Ci-dessous, le discours que j'ai prononcé lors de la fête de l'association sportive de mon village natal, Le Pin dans l'Isère.
« Le peu de
morale que je sais, je l'ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades
de football, qui resteront mes vraies universités.»
Je ressors la formule de Camus dont j’ai usé dans des
milieux où il était de bon ton de prendre les footeux de haut, réduisant ce divertissement
pour « manchots » à « des
smicards qui applaudissent des millionnaires ».
Pourtant le sport le plus universel demeure un des espaces
où s’exprime naturellement la diversité.
Le temps d’une troisième mi-temps, en 1998, notre pays s’est
aimé en « black, blanc, beur ».
Depuis tant de dimanches, nous savions les bienfaits de
porter les mêmes couleurs : paysans, maçons, bouchers, étudiants,
ouvriers, employés …Le ballon rond fournit bien souvent un lieu commun de discussion,
de distinction, d’amusement.
Nous savons bien ce qu’est un « petit pont » et
que les « balais » ne sont pas réservés aux techniciens de surface, surtout
quand celle-ci est de réparation.
Les terrains soignés derrière leur limites de sciure, mais
souvent bosselés, boueux, gelés, semés de pierres, nous ont confirmé où se situaient
les Terres Froides, mais quand la saison des tournois de sixtes arrivait, le
printemps en était renforcé.
La seule légitimité qui me permet de m’exprimer devant vous vient
de mon père qui consacra une partie de sa vie à l’ASP, parce que le foot c’est
aussi une affaire de transmission.
Les générations parlent un même langage autour de la
pelouse, retrouvant une part d’enfance quand la joie ou la peine s’en donnent à
cœur joie.
Je me souviens des tuiles en carton qui avaient été vendues
pour financer la construction des vestiaires du stade du Vernay, bien que dans
notre ingrate jeunesse nous avions été
fatigués des rappels héroïques qui se tassaient dans « la
camionnette à Boulord », premier moyen de transport dans les années 40.
Nous chérissons aujourd’hui ces souvenirs.
L’ASP était un lieu où les Jurassiens de la laiterie se
faisaient connaître, où un Gascon pouvait se faire entendre. On a même vu des Savoyards
ou des natifs de Montferrat prendre place autour de la main courante du coquet
stade du Vernay.
Rêver de Kopa, Platini, vous pousse aussi à grandir.
Nos indignations envers des subjectivités arbitrales ne
pouvaient se cacher derrière des écrans désormais peu avares d’AVAR. L’injustice,
donc la justice, était humaine.
Depuis que des poteaux carrés sont venus se mettre en
travers de nos verts espoirs, nous avons pu apprendre les caprices du destin et
cultiver un brin d’humour.
Le foot est bien
entendu un révélateur des mécanismes économiques de la société et une
caricature de nos fonctionnements quand plusieurs millions de sélectionneurs sont
persuadés de détenir la bonne formule.
Le foot fut dans mon métier, au-delà des connivences et des
métaphores, un outil pédagogique dont j’ai usé auprès des élèves et je me suis
fait tout petit, quand j’ai pu saluer dans une travée de stade au Cameroun,
Salif Keita dit « la perle noire » dont l’histoire valut un livre et
un film : « Le ballon d’or ». Arrivé à Orly, il avait commandé un taxi pour Saint Etienne comme
on commande un taxi de brousse : le prix de la course a pu être amorti.
Ce ballon si lourd quand il était gorgé d’eau, offre
l’occasion de mesurer les évolutions de ce qui fonde la notoriété. La salle des
fêtes de Le Pin pouvait recevoir Albert Batteux qui fut un des entraineurs des
plus célèbres d’Europe : le corner à la rémoise, les relances à la main de
Dominique Colonna…
Alors que la société sportive de Le Pin fut montée par des
militants de l’éducation populaire pour éloigner la jeunesse des bistrots présents
à la sortie de la guerre dans chaque hameau, le rassemblement d’aujourd’hui ne
manquera pas de nous faire trinquer à nos retrouvailles.
Je transmets le micro, façon de célébrer le geste
décisif de la passe, en sautant par-dessus les années qui nous ont parfois
séparés pour refaire le match.
J'avais marqué mon admiration pour le travail de Michel Chavand, Jean Jacques Chollat, Dominique Ratel, Pierrot Monnet, Françoise Vittoz, Daniel Revol qui depuis deux ans ont mis tout leur dévouement, leur obstination, leur créativité dans une organisation de pro pour assurer le succès de ces retrouvailles et apprécié les photos de Robert Guillaud et les talents d'animateur de Jacques Prieur.
Bravo. J'approuve. Je ne connais rien au foot. Je le regarde peu, et de l'extérieur. Mais j'ai du respect pour un travail d'équipe mené avec discipline, engagement, enthousiasme. Où il est question d'encadrement de la jeunesse, et de transmission.
RépondreSupprimerUn orchestre participe de cela aussi... sans que je veuille parler de "sport de compétition".
Beau discours.