dimanche 13 janvier 2019

Jamais seul. Mohamed Rouabhi. Patrick Pineau.

Finalement, j’en ai vu pas mal des pièces de Patrick Pineau
La proposition de cette année, concerne les « Invisibles » de la famille des bien visibles maquillés de fluo.
Juste après la lecture d’une série de portraits de Gilets Jaunes dans Marianne, je viens d’apprécier au théâtre le récit en 19 tableaux de la vie d’une quarantaine de personnages vivant  tant bien que mal dans des zones où le bus ne s’arrête plus.
Moins imbibés que les bas fonds russes, nos parkings de super marché ont leurs dépossédés.
Cette humanité souffrante ne manque pas d’humour et même la poésie peut s’inviter.
La fraternité n’y est pas mièvre et le mérite est grand de ne pas voir sanctifier tous ces porteurs de croix : chômeurs, solitaires, handicapés, inadaptés, abandonnés, gitans, noirs, petits blancs.
« S’il y a un monde dans lequel il y a de la méchanceté, de l’indifférence, de l’avidité, de  la solitude, c’est le nôtre. S’il y a un monde dans lequel il y a de l’amour, de la joie, de l’émerveillement, c’est aussi le nôtre. »
J’avais mémorisé comme titre : « Enfin seul ! » alors que la solitude est aggravante en milieu précaire ou dans les moments délicats de la vie : sans doute un vieux reste de « l’enfer c’est les autres » qui allait si bien à nos suffisances adolescentes.
Dans une mise en scène sobre et efficace, la pièce est énergiquement jouée, foisonnante, parfois un peu trop riche à mon goût, comme avec la performance d’une conteuse en début de seconde partie, dont la générosité cependant emporte l’adhésion.
Redécouvrir :
« Du gris, que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est acre, comme du bois,
Ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût,
Dans la bouche. »
Bien sûr que le soliloque dans son garage du « cauche » ( coach) exhortant une équipe disparue m’a ému et confirmé que la métaphore footballistique est féconde pour lire la société. Les deux amants sous les étoiles sont « incandescents », comme sont également justes et percutantes les interventions dans un groupe de parole, belles des fleurs artificielles démesurées, déchirant et joyeux un accouchement par une sage-femme affolée dans ce noman’s land tellement peuplé.
La bienveillance de l’auteur ne l’a pas conduit à effacer les aspérités des individus, nous ne pouvons que mieux les aimer ; les fragiles sont forts qui « n’attendent pas midi à quatorze ans ».
Ce n’est certes pas « tous ensemble tous ensemble » mais trois heures très vite passées avec les autres, nos semblables, nos frères, nos camarades, histoire de ne plus confondre les mots qui conviennent pour accompagner les solitudes. 

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