Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble
entendait sous ce titre mystérieux nous entretenir de Fantin Latour arrangeant
ses fleurs, en complément de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’au 18
juin 2017.
La peinture des fleurs, à laquelle il consacra entre 500 et
600 toiles (800 selon d’autres sources), était un genre mineur le plus souvent
laissé aux femmes.
Mais comme« une
demoiselle maniaque et passionnée » l’artiste accordait beaucoup
d’importance à la composition de ses motifs avant de passer au travail. Disposer
avec goût et acharnement des bouquets : c’est tout un art, floral.
Si Chardin fut à la source avec ses « Fleurs
dans un vase »,
dans leur Blue Porcelain Vase
celles de Anne
Vallayer-Coster au XVIII° ont
une délicatesse de couturière
et chez Van Huysum de la munificence.
Ces quelques branches de fruitier simplement traitées par Henri Fantin-Latour, esquissées et
pourtant précises marquent une présence, dans le silence.
Elles sont différentes des « Fleurs
dans un verre » d’Eugène Boudin qui ont la majesté
de la peinture d’histoire.
Edouard Manet, homme d’action, s’attache
surtout à la lumière dans ce magnifique « Bouquet de fleurs dans un vase ».
La morphologie globale des bouquets se
comprend avec le choix des vases précieux, mais pas trop, pour des allures
échevelées, voire tragiques, rondes, humanisées.
Le vase globe s’inscrit dans un travail
sériel où les formes jaillissent avec encore plus de force. Une « cup of tea » joue avec
l’immobilité pour une clientèle anglaise qui lui assura des revenus réguliers.
L’artiste ne s’accorde pas de liberté,
respectant les saisons, à une exception près quand sont apposées les peu
compatibles cerises et jonquilles.
Sur un coin de table, comme à la dérobée,
fruits et fleurs s’harmonisent. La peinture est onctueuse comme chez les
romantiques, et le rendu des brillances s’acharne à s’approcher du réel.
Cette
manière est plus proche de
Courbet que des impressionnistes.
Les roses blanches, blotties, couchées, sont fragiles. Sur fond gris la planche est botanique, anatomique.
Ses fleurs de cytise splendides et pendouillantes sont-elles
le fruit d’un regard ironique ?
Dans un développement chronologique, les bouquets assument
leur délicatesse et dépassent la préciosité.
Là des œillets commencent à
faiblir,
ici des pivoines lourdes fatiguent, comme des divas déchues.
Les tonalités deviennent plus chaudes dans les années 1880,
dorées, mordorées, baroques, ainsi ces dahlias.
On ne se lasse pas de ses floxs, zinnias, chrysanthèmes,
genêts, géraniums, pétunias fussent-ils bicolores, roses trémières, pois de
senteurs graphiques, pieds d’alouettes dynamiques et tant de roses.
Il mourut
à Buré le 25 août 1904 où il aimait
choisir les fleurs de son jardin. Elles se sont conservées jusqu’à nous depuis
le tournant des siècles précédents. Le peintre introverti qui avait vu les
peintres hollandais, a annoncé aussi dans ses portraits de fleurs, une
modernité qui nous étonne et nous enchante encore.
« A bout de tige
se déboutonne hors d’une olive souple de feuilles un jabot merveilleux de satin
froid avec des creux d’ombre de neige viride* où siège encore un peu de
chlorophylle, et dont le parfum provoque à l’intérieur du nez un plaisir au
bord de l’éternuement.» L’œillet de
Francis Ponge.
*Le viride (du latin viridis, vert), ou viridien, ou vert Guignet est une
couleur pour artistes d'un vert bleuté et transparent. Wikipédia.