Quand nous dénoncions la présence U.S. au Vietnam, nous
prenions exemple sur les chevelus qui s’y opposaient depuis Berkeley : le
maître du monde s’affirmait au napalm et la contre culture de là-bas nous
séduisait. La guerre en ces années brûlait des fillettes qui s’enfuyaient le
long des rizières mais il était « interdit d’interdire » à nous,
enfants de l’après guerre précédente, fantasmant sur « jouir sans
entrave ».
Tina est morte et Woody est plus morose que jamais.
La planète s’est encore rétrécie mais la sempiternelle
rupture générationnelle se reproduit, encore, alors le vieil observateur ne
peut que regretter : aujourd’hui entre Trump et « woke » avec qui rire
et danser ?
Nous restons formatés par Google gum et sous X que les
médias traditionnels vilipendent tout en ayant comme principales inspirations
ces « gafafeurs », en toute intelligence artificielle avec les Dieux de la Silicon Valley.
La subtilité a disparu aussi de la vieille Europe quand se
vérifie la banale remarque que les mouvements de la société US débarquent chez nous peu de temps après. La 666 a été rendue au désert et le dernier des
shérifs a été revêtu de goudron et de plumes.
Nous sommes dans le double-face des bigots, avec jovialité
surjouée et brutalité, positivité affichée et compétition impitoyable,
puritanisme déclaré et grossièreté.
La judiciarisation de la société marque la méfiance générale
sous des proclamations de tolérance à géométrie variable et les injonctions
concernant la vie privée se multiplient alors que se blinde chaque personnalité
derrière son quant à soi.
L’argent est devenu
la mesure de chaque geste et l’individualisme a vaincu.
« Etre pauvre,
c'est être étranger dans son propre pays, c'est participer d'une culture
radicalement différente de celle qui domine la société normale. »
Michael Harrington
Nous nous asseyons de moins en moins à table, et les
émissions de cuisine à succès ne comblent pas des plans de travail de plus en
plus vastes, nous ne lavons plus une
salade. La planche à repasser devient ringarde et le coup de peigne
superfétatoire. Les devoirs se font sur les genoux et les bonjours
s’ignorent au détriment d'autoportraits au téléphone, alors il faut
multiplier les émojs pour faire croire en sa présence et à son attachement. On ne va plus guère au cinéma et le canapé recueille plutôt
un avachi solitaire que la famille autour d’un même programme.
En contrepoint de cette complainte d’un vieux du vieux
monde, je sors - un court instant - de mes déplorations pour apprécier dans les
vœux de la municipalité de Saint Egrève la reprise de la formule
olympique : « l’important est
de participer ». Outre qu’elle évoque un évènement à venir susceptible
de réunir une nation querelleuse, ce souci de contribuer, d'être avec les autres, se remarque
localement tout au long de l’année avec valorisation de chaque membre du
conseil municipal et appel aux citoyens à apporter leurs contributions à la
réflexion collective. Pourtant du même parti écologiste que le célèbre maire de
Grenoble, la pratique de la nouvelle équipe municipale est discrète,
respectueuse, tout le contraire du sectaire promoteur du burkini ne sachant que
mettre sur le dos de l’état ses manquements.
Au point qu’il me donnerait envie de reprendre un double scotch quand il
demande de souscrire au « Dry January », alors que vous êtes en train
d’adopter tout seul un comportement plus vertueux en matière de liquide alcoolisé.
« Est fanatique
celui qui est sûr de posséder la vérité. Il est définitivement enfermé dans
cette certitude ; il ne peut donc plus participer aux échanges ; il perd
l’essentiel de sa personne. Il n’est plus qu’un objet prêt à être
manipulé. » Albert Jacquard
Je viens
aussi de me régaler d’un article, tellement inhabituel : compte rendu
d’une classe dédoublée à Noisy- Le- Sec par une journaliste allemande décrivant
un bonheur d’apprendre et à enseigner qu'elle juge inspirant pour son pays.
Je ne sais pas exactement à quel moment je me suis dit que je voulais apprendre des choses qui ne sont pas enseignées, qu'on n'explique pas dans les livres sous forme de prose assez anémiée et impersonnelle.
RépondreSupprimerC'est en méditant "Les Bacchantes" d'Euripide, et en le mettant en parallèle avec "Le Roi Lear" que je conclus que l'abdication est un mal pour les intéressés. Pour Penthée dans le premier cas de figure, c'est un mal que son père abdique. Pour les enfants de Lear, ils sont tous détruits par l'abdication de leur père, sans exception. Y a-t-il une bonne... solution à ce problème ? Certes, quand les pères (ou les mères ??) au pouvoir s'éternisent, c'est... mauvais. Quel mal est préférable ? Je n'ai pas la réponse.
Pourquoi c'est important ? Parce que je me dis maintenant qu'il se pourrait bien que la retraite APRES le travail soit... une abdication, autrement dit, une fausse bonne idée. Tu es assez âgé maintenant pour savoir à quel point le mal entre dans le monde PAR le désir de faire le bien. Notre condition humaine ne serait pas... tragique si ce n'était pas le cas.
Donc, je dis qu'il se pourrait bien que la retraite soit une fausse bonne idée, et une abdication. Alors, ça permet d'avoir une idée de l'ampleur de notre mal collectif en raison de cette fausse bonne idée. Tant de boomers qui... abdiquent, ça ne fait du bien à personne, et ça met la pression de tourner la page si forte que... les pauvres créatures que nous sommes succombent, car même si "nous" avons marché sur la lune, nous restons de pauvres créatures, et quelque part en nous, nous le savons, même si nous faisons TOUT pour ne pas le savoir.
Credo.
Oui pour le bonheur d'apprendre et à enseigner qui a toujours été une affaire de.. personnes, et pas d'institutions.