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dimanche 28 avril 2019

First trip. Katia Feirrera.

D' abord vérifier si une telle histoire, suicide de cinq filles d’une même famille, est basée sur de faits réels : oui. En Amérique les tempêtes sont toujours plus fortes, les histoires plus incroyables.
Et il faut bien plus de deux heures, qui ne se comptent pas, pour approcher ce mystère sidérant traité lors de cette création à la MC2, avec efficacité et délicatesse.
Des parents très religieux avaient isolé leurs filles après la mort de la plus jeune, ce qui n’a pas empêché, voire qui a précipité l’issue fatale annoncée pour les quatre survivantes.
Les garçons qui leur tournaient autour, au moment des bals de promo 74, essayent de comprendre, des années après, le mystère de l’autodestruction de ces filles sublimées.
Le « chevauchement des temporalités » est subtilement agencé et le traitement des détresses adolescentes, des incompréhensions adultes, des exploitations médiatiques, des pansements pédagogiques, bien vues. Une musique douce aux accents graves accompagne nos interrogations.
Que Sophia Coppola ait tiré son film  «  Virgin suicide » (1999) du roman de Jefrey Eugenides ne perturbe pas du tout un apport de la vidéo qui ne dévore pas le travail des acteurs. Il s’agit de théâtre et du meilleur.
Le déroulement de la pièce est limpide, toutes les pistes sont explorées sans désigner de coupable unique comme les mœurs superficielles d’aujourd’hui l’appellent si souvent.


dimanche 14 avril 2019

Un ennemi du peuple. Ibsen. Sivadier.

La pièce de deux heures et demie aurait pu être inscrite au programme de la « biennale des villes en transition » (écologique) sise ces jours là dans la ville, tant les thématiques soulevées par le dramaturge norvégien sont d’une actualité brûlante.
En effet l’un des deux frères fondateur d’une station thermale veut révéler que l’établissement est pollué, alors que l’autre minimise le sujet au nom d’une prospérité de la ville risquant d’être compromise.
Je craignais que l’opposition ne soit trop manichéenne, entre vérité et égoïsme, il n’en est rien : les retournements de l’opinion, les hésitations, les convictions dévoyées, le manque de courage, les accommodements apportent de la complexité et reviennent sur les questions toujours présentes : qui est le peuple ?
Face à la majorité pilier de la démocratie, celui qui dérange se brûle :
« L’homme le plus fort au monde, c’est l’homme le plus seul. »
La mise en scène est puissante, Nicolas Bouchaud toujours aussi brillant, ce moment de théâtre fort. http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/03/dom-juan-moliere-sivadier.html
Montée à Grenoble, la pièce énergique présente avec simplicité les protagonistes d’un dilemme plaçant la politique au cœur du quotidien, comment le collectif percute les individus, comment on se débrouille avec nos contradictions. Vaste sujet, passionnant.
Marat écrivait dans « L’ami du peuple », il a mal fini ; l’ennemi du peuple, ici n’a pas fait tellement mieux.
………………
Je reprends les publications sur mon blog lundi 22 avril. 

dimanche 7 avril 2019

Requiem pour L. Alain Platel Fabrizio Cassol.

Le metteur en scène est un familier de la MC 2 et des grands musiciens,
http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/12/en-avant-marche-franck-van-laecke-alain.html cette fois il faut avoir l’oreille avertie pour reconnaître Mozart à l’accordéon et au likembe ( piano à doigts), les couleurs de l’Afrique recouvrant la dernière œuvre inachevée du musicien prodige mort à 34 ans. L’enrichissement mutuel entre musique savante et musique populaire a toujours existé.
Nous sommes bien dans un requiem : au ralenti une femme meurt sur l’écran du fond et je me demande si une petite citation n’aurait pas été suffisante pour que les spectateurs y projettent leur avenir ou des souvenirs. La musique subtile de Mozart ne suffirait-elle  pas, pour que des images   supplémentaires nous soient imposées, et pas des moins plombantes?
Devant le vaste écran, une belle troupe de danseurs-chanteurs-musiciens exprime une joie mêlée à la gravité, chacun avec sa personnalité dans les interstices laissés par une quarantaine de parallélépipèdes gris. Des cailloux sont déposés sur ces tombes. Elles n’encombrent pas la scène, structurant le plateau où les jaillissements, les rythmes de la vie, l’inventivité prennent encore plus de prix. Elles fournissent des podiums pour que chacun des quatorze artistes mette en valeur son énergie. Les voix des chanteurs sont plus touchantes lorsque les instruments font silence, mais bien des séquences dans leur variété font naître l’émotion jusqu’au final furieux où les artistes en botte de caoutchouc emportent le public dans une percutante gumboot dance. Un surtitrage des paroles en Lingala ou en swahili aurait peut être été utile, pour le latin aussi.
A lire les critiques sur le web, plutôt rares concernant le théâtre ou la danse, je suis tombé sur le reproche d’"appropriation culturelle" dont serait coupable le metteur en scène contraignant les danseurs africains par sa mise en scène.  Pourtant sous cette appellation conquérante, très mode en univers "racisé" où la décolonisation n’en finit pas, c’est plutôt Mozart qui en perdrait sa perruque si on ne gardait le souvenir d’un doux temps où il fut question de métissage.

dimanche 31 mars 2019

D’Est en Ouest. Josette Baïz.

Quand je suis arrivé dans le hall envahi d’enfants et lorsque je me suis aperçu que la représentation  était ouverte aux plus de six ans, j’ai pensé que je m’étais trompé. Mais cette heure et quart passée avec une trentaine de danseurs de 9 à 18 ans, a requinqué le vieux spectateur.
J’en suis ressorti des étoiles dans les yeux, impressionné par la prestation du Groupe Grenade basé à Aix-en-Provence.
Vive le travail des enfants ! Précision, rigueur étaient des valeurs dont je n’avais pas vu de manifestation depuis longtemps et particulièrement chez les jeunes, plus souvent me dit-on vautrés sur leur table au collège, ou vissés à leur portable même davantage que des retraités.
Leur joie d’être sur scène est authentique et se transmet aux spectateurs emballés.
Le fil conducteur du spectacle devait mener de Melbourne à Vancouver, mais la diversité dans chacun des six tableaux est mise en cohérence par des rythmes envoutants. Nous évitons le pittoresque pour nous laisser aller à l’harmonie, à l’allégresse, à l’humour, à la profondeur, à la grâce, à l’énergie des chorégraphes qui ont offert à la troupe de l’ancienne de chez Gallotta, des morceaux de choix, ainsi Akram Khan bien connu par chez nous.
Les prestations réglées au quart de poil sont époustouflantes et lorsqu’ils dansent ensemble, les plus jeunes ne cannibalisent pas les plus anciens, mais apportent une telle fraîcheur que l’on en est à imaginer que le printemps est permis à tous.
 

dimanche 24 mars 2019

Bérénice. Jean Racine. Isabelle Lafon.

A accoler ci dessus un nom prestigieux et un autre qui l’est moins, me revient un dessin de Sempé qui montrait une accumulation de livres d’inconnus sous des jaquettes mentionnant des écrivains prestigieux, ou dans un autre genre la souris qui court à côté de l’éléphant :
« T’as vu la poussière qu’on fait ! ». 
Cette soirée au théâtre s’annonçait sans certitude puisqu’à vrai dire Racine m’avait dépassé du temps où je préférais San Antonio, d’autant plus que je me remettais en mémoire des avis contrastés sur les mises en scène d’Isabelle Lafon.
Mais à l’heure où même France Culture maltraite parfois la langue, une heure chez l’élève de Port Royal ne peut pas faire de mal.
Pour ne rien arranger nous sommes arrivés une fois que la représentation était commencée, alors que les avis sur la pièce de deux personnes qui m’importent n’offraient pas d’à priori favorable, l’une étant sortie accablée, l’autre sceptique.
Entrer dans la langue du XVII° siècle, la plus pure dit-on, après s’être impatienté dans les embouteillages n’est pas évident ; les dilemmes de Bérénice peuvent-ils nous distraire de la Ligue du LOL ?
Et là à l’écart de la table où s’essayent les dialogues, une comédienne longtemps silencieuse, mais attentive à ce qui se passait sur le plateau sans coulisses m’a permis de me concentrer sur l’objet de sa vigilance. Il se trouve qu’il s’agissait de la metteure en scène, et cette entrée par elle permise a été efficace en ce qui me concerne.
Du temps de ces époques antiques revues par les classiques, la politique prenait le pas sur les passions amoureuses. Heureusement que j’avais relu le pitch :
« Titus empereur doit renoncer à épouser une reine étrangère qu’il aime, mais il ne peut le lui dire. Et il demande à son ami Antiochus de le faire à sa place alors que ce dernier, également épris de Bérénice, lui, a fait sa déclaration »
Mais faire jouer Titus par une femme et Bérénice par deux femmes a rendu un peu plus difficile la compréhension d’une pièce réduite non pas à sa plus simple expression, mais brouillée par une recherche accumulant les pistes et les énigmes. Il y a peu d’action, et les monologues peuvent se prêter à des tâtonnements théâtreux pour renouveler le « comment dire ».   
Que la table soit centrale pour poser la question de la représentation au moment où Juppé fait part de sa lassitude de la politique, est légitime, et je ne rejoins pas ma contributrice habituelle qui regrette que les actrices ne remplissent pas les costumes des hautes figures du répertoire. J’ai trouvées celles-ci parfois excellentes et parfois grotesques comme lors d’une cavalcade ou lorsqu’elles insistent sur les lettres muettes à la limite de la caricature. Pour ce qui est de la pureté de la langue qui sauvait la pièce pour mon autre comparse, les mots m’ont paru bien désuets pas seulement lorsqu’il est question d’« hymens » :    
« Adieu, servons tous trois d'exemples à l'univers
De l'amour la plus tendre, et la plus malheureuse,
Dont il puisse garder l'histoire douloureuse. »
«  Hélas ! »
La grandeur n’est plus de saison, même après s’être défait de ses écharpes et gilets.
On disait alors « noblesse » ; fusse-t-elle celle des sentiments, elle a été abolie.


dimanche 17 mars 2019

Nouvelles pièces courtes. Decouflé.

Ravis. L’ordonnateur de spectacle est un ravisseur qui nous a distraits de notre quotidien et c’est bien bon. Comme si on feuilletait un magazine en couleurs, l’humour passe du potache au poétique, avec une inventivité de chaque instant. Le propos respecte un titre presque trop modeste pour cette profusion de beaux mouvements sur un plateau éblouissant.
Les artistes avaient revêtu leurs habits de lumière, rigolos ou élémentaires, couleur locale.
Et depuis la source où se réinvente une danseuse autour d’un piano jusqu’à une satire de la consommation lors de ces voyages, nous avons vérifié que la réputation du chorégraphe était vraiment méritée. La salle comble était enthousiaste après cette heure et demie volée à la grisaille et aux rageux.
Tout est à sa place : lorsque l’auteur déjà invité à la MC2 dit que pour la danse
«  l'écriture est souvent plus poétique que narrative »
il le prouve en proposant des séquences dynamiques ne s’éternisant pas, tout en nous laissant le temps de savourer. Elles portent la fraîcheur de la bande dessinée, celle de la ligne claire, l’émotion de musiques classiques ou rock, la tendresse des allusions à d’autres formes de danse, la virtuosité dans l’utilisation des images vidéo. Parmi ce foisonnement retenir une séquence autour d’une barre où la gracieuse performance gymnique s’humanise d’humour et met en valeur de magnifiques danseurs.   

dimanche 10 mars 2019

Saint Félix, enquête sur un hameau français. Elise Chatauret.

Après entretiens, la parole de quelques habitants d’un village est restituée.
Saint Félix a perdu sa boulangerie, mais l’église et le cimetière sont toujours là donnant du charme à cette toute petite bourgade tellement française que ce sont les étrangers qui se sont occupés de ses ruines. Ne subsistent plus que trois agriculteurs sur les soixante d'il y a soixante ans.
L’honnête travail d’écriture campe parfaitement, entre deux sourires, le maire, « couteau suisse » partisan de l’intercommunalité, les couples se coupant la parole, les néos, les chiens, les fantômes.
La mise en scène est efficace, originale sans esbroufe comme j’avais pu l’apprécier dans un spectacle précédent.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/06/ce-qui-demeure-elise-chatauret.html
En introduction, les voix disent dans le noir les raisons de leur attachement au village et nous empoignent, les acteurs sont excellents. Et les maquettes de maison, les marionnettes apportent une distance questionnant le théâtre et les questionneurs. La brume n’est pas un procédé comme il y en a tellement sur les plateaux mais un élément poétique éclairant la réalité tout en jouant de la fiction.

dimanche 24 février 2019

Twenty-seven perspectives. Maud Le Pladec.

After international cinema, if you want to know something, speak english, when you go to see dance or theater in MC 2 : on n’est pas rendu pour un compte rendu.
Remy Zaugg, un artiste suisse avait titré une de ses œuvres «  27 esquisses perceptives »  pour « tenter d’épuiser un tableau de Cezanne », d’où le titre de cette heure avec dix danseurs pour «  creuser » la structure d’une Symphonie Inachevée de Schubert, quelque peu retravaillée.
Nous partageons des moments intenses quand chaque interprète suit la musique en solo et retrouve l’ensemble avec une précision impressionnante. L’articulation des solitudes aurait gagné en dynamique s’il n’y avait pas eu répétition de l’abandon du plateau par la troupe qui laisse à ses tentatives une seule personne au milieu du plateau éclatant de lumière avant que ses comparses ne remontent sur la scène.
Je suis toujours étonné de voir de nouveaux gestes, des combinaisons nouvelles dans ces tentatives acharnées de mettre des images sur de la musique, mais je m’en vais écouter une version rien que pour les oreilles du musicien autrichien quand il avait 25 ans, sans avoir à subir des survêtements dont les couleurs salopent l’écriture chorégraphique. 
...................
Je reprends mes publications lundi 4 mars . 

dimanche 17 février 2019

Le menteur. Pierre Corneille. Julia Vidi.

« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »
Oui c’est dans le Cid, mais cette version du Menteur en a inclus un morceau parlant aux générations qui se voient plutôt en Géronte qu’en jeune premier. Le personnage du père est  d’ailleurs celui que je préfère, en mal de petits enfants, il est le seul à ne pas mentir.
Une fois passé le moment du plaisir d’entendre une belle langue alors qu’elle arrive à nous paraître éloignée, j’ai renoncé à suivre attentivement les imbroglios de la comédie pour laquelle la metteure en scène a fabriqué quelques ajouts supplémentaires, pensant donner un peu de vigueur féministe aux propos :
«- Je ne veux être ni la fille d’un père, ni la composition florale d’un mari. Nous sommes les arguments d’un drame masculin depuis trop longtemps. Je veux être moi-même, pour moi-même, en moi-même, avec quelqu’un. Et je ne m’offrirai pas dans cette robe trop serrée »,
- Tu transgresses ? Dis donc ! Il faut parler en vers. »
Les acteurs sont plaisants, les décors en miroirs mobiles sont signifiants, des bris de verre en coulisse bienvenus, les costumes plus discutables à mon avis. Mais il serait trop facile d’insister sur des baskets surlignant qu’il s’agit d’une pièce du XVII° au « pays du beau monde et des galanteries », et que nous sommes - ah bon ! - au XXI°.
Question menteur et menterie, il est facile de se poser comme échappant aux « vérités alternatives » de notre époque. Dans notre vie personnelle, pensant éviter l’exil au fond des bois, nous nous mentons à nous-mêmes et faisons le plus souvent silence à défaut d’avoir le talent et l’imagination permettant d’agencer farces et attrapes.
Nos tartufferies se retrouvent plus facilement chez Molière qui me semble plus tragique que chez ce Dorante menteur par jeu et par essence.

dimanche 10 février 2019

Furia. Lia Rodrigues.

Maintenant  pour la danse, ça se passe à la Rampe, parait-il et non plus à la MC2, c’est ce que je pensais jusqu’à ce soir, où le spectacle de celle qui avait déjà proposé « Pindora » m’a encore surpris http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/11/pindorama-lia-rodrigues.html.
Le titre laissait prévoir des moments fougueux, ils arrivent accompagnés de chants kanaks envoutants après une longue plage de silence.
La lente émergence des corps recouverts d’oripeaux depuis des tas de tissus puis se trainant dans des haillons laisse entrevoir des peaux barbouillées de pigments. Dix danseurs s’entraident, se chevauchent, se dépouillent en un cortège qui prend des allures de « Radeau de la méduse » ou la tribu dépenaillée du « Caïn » de Fernand Cormon. Quand la danse, la transe adviennent, nos bouches béent. Mais cette résolution attendue est brève, les cheminements laborieux reprennent et si des mouvements évoquent des accouplements, les rapports entre ces corps qui révèlent leur beauté sont brutaux, avant de s’effondrer à nouveau après la parade alanguie d’une reine des chiffons.
Une heure forte qui restera en mémoire.

dimanche 3 février 2019

Good and guest. Rodolphe Burger.

Les paroles sont en anglais et  en allemand, et quand c’est en français, dans le mode « ne-me- quitte-pas-moi », nous restons dans le blues entêtant.
A la MC 2, les musiques peuvent taper, mais c'est avec élégance, le public est pourtant différent de celui qui  ne se met debout seulement lorsque le spectacle est exceptionnel. Quand des chanteurs s’y produisent, ce sont les fans qui viennent avec un enthousiasme que je n’ai pas partagé car je n’avais pas de connaissance approfondie de l’œuvre de ce collaborateur de Bashung et Higelin.
Le rocker alsacien parait désinvolte comme il se doit, mais il « assure », changeant de guitare entre chaque morceau. Bertrand Belin participe, toujours aussi énigmatique,  http://blog-de-guy.blogspot.com/2014/02/parcs-bertrand-belin.html . Avec un plateau conséquent et variable, le fondateur du groupe Kat Onoma livre une musique qui pourrait être envoutante si j’avais été emballé par la poésie des textes auxquels je suis resté étranger avec mes rigidités d’amateur d’une chanson française où les sons ne prenaient pas le pas sur le sens. Je vais me contenter des rééditions des Clerc, Thiéfaine Hubert Félix tout en évitant Popolnareff et autre qui n'en finissent pas de sortir.

dimanche 27 janvier 2019

Stück plastik, une pièce en plastique. Marius von Mayemburg. Maïa Sandoz.

Les bobos, tels que moi, aiment l’autodérision : j’ai aimé ce spectacle.
On pouvait craindre une farce boulevardière avec médecin ayant candidaté pour un poste en Afrique, marié à l’assistante d’un artiste conceptuel encombrés par leur ado de fils.
Ces « bonnes personnes » viennent d'embaucher une bonne.
Comme je n’avais pas pris connaissance du journal de salle, j’ai encore plus apprécié de savoir que  la femme de ménage à la passivité massive destinée à « nettoyer toutes les merdes », a assuré la mise en scène !
L’art moderne qui se prête tant à la dérision est le vecteur de la comédie  comme dans le film suédois, « The square »  http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/02/the-square-ruben-ostlund.html mais la violence fait se crisper les rires.
La bonne volonté qui vise à adoucir les rapports sociaux est insupportable quand elle vire au paternalisme, la liberté sexuelle n’abolit pas les solitudes et l’agilité verbale blesse plus qu’elle ne guérit.
La verve des acteurs dans ces jeux de représentation nous éloigne de la complaisance masochiste pour confirmer la place particulière du théâtre, quand allant au centre de nos plaies il sait nous donner à réfléchir et nous faire plaisir.

dimanche 20 janvier 2019

Comme un trio. Jean Claude Gallotta.

Pour les amis avec lesquels je partage des émotions au théâtre et en danse, j’ai joué pendant longtemps le rôle du fidèle au chorégraphe des Alpes, alors que eux s’étaient lassés ; eh bien cette fois, au-delà de l’esprit de contradiction que je chéris, ils ont mieux aimé ce spectacle que moi.
Bien que le format à trois dans la petite salle de la MC 2 et un plateau nu avaient pu se prêter parfaitement  à Camus, http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/09/letranger-jean-claude-gallotta.html je n’ai pas retrouvé la désinvolture, la légèreté de Sagan et encore moins la mécanique de «  Bonjour tristesse » prétexte à cette heure de danse en manque de fluidité, semblant se chercher malgré les caractères forts d’une brune et d’une blonde qui expriment davantage la douleur que l’insouciance ou les émois de la jeunesse.   

dimanche 13 janvier 2019

Jamais seul. Mohamed Rouabhi. Patrick Pineau.

Finalement, j’en ai vu pas mal des pièces de Patrick Pineau
La proposition de cette année, concerne les « Invisibles » de la famille des bien visibles maquillés de fluo.
Juste après la lecture d’une série de portraits de Gilets Jaunes dans Marianne, je viens d’apprécier au théâtre le récit en 19 tableaux de la vie d’une quarantaine de personnages vivant  tant bien que mal dans des zones où le bus ne s’arrête plus.
Moins imbibés que les bas fonds russes, nos parkings de super marché ont leurs dépossédés.
Cette humanité souffrante ne manque pas d’humour et même la poésie peut s’inviter.
La fraternité n’y est pas mièvre et le mérite est grand de ne pas voir sanctifier tous ces porteurs de croix : chômeurs, solitaires, handicapés, inadaptés, abandonnés, gitans, noirs, petits blancs.
« S’il y a un monde dans lequel il y a de la méchanceté, de l’indifférence, de l’avidité, de  la solitude, c’est le nôtre. S’il y a un monde dans lequel il y a de l’amour, de la joie, de l’émerveillement, c’est aussi le nôtre. »
J’avais mémorisé comme titre : « Enfin seul ! » alors que la solitude est aggravante en milieu précaire ou dans les moments délicats de la vie : sans doute un vieux reste de « l’enfer c’est les autres » qui allait si bien à nos suffisances adolescentes.
Dans une mise en scène sobre et efficace, la pièce est énergiquement jouée, foisonnante, parfois un peu trop riche à mon goût, comme avec la performance d’une conteuse en début de seconde partie, dont la générosité cependant emporte l’adhésion.
Redécouvrir :
« Du gris, que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est acre, comme du bois,
Ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût,
Dans la bouche. »
Bien sûr que le soliloque dans son garage du « cauche » ( coach) exhortant une équipe disparue m’a ému et confirmé que la métaphore footballistique est féconde pour lire la société. Les deux amants sous les étoiles sont « incandescents », comme sont également justes et percutantes les interventions dans un groupe de parole, belles des fleurs artificielles démesurées, déchirant et joyeux un accouchement par une sage-femme affolée dans ce noman’s land tellement peuplé.
La bienveillance de l’auteur ne l’a pas conduit à effacer les aspérités des individus, nous ne pouvons que mieux les aimer ; les fragiles sont forts qui « n’attendent pas midi à quatorze ans ».
Ce n’est certes pas « tous ensemble tous ensemble » mais trois heures très vite passées avec les autres, nos semblables, nos frères, nos camarades, histoire de ne plus confondre les mots qui conviennent pour accompagner les solitudes. 

dimanche 30 décembre 2018

Causerie musicale. Michel Fugain.

De cinq à sept, à l’heure du thé (dansant), je suis venu retrouver quelque « ver d’oreille » comme disent les Québécois, pour désigner une mélodie obsédante. C’est d‘ailleurs Fugain entouré de sa petite bande de trois musiciens et de sa femme chanteuse, qui  nous a appris l’expression en reprenant au rappel : «  C’est comme l’oiseau ».
Le mélodiste retrace sa carrière avec un humour qui éloigne la nostalgie, bien que :
« Finies les années guitares
Les années couleur d'espoir
Fini l'âge où tout est permis »
Alors que je craignais une pathétique étape d’une tournée de trop, je suis sorti de ces deux heures, ravi par ce spectacle chaleureux valorisant la chanson populaire.
« Un grand poème est l'âme d’un homme,  une grande chanson est l'âme d'un pays. »
Ce n’est pas le genre qu’aimait un journaliste du « Monde » quand il a reproduit l’extrait ci-dessous dans un article féroce pour illustrer sa détestation. Il ne sera pas condamné pour sa critique, mais pour avoir cité sans autorisation l’auteur qui avait été très affecté de tant de mépris.
« Par des chemins difficiles,
De la naissance au trou noir de l'oubli,
Ainsi va la vie
Attention tu n'as pas le droit
De manquer un instant de joie
Sois heureux jusqu'à en crever
Et pour l'âme immortelle, on verra si c'est vrai »
Celui qui a passé son enfance à Voreppe, nous raconte les aléas du métier : « Je n’aurai pas le temps » a du attendre sa reprise par un australien pour connaître le succès, et les intuitions, les fulgurances de ses auteurs qu’il met en valeur : Pierre Delanoë, Maurice Vidalin, Claude Lemesle et Brice Homs.
« Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi »
A partir d’une idée autour de la route 66 américaine, cette romance avait trouvé son french public : l’autoroute avait remplacé « Nationale 7 ».
Bercé par « Le temps de cerises », et autre « Bandiera rossa »,  il avait créé « Le chiffon rouge » qui sonorisa les manifs, mais je ne connaissais pas sa chanson de colère contre les fanatismes religieux :
« Oh! les Très-hauts, là-haut, ça déconne !
C'est quoi tous ces chiens enragés-là ?
Oh! S'ils sont à l'image des hommes
Les Très-hauts, là-haut, sont tombés très bas
Les Très-hauts sont tombés très bas ! »  
Le chanteur solaire dont l’hommage au monde avait servi pour les jeux de Nagano
« Bravo, le vent
Qui fait danser les blés
Qui fait trembler les océans
Bravo pour le soleil
Et la colère du volcan
Bravo pour l'arc-en-ciel
Qui met de la joie dans le cœur d'un enfant »
Il a aussi des accents graves :
« Depuis le temps qu'elle fait le trou
De sa tanière grise
Là-bas, ici, partout
Au cœur de chacun de nous
Elle est l'enfant que la bêtise
A conçu avec l'ombre
La bête immonde »
Mais de toute façon :
« Pour oublier qu'il pleut sur tes vacances
Chante oui chante »

dimanche 23 décembre 2018

Magnétic. Jérôme Thomas.

Lumières pour balles, cannes et plaques.
Lorsqu’un spectacle n’est pas convaincant on se rabat parfois sur les lumières qui ont pris depuis un moment de l’importance sur les plateaux.
Ici les éclairages sont au centre de la représentation d’une heure et magnifient ballets de balles, vertiges autour de longues tiges et variations d’images sur plaques.
Le quatuor de circassiennes virtuoses dans le maniement d’objets  joue entre apparitions et disparitions, éclat de blanc et profondeur des noirs, et compose de magnifiques tableaux abstraits bien accordés à des musiques stridentes ou explosives, concrètes.
Les effets cinétiques nés de l’élasticité des matériaux, de la précision des dispositifs nous ont offert à l’Hexagone de Meylan un moment original et poétique.

dimanche 16 décembre 2018

Sombre rivière. Lazare.

Selon l’intention de l’auteur, « Sombre » évoque la rivière que traversaient les esclaves pour échapper aux chiens, le mot se révèle synonyme d’opacité car le propos, parti dans tous les sens, nous perd complètement.  
Il parait qu’il est question des attentats islamiques de novembre 2015, mais ces termes là ne sont même pas prononcés, pourtant il y en a tant qui sont proférés, proclamés, criés.
Ce qui est surtout perceptible c’est la recherche affolée d’une expression: poésie ésotérique, chansonnettes, déclamations, dérision, plaisir de jouer, vanité des recherches.
Le spectacle est rythmé, les acteurs investis, c’est bien un spectacle de cabaret aux jolies jambes, aux musiques enjouées, une tentative de théâtre nouveau à l’ancienne, voire une représentation de patronage avec un aspirateur à la recherche d’un coton coincé dans une oreille. Dans la malle aux déguisements s’essayent tous les accessoires : fausses fesses, perruques, personnages démultipliés, artiste incompris, cabotinage, poings levés, néons aveuglants, porte manteaux à roulette, accents moqués.
Les dilemmes des arabes de France sont traités bien plus efficacement par le moindre débutant en stand up, sans fumigène ni vidéo en direct, ni quéquette à l’air. La casquette du père Bugeaud a déjà beaucoup servi. Parmi les responsables : le colonialisme est évoqué avec plus d’évidence que le fanatisme.  
Plutôt que l’espoir annoncé, c’est la vacuité qui saute aux yeux : ces deux heures ne sont pas ennuyeuses, car les moyens de distractions différent, mais s’annulent. Que de talents, d’une troupe conséquente, gâchés, pour ne garder en souvenir que la distinction de la prière « bon cœur » de sa maman à ne pas confondre avec celle « du meurtrier ».

dimanche 9 décembre 2018

Clouée au sol. Gilles David. Georges Brant.

Quelle écriture : rythmée, poignante, décapante !
Quelle comédienne, seule en scène, s’écorchant, nous tenant en haleine, nous dépouillant !
Je croyais voir un spectacle de danse dans la salle de  L'Odyssée à Eybens puisque dans le catalogue de la MC 2 , il était question de corps, en réalité il y a très peu de mouvements, sinon avec la fermeture éclair d’une combinaison de vol. Pourtant, c’est vrai que le corps est mis en jeu jusqu’aux jointures des mains qui blanchissent sous l’intensité.
Quand j’ai relu le pitch : histoire d’une pilote d’avion puis de drone au moment de la guerre en Irak, je me suis demandé si je ne m’étais pas fourvoyé n’étant pas particulièrement porté à me mettre dans une peau sous uniforme US.
Pas du tout, au-delà de la réflexion sur la guerre, il est question de notre culpabilité, de nos vies devant les écrans. De surcroit, je ne suis pas amateur de fiction mettant en jeu des mutants mais nous sommes devenus malgré nos esprits forts, des esclaves du virtuel, des aveugles face à nos pertes d’humanité. Il faut bien passer par des situations extrêmes où des écrans jaillit la mort pour nous faire décoller un peu de devant nos windows réfrigérés.
Elle aime son mari et sa fille, après une période baignée dans le bleu, elle a atterri à la « rocking chair force », et voit le monde en gris dans la position intenable de Dieu. Elle-même vit sous l’œil des caméras de surveillance comme son mari dans son job de croupier.
Où sommes-nous, nous ?  Au théâtre, dans le désert autour de Las Vegas et dans le désert du pays des premières écritures, à regarder une comédienne forte et face à nous même avec comme rachat, le plaisir d’une découverte et  celui de comprendre un propos, intensément

dimanche 2 décembre 2018

L’école des femmes. Molière, Compagnie Alain Bertrand.

J’ai récidivé avec cette pièce dont la dernière en date habillait Daniel Auteuil en vieux barbon, pour vérifier s’il y avait quelque « # metoo » prémonitoire dans cette pièce de 1662 http://blog-de-guy.blogspot.com/2009/01/lcole-des-femmes.html  
Mais bien que les excellents acteurs fussent à leur place et la mise en scène enjouée, je n’ai pas trouvé un grand intérêt à cette version avec des personnages manquant de complexité, où les enjeux m’ont semblé loin de la condition des femmes d’aujourd’hui.
« La femme est le potage de l’homme ».
Les mariages arrangés existent encore avec des hommes qui asservissent les femmes, sous grilles et voiles, mais  la langue, cette fois, m’a paru contribuer à rendre artificielles les situations et caricaturales les relations mises en scène.
« Votre sexe n’est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe se trouve la toute-puissance ».
Arnolphe avec cravache est ridicule, Agnès ingénue, Horace amoureux.
« Le petit chat est mort »
Pourtant, plus je vais, plus j’apprécie les classiques en général et une langue au service de dispositifs clairs aux sentiments délicatement traités.
Par ailleurs je regrette que l’école ne soit plus en mesure d’y amener la masse des élèves qui ne sauraient tous apprécier un de nos phares : Molière.
Ma déception est d’autant plus assurée que depuis si longtemps je n’avais pas entendu résonner les trois coups au théâtre dont le dernier arrive sur un pied. Je me suis dit d'entrée : « on va rire simplement »… las. Les bastonnades nocturnes, les confidences instantanées délivrées bien entendu à celui à qui il ne faudrait surtout pas les dire, les dénouements qui font paraître sophistiqués ceux de l’industrie cinématographique hollywoodienne, me font préférer, décidément, le Bourgeois Gentilhomme, Tartuffe et autre Misanthrope…
La salle de la Vence scène à Saint Egrève était complète et le public ravi.