achetons une nappe blanche brodée en blanc à la main, 6 couverts pour 40€ et une statuette en terre naïve et sympathique.
Les embouteillages d’Hanoï et la circulation nous éberluent encore. A l’hôtel Hong Ngoc nous retrouvons notre chambre 406, la réception y a déposé des ramboutans à notre intention, cadeau de fidélité.
Après un peu d’Internet et un peu de lessive, nous cherchons en vain un Bia Hoï, petit bar où l’on sert de la bière pression. Nous renonçons et nous nous dirigeons vers le glacier Fanny où nous sommes moins emballés que la première fois bien que nous ne laissions rien de nos twin tangerine ni d’une banana Hanoï. Les gourmandises serviront de dîner et un verre d’eau facilitera le passage de la Malarone. Retour chez nous, clim à donf !