"Spectacle debout" précisaient les billets
destinés aux spectateurs invités à quitter vestes et portables à l’entrée du
spectacle.
Les danseurs dépouillés de tous leurs habits sont à terre,
malmenés, d’abord en solo puis à plusieurs, par une bâche en plastique
transparent agitée parfois violemment par des comparses, pour évoquer
magnifiquement des flots en fureur et leur souffle.
Des lumières subtiles font briller la vague et veloutent les
peaux, mais le recouvrement incessant des humains impuissants par un
élément furieux, bruyant, implacable,
qui par ailleurs envahit les océans, est
oppressant.
Venir de la ville où l’hiver se pointe et se retrouver avec
ces beaux corps nus d’hommes et de femmes au milieu de nos poitrines recouvertes
de pulls en polaire ne laisse pas indifférent, tout en nous épargnant
l’impression d’être des voyeurs libidineux.
La nudité qui depuis quelques plateaux surplombants a pu
paraître parfois un « truc » racoleur, est ici justifiée sans être
univoque : innocence ou pauvreté.
Le dispositif dans la salle Rizzardo est efficace avec la
grande pièce noire coupée en deux par la scène glissante avec dans le troisième
acte, les acteurs rampant à nos pieds, faisant éclater de jolies perles, des préservatifs
remplis d’eau: nous voilà dérangés.
Selon nos humeurs, les interprétations peuvent varier entre
ceux qui ont vu plutôt une naissance au bout d’une quête de l’élément
vital ou d’autres l’expression d’une catastrophe qui s’avance.
Vénus de Botticelli ou le radeau de la Méduse.
« Né de la vague » ou « le niveau des océans
monte » et ne nous épargne pas.
Si je n’ai pas retrouvé toutes les intentions de la
créatrice qui travaille dans une favela de Rio, j’ai apprécié la beauté qui
éclaire cette heure de spectacle et les procédés inventifs dont on se
souviendra.
Quelques chants d’oiseaux ténus, des cris, des respirations,
pas de musique.
Alors que les danseurs tentaient jadis de s’élever, de
bondir au dessus des pesanteurs, à présent je les vois souvent, fragiles, se
débattre face à des forces effrayantes et fatales.
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