mardi 6 octobre 2009

Le journal de mon père

Jirô Taniguchi est paraît-il une pointure parmi les auteurs de manga, mais il n’a rien à voir avec l’idée que je me faisais de ces productions japonaises tapageuses et froides, traversées d’éclairs et d’effets grossiers. C’est tout le contraire : une fluidité, une subtilité pour remonter une histoire familiale bouleversante ; la nostalgie n’est pas la seule à vous submerger, la vigueur des thèmes traités se renforce avec des anecdotes touchantes. L’oncle, gagné par l’ébriété lors de la veillée funèbre, va accompagner le fils pour lui révéler la figure du disparu. La vérité brutale s’excuse ainsi pour un récit tout en douceur. La culpabilité sera avivée mais la bienveillance de tous irradie tout au long de ces 270 pages. A me sentir concerné par cette histoire, j’ai pris d’autant plus de plaisir qu’elle avait un cadre étranger. De la campagne avec un destin tout tracé, à la liberté de la ville au risque de la solitude, des coupures et des ingratitudes

lundi 5 octobre 2009

Le petit Nicolas.

Une gentille récré. J’aime tant Sempé ici et ailleurs, que son petit Nicolas me ravit au-delà du temps qui a passé. J’ai couru voir le film qui est une re création et je n’avais pas à être déçu : c’est une autre histoire, un autre langage, même si la transition est bien amenée par un générique que j’ai adoré. Cette foi en l’avenir, cette espièglerie sont de tous temps, de tous âges : ce qu’il y a d’innocent chez l’adulte, de gravité chez l’enfant se superpose en chacun de nous, reparaît pour un instant, un instant seulement, quand le cancre peut croire en la camaraderie, quand le ministre est un bon pépère. Ce n’est pas une reconstitution des années 50, il y a des situations datées comme les rapports avec le patron et la place des femmes, mais c’est intéressant de voir ce qui a muté, et c’est bon de sourire, de rire.

dimanche 4 octobre 2009

La ligne rouge

Le contraste entre le monde de la mort, de l’absurde, de la guerre et celui des îles paradisiaques de l’Océanie en cette année 1942 lors de la guerre entre le Japon et Les USA est un peu simplet. La dénonciation de la tragédie guerrière n’avait pas besoin du sirop quelque peu new age qui envahit cette œuvre fleuve de 2h 50. Bien que l’amorce du récit suscite l’intérêt, le propos de Térence Mallick est trop dilué; une brochette d’acteurs de renom n’ajoute rien à ce film de guerre qui a pourtant reçu il y a dix ans un accueil critique dont je ne partage pas l'indulgence.

samedi 3 octobre 2009

Ecologie et urbanisation sont elles compatibles ?

G. Collomb et A. Juppé au forum de Libération.
Plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes et l’on s’attend à atteindre 90%.
Les embouteillages, le bruit, le bétonnage des sols, la précarité, la violence constituent l’image des zones urbaines.
Cependant l’impact écologique en matière de CO2, eau, énergie et déchets est meilleur à Paris ou New York que celui de leurs pays respectifs.
Le maire de Bordeaux reconnaît que l’étalement de son agglomération est un problème : avec une superficie égale au grand Lyon, sa population est deux fois moindre.
Le maire de Lyon insiste sur le problème numéro un : la mobilité.
« On souhaite faire une métropole qui fédérerait l’ensemble de ses polarités en organisant le territoire autour des infrastructures de transport en commun. »
La rénovation des quartiers redonne de la confiance aux citoyens. La nécessité de construire en site propre des logements performants sur le plan énergétique avec des modes de déplacements doux est partagée largement : accord sur les éco quartiers.
L’air de la ville rend libre, elle est le lieu où se construit l’avenir où seule une vision politique et citoyenne pourra rendre la ville attractive et réussir les plans d’urbanisation qui visent à construire la ville sur la ville. Mais comment articuler le principe participatif et le courage politique qui souhaite une mixité sociale ?

vendredi 2 octobre 2009

Le bonheur inquiet

Dans la collection Shampooing, Lewis Trondheim nous livre ses états d’âme et nous intéresse même à ses épisodes de dédicaces ou à ses vacances à la Réunion. Le titre et une citation de Jules Renard disent tout : « La peur de la vie. A la façon dont les petites choses m’impressionnent, je me demande quelles douleurs me réserve l’avenir. »
B.D à offrir à tous les hypocondriaques et aux autres qui pourront sourire, à suivre ce personnage qui s’applique mais se laisse aller à ses faiblesses, où s’acheter des chaussons vaut une page, lorsqu’aller chercher deux escalopes relève de l’exploit, et quand une souris se faufile dans la bibliothèque…
Il trouve joli le halo de la lune au dessus de la Chartreuse ; quand on lui explique que c’est la pollution, il se trouve devenu bien positif. Broder sur des petits riens n’est pas forcément évident, dans un monde où les musiques sont poussées à fond, la légèreté est tellement difficile à saisir.

jeudi 1 octobre 2009

Alex Katz

Plaisir de découvrir ce peintre américain qui a emprunté à Matisse et que Warhol a copié. L’octogénaire est présenté pour la première fois en France, au musée de Grenoble. Peinture pop d’un environnement lisse, aux couleurs pastel, où c’est le monde de la mode qui marquerait l’impermanence des choses, pour que les personnes qui fréquentent les vernissages se mirent dans ses toiles. Peinture reposante, loin des cris des salles voisines avec les portraits de sa belle femme Ada qui accompagnent notre déambulation. Je pense alors à Jackie Kennedy et à des personnages de fête foraine quand nous nous arrêtons devant des silhouettes découpées dans du contre plaqué, ça s’appelle « cut out », ça fait moins fête à Neuneu. Mais il s’agit bien de peinture même si la photographie fait valoir ses influences, et si l’univers de la publicité a façonné ses images empreintes d’une certaine mélancolie distanciée.

mercredi 30 septembre 2009

J4: Le Nord en couleurs

Lorsque le réveil sonne à 5h 30, le jour se lève et nous apercevons le paysage tropical à travers les vitres ruisselantes d’humidité. A la sortie de la gare de Lao Caï, nous déjeunons au restaurant « Le Bordeaux » tandis que la pluie dégringole de plus en plus sous un ciel bien peu prometteur.
Un gros véhicule 4X4 vient nous prendre direction Bac Ha. Peu à peu le temps s’éclaircit, le soleil sort des nuages. La route monte, séparée de la Chine à un moment par un simple cours d’eau, nous pouvons voir des hévéas sur l’autre rive. Notre guide ne cache pas la fierté de son pays d’avoir repoussé l’attaque chinoise de 1979 : leur « armée était comme un sac de patates » mal commandée. La végétation est dense : théiers, maïs, rizières, bambous, bananiers, jaquiers… Les hommes et les femmes repiquent le riz, cassés en angle droit. Un homme s’est assis sur une petite chaise et à côté le buffle l’aide à remuer la boue gluante. Nous dépassons les Hmong fleurs qui s’acheminent vers Bac Ha, à pied, à motocycles, dans leurs habits traditionnels qu’ils n’ont jamais abandonnés.
Bac Ha se situe à environ 80km de Lao Caï à 1200 m d’altitude. On trouve de tout au marché hebdomadaire: des broderies, des habits, des bassines, des légumes, de la viande, des paniers, des restaurants, des bars où les copains abusent de l’alcool de maïs, une foire aux buffles et aux chevaux tout petits ( à la taille de la population). Les allées sont très fréquentées comme à la foire de Beaucroissant, et on n’hésite pas à écarter celui qui est gênant, sans agressivité. Des hautboïstes se laissent enregistrer sans sourciller. En face des mamans remballent leurs nourrissons après les avoir nourri et les attachent solidement sur leur dos à l’aide de liens brodés. Les jupes de Hmong sont très larges, leurs costumes très colorés, lourds et chauds, pourtant la température ne nécessite pas ces épaisseurs. Nouilles de trois sortes différentes au restaurant de l’entrée de la rue du marché. Nous repartons vers Lao Daï en passant par la frontière chinoise. Un pont chevauchant le Fleuve Rouge sépare les deux pays, chacun avec son portique d’entrée et ses immeubles élevés et pimpants, monumentaux à la soviet. Côté vietnamien, apparaît un petit temple taôiste alors que côté chinois s’élève le clocher d’une église. Dans le temple, la maîtresse de cérémonie, une vieille femme de 88 ans se laisse parer par deux femmes plus jeunes tandis que des musiciens accompagnent sa danse. Elle est payée pour cette cérémonie d’une durée de six heures, par une famille de riches commerçants pour attirer la prospérité : il faut donc être généreux. L’assemblée assiste, bon enfant et on lui distribue gâteaux et argent (petites sommes). Nous entamons la grimpette sur Sapa 1650 m. Sur le chemin le programme prévoit la visite d’un village Dao rouges (prononcer Zao) et de Hmong noirs : Tà Phin , un très joli village situé au milieu des rizières, entouré de montagnes en forme de crocs que nous visitons à pied. Une petite troupe de femmes nous accueille dès que l’on ouvre la portière et ne nous lâchera plus jusqu’à la remontée. En possédant un minimum de mots, elles comprendront bien de nos conversations : miracle du commerce. Les enfants jouent avec les buffles quand ceux-ci ne se vautrent pas dans la boue. Des femmes brodent, certaines avec des lunettes anachroniques. Un jeune couple de mariés d’une quinzaine d’années se lâche la main dès qu’ils nous aperçoivent. Les adolescentes sortent leurs cheveux décoiffés pour montrer qu’elles peuvent être amoureuses. La lumière est belle pour le transport vers Sapa.
Sapa a le charme désuet des stations thermales avec son stade, sa cathédrale, ses tennis et ses hôtels style autrichien des tropiques. Le nôtre a plutôt genre château fort, « Holiday Sapa hôtel », avec l’avantage d’un magnifique panorama face à la montagne. Petite promenade dans la ville avant un repas plantureux à 19h et retour au bercail. La circulation est très difficile, un bus doit réaliser des prouesses en marche arrière dans les rues étroites. Eclairs et tonnerre : la nuit sera orageuse.