dimanche 27 mars 2016

Les insoumises. Isabelle Lafon.

Un tel titre a beau devenir anodin au pays des « mutins de Panurge » comme disait Philippe Muray, c’est pourtant un moment intense que nous avons partagé dans le Petit Théâtre de la MC2. Il est justement question de la recherche des mots justes et de la violence de cette quête dans les trois séquences proposées, du temps de Staline en Russie, avec Virginia Wolf à Londres et dans un hôpital psychiatrique.
Deux entractes d’une demi-heure entre trois séquences d’une heure dix laissent le temps de prendre une bière et une soupe à La Cantine de « La maison de la culture » qui commence à s’organiser plus efficacement.
D’abord « Deux ampoules sur cinq » : depuis un appartement communautaire à l’époque de Staline, la poétesse Anna Akhmatova et la journaliste Lydia Tchoukovskaia, femmes de lettres, comme on disait dans ces années 30, ont des raisons de  se méfier des mots. Un fils emprisonné, un mari arrêté, l’une apprend les créations de l’autre pour en conserver la mémoire plus sûrement que sur un support papier. A la lumière de lampes torches, elles se confient et surmontant l’urgence, la poésie les sauve.
« Let Me Try » s’inspire du journal de Virginia Woolf. Trois actrices mettent en forme les différentes personnalités de celle qui voulait « saisir les choses avant qu’elles ne se transforment en œuvre d’art ». Elles sont drôles et tragiques, légères et brûlantes, iconoclastes, enluminant le moindre feuillage. L’écriture se cherchant, enrichit, colore la langue, élargit la pensée.
Dans la troisième partie «  Nous demeurons », peut-on parler d’ « insoumises à la raison » à propos de femmes qui viennent exposer leurs délires poignants rassemblés dans des revues de psychiatrie ? Elles sont submergées par des voix intérieures, leur souffrance est exposée avec conviction par les comédiennes qui nous rendent proches ces aliénées de la fin du XIX° siècle.
Si les démarches en Russie ou à Londres étaient une recherche de liberté, malgré leur vigueur commune, elles ne peuvent se confondre avec l’expression des diverses folies. « Expression » comme on  dit d’un linge tordu ou comme on presse un fruit, elle se rapproche parfois de nos expériences, quand les mots résistent. Mais je me méfie d’une vision candide de termes aux allures chatoyantes qui sont pour ces femmes seules autant de cris dans le désert, aux désarrois irréductibles.

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