dimanche 25 octobre 2020

Récital de guitare. Renata Arlotti.

A tous coups la guitare évoque l’Espagne, mais cette fois le plancher ne tremble pas ; nous sommes à l’auditorium de la MC 2 et  nous écoutons sagement les musiques dansantes dans toute leur subtilité.

La belle guitariste Italienne nous propose d’abord des extraits de 24 caprichos (caprices) de Goya de son compatriote compositeur Mario Castelnuovo-Tedesco sur fond de « fantaisies », gravures satiriques de l’auteur du « Sommeil de la raison engendre des monstres ».
Pas besoin de démonter le génome des accords enflammés et surprenants sous les doigtés virtuoses de la jeune artiste pour savoir que nous avons franchi les Pyrénées.
En deuxième partie les musiques de Vicente Asencio et Enrique Granados s’accordent bien aux images ensoleillées de Joaquín Sorolla et Ramon Casas, loin du maître des ténèbres, mais gardant une part de mystère.
Par leur travail, leur capacité à mémoriser, leur énergie, de tels interprètes nous redonnent foi en notre culture dont on aurait tendance à douter sous les assauts des malveillants, des démagos et des criminels.  

samedi 24 octobre 2020

Histoire du fils. Marie-Hélène Lafon.

Il est plaisant ce jeu avec le temps lorsque l’on attend la dernière production d’un auteur qu’on apprécie  
et qu’il est assouvi tout en étant contrarié par le délai qu’on aura à attendre pour le prochain livre.
Comme il est rassurant de retrouver ces terres en Massif Central du côté d’Aurillac dans le Cantal: 
« On les avait vrillés l’un à l’autre, noués, descendus du Nord lointain du département, un pays pentu, bourru, caparaçonné de neiges interminables entre novembre et avril, et striés d’orages impérieux pendant les deux mois d’été éruptifs où tout ce que le sud du département compte de domaines agricoles notoires envoie à l’estive, là-haut, au-delà du Puy-Mary et du Lioran, sur les plateaux du Cézalier ou du Limon, force troupeaux de vaches rouges promises à la griserie longue des montagnes fourrées d’herbe grasse. » 
J’ai été d’abord dérouté par une chronologie chamboulée mais mon inconditionnalité envers l’auteur m’a conduit à y voir une habileté bienvenue lorsque les absents et les morts sont tellement présents dans l’épaisseur d’une vie familiale qui s’acharne à vivre. 
«  Il y a eu des complications, des attentes, des déceptions, mais ça n’a pas tourné au drame parce que Juliette et André ont le goût du bonheur, de la joie, des choses vives et douces qui font du bien. » 
Pour le plaisir des mots pesés, une phrase parmi les 171 pages dit bien des choses : 
« Le multiservice ouvrait à quinze heures, l’église était fermée mais le cimetière pavoisé de frais aguichait l’œil à flanc de coteau, inondé de soleil roux, presque sémillant ; des noms, des dates, des durées de vie que l’on calculait presque malgré soi, quelques caveaux péremptoires plantés avec aplomb au milieu des tombes quasiment alanguies dans la tiédeur insolente de l’air. »

 

vendredi 23 octobre 2020

Nous vivions en paix.

Trottinettes et nombrils à l’air… nous nous excitions envers les micros prosternés devant une conseillère municipale qui disait vouloir « éliminer les hommes »  ou l’autre olibrius Geoffroy de Lagasnerie : «  Moi je suis contre le paradigme du débat, contre le paradigme de la discussion », histoire de se sentir vivant d’indignation.
Et je m’émerveillais de l’application de ma petite fille à colorier un dragon et de ce bon mot d’une autre petite fille à propos de Charlie hebdo :
«  Si on n’est pas content d’un dessin on n’a qu’à en faire un plus beau ! »
Oublieux, je pensais comme le ministre de la justice en septembre :
«  La France n’est pas un coupe-gorge ».
Nous sommes bientôt en novembre.
Le professeur décapité a eu droit d’être appelé  « Monsieur » dans un pays où ça ne se faisait plus, car après la Liberté se passant de masque, l’Egalité était comprise comme si tout le monde avait élevé les mêmes cochons. Avec la Fraternité, débranchée depuis un moment, la trilogie républicaine est devenue tel un calice de vin de messe à prendre pour un véhicule de la rédemption.
En écrivant : « Ces coups de couteau nous traversent », je reste dans le registre des mots creux et des bougies fondues. 
Combien de meurtres encore pour voir ce que nous ne voulons pas voir, ces « territoires perdus de la République» qui s'étendent ?
Et nous reviennent de Toulouse à Nice, tous ces crimes que nous avions remisés dans une rubrique où est amalgamé sous le terme de fanatisme tout ce qui nous dépasse.
Alors que la mort de quelques enfants juifs, curé, passants, parmi d'autres damnés, est revendiquée par les islamistes bien au delà de quelques déséquilibrés, tant les complicités se sont installées depuis longtemps, estimons ces mecs de la Mecque, en les combattant non pas au couteau, mais idéologiquement, pour la République, débarrassés des entraves que nous nous sommes inventées.
« Critiquer l’islam, c’est le mettre sur le même plan que toutes les autres religions et opinions. C’est donc le respecter. Ne pas le critiquer, c’est penser qu’il est incompatible avec la démocratie, comme on préserve la sensibilité d’un petit enfant qui ne peut pas endurer la même chose que les adultes. » Pierre Jourde
Et nous en apprenons ! Que n’auraient dit les profs de SUD si un prêtre avait accompagné un parent d’élève pour rencontrer un principal de collège alors que ce fut le cas avec un imam ? Où sont passés les délégués parents d’élèves ? Et La FCPE qui faisait sa pub avec une femme voilée ? De petits faits se sont installés, accumulés, banalisés et paralysent les institutions de la République. Mila a dû changer de collège, pas ses persécuteurs.
Le fait d’avertir les élèves musulmans que des images pourraient les choquer est dans la lignée des « Safe space » des campus américains sensés éviter toute contradiction.
Mais qui ose encore parler de "Charlie" en classe et de ses journalistes sous protection policière depuis des années ? Et qui suis-je pour blâmer ceux qui ont renoncé?
Passé le moment d’hommage à la profession enseignante dans son ensemble, alors que chacun n’a pas le courage de Samuel Paty, «  Pas De Vagues » viendra chuchoter à l’oreille du « Mammouth » et Farce Inter continuera d’inviter un prof pour dire que le problème samedi jour d'hommage au professeur d’Histoire Géographie et d’Education Civique était la présence du ministre de l’Education Nationale place de la République : que n’aurait-il dit s’il n’y avait pas été ? 
Innocents sur ce coup de tout colonialisme envers la Tchétchénie, pourrons nous reprendre nos querelles subalternes et n’avoir à nous désoler que de la défaite de l’OM face à l’Olympiakos ?

jeudi 22 octobre 2020

Monet : le sacre de la lumière. Damien Capelazzi.

Le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble avait choisi un portrait de  l’artiste à 25 ans pris par Etienne Carjat, bien que celui qui s’est éteint à Giverny à 86 ans soit passé à la postérité avec sa vénérable barbe blanche.
Nous l’avions déjà croisé : 
Oscar Claude Monet est né en 1840, à Paris rue Laffite, plus tard devenue une rue où les marchands de tableaux sont nombreux. Son père agent de commerce ayant fait faillite rejoint sa  demi-sœur au Havre avec sa famille. Cette tante Marie-Jeanne Lecadre, élèvera les enfants Léon et Oscar Claude après la mort de leur mère.
Le jeune O. Monet vend ses caricatures comme celle de « Léon Manchon », chez un papetier où il va rencontrer Eugène Boudin qui sera déterminant pour sa carrière.
Il s‘agit du « Portrait présumé » de l’artiste de plein air, visible dans son musée à Honfleur.
De retour à Paris, Claude Monnet rencontre Corot, Daumier, Courbet, Pissaro, à l’académie suisse et A. Daudet, Baudelaire à la Brasserie des martyrs, place forte des « réalistes ».
Bien que sa famille ait proposé de payer son exemption de service militaire, il part à Alger où Charles Lhullier le peint en tenue de zouave.   
« Les impressions de lumière et de couleur que je reçus là-bas ne devaient que plus tard se classer. »
Seize mois plus tard il contracte la fièvre typhoïde et reprend des cours à Paris chez Charles Gleyre qu’il quitte rapidement avec Bazile, Renoir et Sysley
Le tableau peint par Renoir représentant « Frédéric Bazile » avec en arrière plan un tableau de Monet sera acheté par Manet. Manet fait l’actualité avec son « Déjeuner sur l’herbe » pour lequel Clémenceau se bat en duel avec un spectateur qui avait craché sur cette « Partie carrée » intitulée initialement « Le Bain ».
Monet
  propose son « Déjeuner sur l’herbe »  plus sage mais en des dimensions prévues pour la peinture d’histoire : 6 m. 
Face aux critiques de Courbet figurant pourtant au centre du tableau, il le replie et après quelques dégâts dus à l’humidité, le découpe en trois morceaux dont deux sont à Orsay ; la préparation en format plus modeste est à Moscou.
Camille Doncieux, sa femme est son modèle avec son fils Jean dans  « La Femme à l'ombrelle » monumentale, où les nuages s’accordent à sa touche.
Elle était aussi « La femme à la robe verte ».
Alors que les artistes à cette époque étaient invités à reproduire les œuvres des anciens, il se place derrière une fenêtre du musée pour peindre «  Le Quai du Louvre ».
Surnommé « Le Raphaël de l’eau » il a été tenté par deux fois de se noyer, alors qu’il nous a donné à voir tant de ciel dans ses reflets.« La Grenouillère » haut lieu de l’impressionnisme n’était pas vue forcément comme un lieu de calme et de miroitements,  
Je complète ici les écrits de Maupassant précédemment cité :  
«On sent là, à pleines narines, toute l'écume du monde, toute la crapulerie distinguée, toute la moisissure de la société parisienne : mélange de calicots, de cabotins, d'infimes journalistes, de gentilshommes en curatelle, de boursicotiers véreux, de noceurs tarés, de vieux viveurs pourris ; cohue interlope de tous les êtres suspects, à moitié connus, à moitié perdus, à moitié salués, à moitié déshonorés, filous, fripons, procureurs de femmes, chevaliers d'industrie à l'allure digne, à l'air matamore qui semble dire : “Le premier qui me traite de gredin, je le crève.” »
Jongkind qui a peint « La plage à Saint Adresse », va lui « ouvrir les yeux ».
La « Terrasse à Saint Adresse » de Monet claque
et « Sur les planches de Trouville » c’est chic.
Il part à Londres pendant la guerre de 1870 où Bazile, la veille de sa mort au combat, avait dit « Pour moi, je suis bien sûr de ne pas être tué : j'ai trop de choses à faire dans la vie ». 
Turner vient flouter son espace  pictural dans  « La Tamise à Westminster ».
Dans la continuité, « Impression, soleil levant » représente bien plus que le port du Havre à 7h 35 le 13 novembre 1872.
Exposé dans l’ancien studio de Nadar boulevard des Capucines,  devenu vedette du musée Marmottan, il donnera son nom de baptême au mouvement « Impressionniste ».
«  La pie » ou « Effets de neige » avait suscité des manifestations hostiles d’étudiants des beaux arts.
Sur «  Le Pont du chemin de fer à Argenteuil » près de chez lui, deux époques se rencontrent.
« Les Dindons » constituent un sujet inhabituel d‘autant plus que le château de son commanditaire Hoschédé figure en fond.
A cette occasion il rencontre Alice Hoschédé qui soigna sa femme Camille jusqu’à sa mort.  « Camille Monet sur son lit de mort » ».
Elle s’était installée à Vétheuil, dans la nouvelle maison commune avec ses cinq enfants et deviendra sa deuxième femme « Eglise de Vétheuil » 
Ce fut « La débâcle », alors que deux ans auparavant  en 1878, 
quand l’exposition Universelle ouvrait une nouvelle ère, « La Rue Montorgueil » sortait les drapeaux
et la « Gare Saint-Lazare » devenait la cathédrale de la modernité.
Le minéral est proche de l’eau avec « Le Manneporte à Étretat »,
et « La  Creuse, soleil couchant » parait sauvage : 
premières séries avant celles des « Meules, milieu du jour »,
« Les peupliers»
ou « Les Cathédrales de Rouen »
et « Les Nymphéas » depuis Giverny où il va cultiver son jardin après avoir voyagé dans « ses campagnes »
depuis les « Aiguilles de port Coton » à Belle île
jusqu’à « Monte Carlo vu de Roquebrune »
L’Orangerie, qui accueille depuis le 11 novembre 1918, son œuvre testamentaire sous forme de panneaux se déployant  sur cent mètres « illusion d'un tout sans fin, d'une onde sans horizon et sans rivage », est devenue la Chapelle Sixtine des impressionnistes. Il a travaillé jusqu’au bout, bien qu’une cataracte qu’il ne veut pas faire opérer, l’ait diminué.
Clémenceau son ami fera retirer le catafalque noir qui couvre le cercueil pour le remplacer par un drap blanc décoré de fleurs.« Pour moi, un paysage n’existe pas en soi puisqu’il change d’apparence tout le temps… Seule l’atmosphère environnante donne sa valeur au sujet. »… « Il n’y a que du temps qui passe »

mercredi 21 octobre 2020

Côte d’Azur 2020 # 3. Carros. Cagnes sur mer.

Pour nous rendre au village de Carros nous traversons une zone industrielle et un quartier récent où vivent la plupart des 10 000 habitants de la commune qui compte aussi une autre entité : Carros-les-Plans plutôt horticole et résidentielle.
Ainsi dans l’arrière pays, les anciens villages perchés ont leur « Plan », ici au bord du Var alors frontière entre le Comté de Nice et la Provence à laquelle appartenait Carros.
Nous sommes dans les Alpes maritimes sur fond de Mercantour à la porte du parc naturel régional des Préalpes d’azur.
L’entrée en matière est parfaite avec un artiste carrossois, Dominique Landucci, spécialiste passionné d’un autre peintre exposé au château : Guillonnet.
Les œuvres recueillies par le collectionneur Frédéric Ballester accrochées jusqu’au 27 septembre conviennent bien aux vieux murs : de Callot à Combas, de Dürer à Arman, Braque, Bonnard, Chagall, Delaunay et 70 autres.
A Cagnes-sur-mer la maison de Renoir comporte plus de sculptures que de peintures du maître des formes rondes et roses.
La maison est agréable au milieu du jardin des Colettes qui n’a plus l’authenticité du temps de l’acquisition du domaine (1908) quand la famille pressait l’huile de ses oliviers,
mais des arbres vénérables demeurent tels qu’ils figurent sur des tableaux de Pierre le père.
Jean le fils y tourna « Le déjeuner sur l’herbe ».
De nombreuses séquences filmées nous montrent Pierre Renoir en action malgré des rhumatismes articulaires handicapants.
Il peindra jusqu’à sa mort en 1919 à 78 ans.
Dans cette journée des villages perchés nous sommes passés à Saint Jeannet sous son Baou (rocher en provençal).