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samedi 14 juin 2025

Dernières nouvelles de Rome et de l’existence. Jean Le Gall.

L’éditeur écrivain a accordé la forme de son roman désabusé à son propos :
« A vouloir démontrer l’inexistence de Dieu, l’homme n’a pas vu la sienne. » 
Un ami pense lancer la carrière du narrateur à partir d’un livre qu’il n’a pas écrit.
Dans les années 70, le dénommé Palumbo démissionne le jour où il est élu à la tête d’un parti politique sensé renouveler le paysage intellectuel transalpin. 
« Ce communisme new age avait vécu. Deux heures et quart pour être précis. » 
Il s’établit comme vendeur de canapé pour mieux observer « l’homme moyen ».
Cette démarche déjà testée en Chine où les intellectuels étaient invités aux champs pouvait renouveler la réflexion sur la fracture sociale de par chez nous.
Mais rien de probant n’apparaît dans ce récit de 187 pages avec quelques formules désabusées :  
« Souvent, il usait de son charme comme d’une allumette humide qui, frottée dix fois, ne prend toujours pas. »
Il  a perdu ses illusions, il s’écrit à lui-même: 
« La moitié de l’humanité est prête à remplacer l’amour par des parcs d’attractions, la beauté par la chirurgie, les pâtes par les nouilles, les écrivains par les journalistes. » 
La littérature pourrait être un recours : 
« Stendhal, c’est inégal en fait de style, de caractères et d’intérêt, mais c’est un observateur à l’œil millimétrique, c’est un désenchanteur de première bourre, un railleur exceptionnel, un maître du scepticisme. » 
Mais même Rome, issue de tous les chemins, se voit maltraitée : 
« Rome n’est pas seulement ignoble et excrémentielle, elle est aussi inauthentique.
Sa « décadence » et sa « chute » sont des crâneries d’historiens, des tics d’écriture, des vanités d’éditorialistes impatients de placer leurs conclusions sur l’Occident. » 
Cette errance désincarnée, dépressive, ne nous donne aucune nouvelle de la ville éternelle, mais réussit son pari d’une approche de l’inexistence. 
« Se trouvent dans les romans non advenus, l’éloquence et l’émotion qui manquent si sadiquement à la littérature une fois qu’elle est imprimée. Le roman, en tant que roman se dérobe toujours. Et l’on devine quel avantage il y aurait dans le privilège d’être un romancier qui n’a rien écrit ! »  
A lire de nuit, dans une salle vide, peinte en blanc d’une FRAC, qu’il ne sera pas utile d’éclairer pour exciter malgré tout notre pensée.

jeudi 9 janvier 2025

Les fenêtres. Marie Ozerova.

Au-delà des huisseries et des carreaux, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble nous propose quelques ouvertures qui éloignent des ténèbres. 
La « Femme à la fenêtre » du romantique Caspar David Friedrich, vue de dos, nous invite à dépasser l’espace géométrique qui l’enferme, sans nous arrêter à l’anecdote d’un départ éventuel d'un marinier pour rêver d’ailleurs.
Au XI° siècle, les architectes byzantins permettent, depuis les fenêtres triples à l'image de la divinité, que parvienne un éclairage céleste exacerbé par les fonds dorés pour la « cathédrale Sainte-Sophie » de Kiev.
Cette lumière est tout aussi « incréé » chez Duccio di Buoninsegna représentant le royaume éternel, et pas notre monde provisoire. « La crucifixion ».
Les tailles différentes des personnages les situent dans la hiérarchie conformément aux textes, avec « La Maestà » (vierge en majesté) au centre du retable de Sienne composé de plus de 80 panneaux.
La « Vierge à l'enfant avec des anges » de Fra Angelico, lumineuse comme pierre précieuse, en relief sur fond dépourvu de perspective, se situe entre les humains enfermés dans une enveloppe de chair et le divin. Ce doux peintre « était allé visiter le paradis pour revenir le représenter », disait Michel-Ange.
Le paysage derrière « La Vierge à l'Enfant avec saint Laurent et saint Jérôme » de
Francesco Francia de Bologne, représente la terre promise, sereine sous un ciel d’éternité.
Léonard de Vinci
situe haut dans le ciel la maison de la jeune « Madonna Benois » dont les fleurs à quatre pétales évoquent la passion du Christ.
En arrière plan de l’ « Annonciation » de Cima da Conegliano
, le bâtiment en ruine est celui de la religion juive devant laisser la place à l’église chrétienne.
Robert Campin, peintre du Nord, représente en 1420 la vierge dans un intérieur flamand, vêtue de bleu, couleur du ciel.
Rogier van der Weyden s’est représenté en « Saint Luc dessinant la Vierge »,
présence miraculeuse au dessus de la ville vue depuis une terrasse. 
Les « Ouvriers de la onzième heure » de la parabole présentée par Rembrandt  reçoivent autant d’argent que ceux qui ont trimé toute la journée, comme un rappel des « derniers seront les premiers ».  
Dans « Le Chœur de la Chapelle des capucins à Rome » de Granet 
la lumière s’oppose au noir diabolique.
Derrière la charmille où fleurissent les roses mariales, Maurice Denis
peintre chrétien de « La visitation » fait apparaître la Jérusalem céleste.
« Le miracle de Pygmalion et Galatée »
par Boucher, aux couleurs nacrées de conte de fée devant les mains puissantes du sculpteur amoureux de sa statue, va au-delà de la légende : l’art donne vie à la matière inerte.
Toujours au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg où travaille la conférencière : la richesse à la fois spirituelle et artistique se montre dans « Portrait d’un jeune homme », sans doute un autoportrait de
Domenico Capriolo.
Le veuf
« Antonio Agliardi », représenté par Lorenzo Lotto avec sa défunte épouse, ne l’oublie pas, contrairement à l’écureuil tout proche symbole de l’inconstance.
Les deux arbres ne font qu’un et confirment pour
David  
les liens de « Sapho, Phaon et l'Amour ».
Le bleu est aussi la couleur de l’intimité dans « La conversation » en pyjama de Matisse confirmée par le jardin clôt.  
 Les fenêtres ouvrent sur les secrets de l’art, de la vie émotionnelle, de la vie spirituelle, sur l’ailleurs et l’au-delà. 
« La fenêtre, en province, remplace le théâtre et les promenades. » 
Gustave Falubert.

jeudi 21 novembre 2024

Franck Lloyd Wright. Benoit Dusart.

Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble présente le plus célèbre des architectes américains qui se considérait lui même comme un prophète, un génie,
ayant inspiré le film « Le rebelle » avec Gary Cooper.
Franck Lloyd Wright est né en 1867 dans le Wisconsin, qui n’appartenait pas encore à la  
« ceinture de la rouille » (Rust Belt) - « Paysage du Wisconsin » John Steuart Curry - où sa mère institutrice, adepte du transcendantalisme, l’encourage à choisir la voie de l’architecture.
Après la crise de 29, il envisage  l’utopique « Broadacre City » pour que chaque foyer habite une maison digne.
Ses « Maisons usoniennes » sont disséminées dans de grands espaces. Pas de domesticité; cave et garage sont sacrifiés bien que l'automobile comme la sienne tapissée de fourrure  avec laquelle il entretient une relation passionnelle permette cet étalement urbain.
La construction organique a recours aux matériaux issus des ressources locales.
La cheminée structure un ensemble évolutif dans les « Maisons de la prairie »  où l’horizontalité permet l’intégration à la nature environnante. Les pièces où mobilier et éclairage électrique souvent intégrés s’opposent par leur fluidité à la raideur victorienne encore de mise.
Il a appris le métier chez Adler et Sullivan représentants de l'école de Chicago. Il s'en séparera pour construire la « Maison Winslow » dont la façade contraste avec le côté jardin.
L’expansion de sa maison « Oak Park Studio » a suivi l’agrandissement de sa famille avec 6 enfants qui pourront jouer à leur aise. Pour les 14 associés la salle de dessin octogonale comporte deux étages.
En 1893 l’exposition universelle se tient à Chicago où le pavillon du Japon va l’influencer au point de devenir un grand collectionneur d’estampes  
« La fraîcheur du soir à Shijo-Kawara »
Il  a construit l’« Hôtel impérial »  à Tokyo dans les années 20 entouré de bassins pour lutter contre les incendies. Celui-ci  a résisté à un tremblement de terre terrible par une structure en porte à faux comme lorsqu'un garçon de restaurant tient un plateau au bout des doigts.
« Le temple de l’unité »
en béton pour la communauté universaliste unitarienne face à l’église épiscopalienne d’Oak Park se divise en deux parties cubiques bien éclairées, tournant le dos à la rue sillonnée par les tramways.
Des vues virtuelles permettent de mesurer l’importance du « Larkin Administration Building » au mobilier remarquable un des premiers à être climatisé, démoli en 1950.
« La maison Robie » inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO « interroge l’espace au-delà de la construction, elle casse la boîte ».
La salle à manger marque le caractère sacré du repas familial.
« La maison Hollyhock »
(rose trémière) à Los Angeles et ses sept salles de bains 
est aussi peu conventionnelle que sa propriétaire.
Les influences de l’art maya sont visibles dans « La maison Charles et Mabel Ennis » conservée malgré des fragilités, elle a servi de décor au film Blade Runner.
« Taliesin West »
, du nom d’un poète gallois, au bord du désert de l’Arizona fait écho
à la maison du Visconsin incendiée à deux reprises où il avait installé sa nouvelle compagne Mamah Borthwick assassinée à coup de hache.
Il se trouvait alors à Chicago pour travailler aux jardins de « Midway » lieu de café-concert où il incorpore des « textile blocs » qui apparaissent comme des murs tissés. 
« Entré dans une nuit profonde » il confie le chantier à ses anciens maîtres architectes.
En 1935, Frank Lloyd Wright, qui a déjà 67 ans, relance sa carrière d'architecte avec la « Maison sur la cascade », maison secondaire devenue légendaire.
Pour le « Siège de la société Johnson », célèbre pour ses cires, il élève des coroles au dessus des employés : « Le cadre auquel nous avons abouti quand nous avons édifié le bâtiment administratif de la Johnson Wax s'est traduit par un accroissement notable de leur efficacité. Si vous leur permettez d'être fiers de ce qui les entoure et heureux d'être où ils sont, si vous leur donnez de la dignité et de la fierté dans leur cadre de travail, cela se révélera du meilleur effet pour la production. Un cadre salubre dont les travailleurs puissent tirer orgueil est rentable. »  
Le mur rideau de la tour de recherche est habillé de briques et de pyrex.
Il prend sa revanche sur le MOMA qui l’avait exclu quand la mode privilégiait Le Corbusier en se voyant confier « Le  musée Guggenheim » recyclant un plan de parking qui tranche avec les rectitudes newyorkaises. Celui-ci ouvre en 1959, six mois avant la mort de Franck Lloyd Wright, dix ans après la disparition de Solomon Guggenheim.