mardi 24 octobre 2023

Kiss the sky. J.M. Dupont Mezzo.

« Si le nombril des femmes était une lucarne d’où leur enfant, avant de naître, pouvait voir ce que leur réserve la vie… certains choisiraient sûrement de passer leur tour. »
Ainsi commence le premier volume, au format d’un disque Vinyle, d’un récit consacré à Jimi Hendrix qui au bout des 80 pages offre un répertoire de 52 titres pour accompagner autant de cases grouillantes, aux noirs lumineux.
Les remarquables dessins parfaitement documentés accrochent l’attention de ceux qui n’auraient comme image du joueur de guitare avec les dents, que  son appartenance au club des rockers morts à 27 ans comme Brian Jones, Janis Joplin, Jim Morrison, Amy Winehouse…ou Basquiat dont la patte convient parfaitement aux musiques de James Marshall Hendrix, 
Nous sommes amenés en amont de 1942, son année de naissance avec la part apportée par une grand-mère cherokee. Entre une mère alcoolique et un père violent, il a appris à survivre et à supporter l’instabilité sentimentale et la précarité de ses contrats de musicien en ses débuts sur scène. Il y a croisé Little Richard, Elvis Presley, Aretha Franklin, Bob Dylan
Le gaucher a retenu le son des avions lors de son passage chez les parachutistes, il joue très fort avec des amplis de plus en plus puissants. 
Il est le plus grand des guitaristes d’après les connaisseurs.

lundi 23 octobre 2023

Déserts. Faouzi Bensaïdi.

Ce film marocain ose le burlesque en milieu miséreux.
Deux compères en costard-cravate font le tour des familles qui n’ont pas remboursé leurs emprunts mais leurs conditions de vie ne sont guère différentes des pauvres malheureux qu‘ils sollicitent.
Le road-movie bifurque en cours de route vers la poésie. Les paysages magnifiques 
appellent le western parodique en voiture poussive avec passager perturbateur.
La dimension politique est très présente avec banque prédatrice et foule candidate à l’exil sans que soient assénés de leçons des insoumis de palace.

dimanche 22 octobre 2023

Gilberto Gil & family.

L’octogénaire tropical accompagné par ses fils et une des ses petites filles est dans une forme éblouissante.
Il précise chaque fois les auteurs des morceaux de samba, bossa nova, saudade, reggae 
qu’il enchaine devant une salle acquise dès le lever du rideau.
« … nous, Brésiliens, sommes des anthropophages culturels ; nous nous sommes nourris de plusieurs peuples et cultures qui restent en nous, mais dont nous avons fait quelque chose de neuf. » Oswald de Andrade
On peut regretter de ne pas être lusophone, mais la chuintante langue participe à la douceur des musiques qui rendent allègre la nostalgie, allant jusqu’à nous permettre de broder sur le thème de la misère au soleil. 
« Que Dieu a donné à toutes la magie
Pour le bien, pour le mal, première terre à Bahia
Premier carnaval, premier pilori également »
 Après nous avoir livré un morceau écrit en prison en 1969 à Rio où il avait été enfermé avec son complice Caetono Veloso, l’ancien ministre de Lula en 2003 reprend en français, un texte écrit pour Harlem Désir, il y a longtemps : 
« Touche pas à mon pote
Ça veut dire quoi?
Ça veut dire peut être
Que l'Être qui habite chez lui
C'est le même qui habite chez toi….
Il fait chanter Charles Aznavour
Il fait filmer Jean-Luc Godard
Il fait jolie Brigitte Bardot »

samedi 21 octobre 2023

Mon maître et mon vainqueur. François-Henri Désérable.

 
« Est-il sensible ou moqueur,
Ton cœur ?
Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature
D’avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur »
Verlaine dont le titre est tiré d'un de ses vers était inévitable pour une histoire d’amour fou entre deux fous du poète : Vasco conservateur à la BNF et Tina mère de jumeaux en passe de se marier avec un autre.
Poétique, drôle, bien que la distanciation permise par le récit dans le bureau d’un juge alourdisse à mes yeux ces 200 pages, d’autant plus brillantes que les histoires d’amour, comme disent la chanson, finissent… en hématome. 
« Le sonnet, c'est un peu comme l'amour conjugal : sa beauté naît des contraintes qui lui sont inhérentes. Pour le sonnet : nombre invariable de vers, invariablement répartis en deux quatrains suivis de deux tercets, nombre équivalent de syllabes pour chaque vers, alternance des rimes féminines et masculines, etc. 
Pour l'amour conjugal : pesanteur du tête-à-tête quotidien, inévitable effet de routine, inopportune irruption du trivial, etc. Et c'est en dépit de cela qu'il faut tirer du beau, voire du sublime - et c'est, inversement, ce qu'il y a de si grisant mais aussi d'un peu facile dans le vers libre et l'adultère… » 
Au cours d’une lecture jubilatoire, nous apprenons qu’à l’hôpital psychiatrique sainte Anne, en plus de l’inévitable allée Verlaine, il y a la rue Van Gogh, et celle nommée Gérard De Nerval, « Soleil noir de la mélancolie » qui débouche sur le parc Charles Baudelaire, l’auteur du Spleen.
Au cimetière Montmartre à côté de la tombe de Stendhal : 
« …  il y en avait une autre, sur laquelle on pouvait lire :Robert L. (1923-2006), époux de Nicole L., née J. (1932-20  ). » 
Les nombreuses allusions littéraires coulent de source dans un contexte où le drame fait sourire : 
«  Et qu’est ce que la vie, disait Vasco, si l’on y songe un instant ? 
Des petits bonheurs éphémères, dominés par d’insondables chagrins »
Pagnol disait :  
« Telle est la vie des hommes. 
Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins
Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. »
J’avais retardé la diffusion du « Château de ma mère » à mes petits enfants pour que soit divulguée le plus tard possible cette sentence.

vendredi 20 octobre 2023

La paille et la poutre.

«Lorsque tu ôteras la poutre de ton œil, 
alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »  Matthieu
Comment ne pas entretenir des défauts qui nous hérissent chez les autres ?
Ainsi en est-il, en ce qui me concerne de la tendance à généraliser voire à essentialiser.
C’est que la tentation est grande quand un fait mineur donc original semble significatif de l’époque.
Ainsi je voyais volontiers comme accélérateur de l’individualisme contemporain, l’émission des années 2000 «  C’est mon choix » d’Evelyne Thomas où s’exhibaient : « Je m’habille comme ma fille », « Je suis un macho », « Ma passion passe avant ma femme »
Elle fut choisie pour incarner Marianne dans les salles des mariages, son influence était peut être plus grande que celle des plus pertinents éditorialistes.
J’aime aussi voir un basculement des valeurs lorsqu’ « intello » a été admis comme une injure. Dans la même veine, l’abandon de la matinée du samedi a signifié que l’école n’était plus maître du temps.
Nous ne savons anticiper les déplacements tectoniques alors de petits signes peuvent obséder.
Ceux qui échapperaient aux passions de l’heure, ne savent pas forcément mieux analyser les séquences longues.
Le mouvement des lumières a débouché sur la révolution française, dont même la devise liberté, égalité, fraternité est mise à la question aujourd’hui.
Vers quelle obscurité allons-nous, depuis que nous sommes sous pseudos, sous masques, sous voile ?
Notre planète aplatie, en voie d’effondrement, n’est plus au centre du monde depuis Copernic mais suivre cette pente funeste nous dispenserait de réagir comme le lancinant constat de l’école en tant que matrice des inégalités serait l’alibi à tous les renoncements.
Le désespoir démobilise alors que ChatGPT est une chance, si on ne suit pas ce collégien: « A quoi bon apprendre, tout est sur Internet ».
Relever des paradoxes me parait toujours fécond et ne me dispense pas de répercuter une critique contre l’abus d’écrans par écran interposé, vautré dans la contradiction.
Comment célébrer la réflexion, la créativité sans se cacher derrière son pouce à scroller ?
Wikipédia est le Larousse d’aujourd’hui, mais la chèvre de Monsieur Seguin, 
« et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande » 
procure plus d’émotions que bien des  algorithmes.
Fatigué des tics d’aujourd’hui, je ne peux me couper des tik-tok, je viens de voir un de mes amis en train de perdre ses mots dans la douleur de ne plus pouvoir s'exprimer. Si je dois bien chercher pour trouver un titre de film ou de spectacle qui serait dans la langue de Dujardin cela reste anecdotique, mais nos répertoires s'appauvrissent, notre langue n'est plus à la mode que ce soit dans le tram ou dans les lieux branchés.    
Je me sens « out », exclu, quand un évènement lyonnais se présente ainsi :  
« des talks pas chiants, des masterclass pas pompeuses, un playground illustré, des courts-métrages animés, des concerts augmentés, du tatouage, des battles d’illustrateur·rice·s et plein d’autres chic formats. » 
Le vieux dauphinois "y " est allé, nous avons fait une partie de baby-foot, il y avait beaucoup de monde aux Subsistances.
« Les mots qui font fortune appauvrissent la langue.» Sacha Guitry
 

« La cabane est tombée sur le chien »

Vendredi dernier, à l’échéance de ma publication hebdomadaire de bavardages politiques, je n’ai pas publié de texte, j’ai pas pu.
Face aux rumeurs et aux clameurs, les mots manquent quand toute pensée est ensevelie.
Sur ce blog, j’essaye de ne pas délivrer de trop contreproductives leçons; il ne me reste qu’à plaindre profs et parents qui se doivent d’expliquer l’innommable.
De beaux textes se sont multipliés, mais je retiendrai que « Le Monde » a titré «  terrorisme islamiste » et une représentante du SNES a utilisé aussi cette expression auparavant  taboue pour certains. Panot n’a pas les mots : l’ignominie de la responsable des Insoumis à l’assemblée refusant de qualifier les auteurs du dernier pogrom en a peut-être poussé quelques autres à désigner clairement les choses. 
Boko Haram est explicite dès son intitulé qui signifie : « l'éducation occidentale est un péché ». 
« Depuis six mille ans la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs. » 
Victor Hugo
L’inconcevable barbarie ne se dissout pas dans le progrès technique: depuis toujours au cœur des hommes, elle s’accroit chaque jour, favorisée par les marées cliqueuses.
Dans l’actualité de cette mi-octobre devenue une liste des horreurs, n’était pas encore venu s’insérer le poignard de l’assassin d’Arras, alors que les sables du Néguev avaient déjà ajouté une couche à nos découragements.
Les terres brûlées des Dieux uniques obscurcissent nos horizons : rendez nous Zeus et Vénus !
Palestiniens et Israéliens s’accordent pour aggraver leurs situations et l’idée même de discussion apparait plus vaine que jamais, ridicule. Les dessins où se tiennent par les épaules un enfant à kippa et un autre à keffieh sont dérisoires, voire niais.
Les trop chrétiens arméniens du Haut Karabagh, affamés depuis des mois, passent furtivement en bas de nos écrans, réfugiés parmi les réfugiés.
La déraison est sans frontières : alors que le Président en Corse ouvrait un chemin de conciliation, lors d’une « nuit bleue » de plus, explosaient quelques résidences secondaires d’impurs continentaux, sans que soit émise la moindre protestation des Indignés patentés.
« La France, soit tu l’aimes soit tu la quittes » était un slogan du Front National.
Quand « France » est remplacée par « Corse » cela deviendrait-il progressiste ?
En marge de ce maelström d’inhumanités, « la cabane est tombée sur le chien » comme on disait dans les  matchs de rugby. La pittoresque expression serait  appropriée pour dépeindre l’ensemble de nos accablements. Les réactions de  Fabien Galthié refusant d’entrer dans les critiques adressées à l’arbitre viennent confirmer les vertus de ce sport : respect.
Dans le bain des moqueries, des dérisions, des satires, un spot d’une campagne contre le harcèlement scolaire ne peut que s’éteindre aussitôt qu’il s’allume. Le mépris devenu tellement courant dans les relations permet aux dédaignés de jouer les victimes et d’insulter les autres. Les gilets jaunes avaient illustré l’irrévérence contre l’indifférence, mais l’arrogance n’a pas de camp :  dans la provocation crachotante, il y a du Trump chez Mélenchon. 
Comment croire en la force des mots et des modes quand les informés Patrick Cohen et Anne Sinclair s’étonnent que « Meetoo » ne soit pas connue en banlieue ? Seraient-ils à ce point dans l’illusion de leur pouvoir, eux qui savent que de trolls de types pensent que la terre est plate ?
La parole écologiste n’a jamais été autant répandue et pourtant sert de repoussoir dans bien des contrées. Parler du temps qu’il fait n’est plus anodin, mon atavisme paysan me fait souhaiter la pluie et bannir le terme « beau temps » tandis que les thermomètres automnaux explosent. Sale temps.
Pour ne pas me complaire dans le négatif comme tant de mes compatriotes, il me plait d’évoquer un beau moment vécu à l’occasion d’une soutenance de thèse portant sur les atteintes cardio-vasculaires chez des enfants présentée par un jeune homme plusieurs fois opéré du cœur. Le sauvé est devenu soignant et pas seulement des corps, il redonne un peu de vigueur à notre foi en l’Homme. Au moment où l’humanité s’acharne contre elle même, les exigences du jury faisaient plaisir et l’éternel serment d’Hippocrate a concerné et ému ses nombreux amis dans l’assistance. 

jeudi 19 octobre 2023

Art contemporain # 4. Gilbert Croué.

Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble poursuit sa présentation de 5 artistes contemporains de 5 pays différents aux techniques diverses. 
Ori Gersht , 55 ans photographe israélien reproduit des compositions florales de Fantin Latour et les explose « Blow up ». Il relie les époques. 
A partir du tableau de Juan Sánchez Cotán  
« Coing, Chou, Melon et Concombre » (1602) où tout est silence et simplicité,
il détruit d’une balle, une grenade « Pomegranate: Off Balance »
Il filme l’impact et photographie des séquences différentes. 
Morandi peignait avec obstination des natures mortes quasiment monochromes,
aujourd’hui le professeur de l’Université de Rochester en montre la fragilité 
« New Orders, Evertime 02 »
En hommage à Chardin : « Falling Bird » peut se voir en vidéo.
« Falling Bird' Ori Gersht - Martin Testar Cinematographer » 
Cristina Troufa (41ans) peintre portugaise, joue des formes sur fond uni. « Fado » 
« Résistance ».
Le vide est spectaculaire dans le ciel pour « Jeux de cartes »
ou dans l’eau avec la série « Free ».
L’« Armure » peut se fendre,
  alors que les vêtements écartés symbolisaient la colère du temps de Giotto
Romuald Hazoumé (61 ans) Béninois, joue avec les masques tels celui de la « Reine Idia » du XVI° siècle.
« Je renvoie à l'Ouest ce qui leur appartient, c'est-à-dire les déchets de la société de consommation qui nous envahit chaque jour
. »
Il ne manque pas d’humour lorsqu’il dit de lui-même qu’il est un « artiste bidon »,
mais n’oublie pas l’esclavage dans « La bouche du roi » 
allusion à une gravure célèbre représentant un navire négrier.
Depuis que
Liu Bolin (50 ans) avait été chassé par le gouvernement chinois de son atelier avec d’autres artistes, il se fond dans les paysages,
se camoufle en palissade, en fauteuil à la Scala, voire en coffre fort Suisse…

parasite une affiche, ou se fait objet parmi les objets.
Le français Jérémie Brunet (48 ans), artiste digital, représente les formules mathématiques les plus sophistiquées : les fractales s’enjolivent d’algorithmes.
« La pyramide de Sierpiński » peut donner une idée de l’infinité des répétitions 
que les ordinateurs rapprochent de l’infini
comme
« Le chou romanesco » dont la plus petite partie est semblable aux plus grandes.
Les répliques peuvent donner dans la dentelle.
Depuis la mystérieuse « Entrée des élus au Paradis » de Jérôme Bosch,
toutes les surprises peuvent advenir dans les paysages.