vendredi 21 septembre 2018

Coach.

Je fus honoré jadis de l’appellation « maître » par laquelle me désignaient mes élèves.
Le mot sent le précepteur d’ancien régime, l’instituteur instituant,  le tuteur, il est désormais rayé de la carte. La désuète expression, bannie aujourd’hui des salles de classe et des cours de récréation, subsiste pour des adultes parmi les plus transgressifs qui aiment parfois s’accroupir.
Mauvaise fortune également pour le mot « entraîneur », désormais sur le banc, remplacé par « coach » forcément perso et globish. Celui-ci aurait pu regagner vigueur, depuis que Dédé s’est finalement bien débrouillé avec ses stars dont les ego menaçaient notre devise déclinée le temps d’une fête en : « liberté, égalité Mbappé ».
Qu’en est-il de ces mentors, guides et autres chefs ? Comment ça va avec la liberté ?
Quelques papas/mamans, suiveurs de toute directive digitale, s’en voudraient d’entamer la liberté de leur progéniture qui les tyrannise parfois dans un consentement des plus béat.
Triste cire des sourires figés qui ont proscrit depuis longtemps le terme « instruction » dans toute publique acception.
J’aime aller fouiller dans les bassins de décantation où flottent d’autres mots en gras.  
« L’autonomie », tant revendiquée à mesure qu’elle se mettait fil du téléphone à la patte, fait-elle encore illusion dans les prémisses des apprentissages ?
Certain(e) s avaient envisagé l’abandon de l’adjectif « maternelle » pour cette école qui faisait une des fiertés du pays où malgré tout les rares hommes travaillant dans l’éducation sont plutôt là.
Si quelques personnes plus âgées persistent à proclamer « l’insoumission », c’est que celle-ci resterait à compléter, à cette heure avancée du « soir » qui sera « grand » à n’en pas douter : rendez vous à la manif de la semaine prochaine, de la semaine prochaine, de …
Mots fastoches pour un paradoxe de plus qui fait porter aux héritiers, les désirs d’émancipation de leurs aînés, d’autant plus dociles envers les injonctions médiatiques, les conformismes des réseaux, qu'ils ne jurent que par la « Liberté ». Un leurre, lorsque « le bon sens » est devenu une pauvre chose hors du coup.
Je croyais que les « livres » étaient un antidote à ces aveuglements, j’étais aveugle.
Lorsque je vois les rayons de la FNAC envahis de textes de charlatans du développement personnel, au détriment des romans se signalant comme tels, l’irritation est vaine : c’est un fait de société. Et tous ces manuels, ces heures, toutes ces émissions concernant « la Méditation » pour s’autoriser simplement à réfléchir avant d’agir. Comme « La citoyenneté » tant proclamée lorsqu’elle disparaissait, le « Vivre ensemble » n’allant plus de soi, « La réflexion » serait-elle en voie d’extinction comme « La bienveillance » qui a besoin de circulaires ou « La confiance » d’un bouquin de ministre ?
Le culte de l’individualité va avec une perte de substance des personnalités pixélisées qui s’affichent entre deux émoticônes, en sommaires réactions, en reprises de la pensée des autres, ne s’aventurant guère dans la nuance, si peu friande de paradoxes et de contradictions fécondes.

1 commentaire:

  1. Il est temps de trouver une bonne traduction du "Guépard" de Lampedusa. Comme ça tu pourras savourer la délicieuse prose de quelqu'un qui est déjà passé... par là où nous passons... C'est vieux comme le monde, mais quand c'est soi qui le vit, comment dire ? c'est douloureusement "nouveau".

    La réflexion fait partie de ces mots dont le préfixe est... "re". Comme... "retour", comme "répétition". Des mots qui... n'AVANCENT PAS, parce que leur rôle est de freiner le fanatique mouvement en avant (PRO-GRES). Mais.. pour rigoler, se souvenir que le mot antagoniste au progrès est bel et bien la REGRESSION, et là... on voit beaucoup de régression de nos jours, un peu chez tout le monde, d'ailleurs. La régression... est humaine, mais pas très...productive ? ragoutante ?
    Quand les choses (et les personnes) se gâtent ou.. SONT GATEES, et bien, le bien COMMUN trinque. Tout comme le TERRAIN D'ENTENTE.
    Pour rigoler... je garde précieusement en mémoire la phrase d'Isaïe (la Bible, pour ceux qui ignoreraient..) où il est dit : "nous tous, comme des moutons, nous nous sommes égarés, chacun s'est mis à aller dans sa propre direction, et le Seigneur a posé sur Lui (le Messie) l'iniquité de nous tous."
    Belle phrase, je trouve, écrite bien avant la révolution industrielle...

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