mercredi 1 février 2017

Equateur J 11. De San Juan de la Terra (Amazonie) à Riobamba.

Nous avons changé de programme, en échangeant un détour par une cascade contre la visite d’un refuge pour animaux sauvages que nous organise Juan, même s’il ne peut pas nous accompagner.
Il faut bien 20 minutes pour descendre le Napo dont nous voyons plusieurs affluents. Nous apercevons des pêcheurs qui lancent leurs filets et deux orpailleurs qui travaillent. Nous sommes les premiers visiteurs au refuge encore fermé, où une jeune allemande nous confie à un étudiant en école de commerce à Lille, l’un des 12 volontaires employés dans le sanctuaire.
Tous les animaux soignés ici proviennent du marché noir ou ont été abandonnés par leurs propriétaires plus ou moins licites. Le but est de pouvoir relâcher le plus de pensionnaires dans la forêt, sans mettre en danger la vie  sauvage en transmettant des bactéries contractées chez les humains, sans réinsérer non plus ceux qui en sont incapables physiquement (un ara aux ailes coupées par exemple) ou ne sachant se nourrir seuls.
Nous avons ainsi la possibilité de voir des bêtes dans des cages adaptées et dans leur milieu naturel, que nous ne pourrions apercevoir autrement : des singes écureuils en liberté s’élancent de branches en branches,  ce sont d’anciens pensionnaires relâchés qui se sont multipliés et trouvent plus pratique de continuer à se nourrir ici.
Nous avons vu deux toucans à ne pas approcher, des aras de différentes couleurs, des perroquets verts, des singes araignées avec le dénommé Rétro, triste et affectueux, des singes avec une tête proche des ursidés, des pécaris dont l’un tète avec bonheur le bout de mes chaussures, des tapirs dont on apprend l’appartenance à la famille du cheval, des ocelots, un anaconda, des tortues partagent leur bassin avec un petit caïman.
Les aras et les perroquets s’agrippent aux grilles aussi bien avec leur bec qu’avec leurs pattes et les aras s’élancent parfois en déployant leurs ailes dans un vol majestueux. Ils sont capables de produire un vacarme puissant.
Les singes se servent de leurs membres et de leur queue pour se suspendre et progresser. Dans une cage un « serial killer » ne peut supporter la présence d’un autre mâle qu’il provoque et qu’il tue : il n'accepte la société que de ses femelles et de ses fils.
Nous avons reçu la consigne de ne pas parler aux animaux notamment aux oiseaux et de ne pas les nourrir.
Le coût de l’entrée permet entre autres de financer la nourriture des bêtes. Une maison sans eau ni électricité tenue par deux personnes a été conçue plus profondément dans la jungle pour mieux acclimater les animaux et les habituer à l’absence de l’homme. 
Notre jeune guide se laissera peut être tenter par l’expérience. Cette association créée par des suisses, fonctionne grâce à des volontaires du monde entier.
Nous reprenons la pirogue qui nous dépose à l’embarcadère où nous retrouvons notre chauffeur.
Il faut refaire le chemin jusqu’à Baños et c’est sans scrupule que certains s’accordent un petit temps de sommeil. Nous faisons halte à Las Américanas dans un restau où nous découvrons le cevice et nous calons face à un plat de riz aux fruits de mer spécialité du coin.
Nous reprenons la route pour Riobamba où nous arrivons vers 18h avec quelques hésitations pour trouver l’hôtel Estacion situé à côté d’une gare désaffectée. Il n’existe plus de chemin de fer en Equateur depuis l’arrivée des voitures made in USA, hormis ceux restaurés pour les touristes.
L’hôtel est une bonne surprise d’ailleurs recommandé par le Routard. Après avoir appuyé sur une sonnette, on pénètre dans un couloir bordé de vitrines d’expositions : sculptures précolombiennes, fers à repasser vapeur… qui nous conduit à la réception. De là part un escalier en bois qui mène à chaque étage à un petit salon, entre deux chambres. Le proprio aime la brocante avec de vieilles machines Singer, d’antiques radios disposées sur les étagères de la cage d’escalier. C’est cosy : peu de lumière mais beaucoup de charme. Nous ne nous attardons pas cependant car en chemin nous avons aperçu le grand marché du samedi.
Nous n’en voyons que la fin car les marchands remballent, les machines à coudre sont à l’arrêt et attendent d’être pliées.
Nous nous promenons dans une ville paisible où les gens s’habillent élégamment les hommes portant costume et cravate pour aller manger. Une limousine telle un « corbillard » fleuri attend devant une église  la sortie des mariés.
Nous n’avons pu entrer car deux invités surveillent l’entrée de la nef. Il y a plusieurs parcs dotés de bancs, écrins de statues en bronze. Nous déambulons jusqu’à 7h et rentrons à l’hôtel où nous devons prendre contact avec notre nouveau guide, José, remplaçant d’Edgar, envoyé par l’agence de Quito suite à nos récriminations. Il est barbu et sous sa casquette a tout du style révolutionnaire sud américain tel qu’on l’imagine. Il joue d’emblée son rôle en faisant un petit topo. Nous allons manger et nous nous en remettons à notre Commandante pour le restau. Nous ne sommes pas déçus : menu à 2,50 $ : soupe aux tripes ou consommé de poulet, jus de fruits, plat de carne avec riz et macédoine, gâteau marbré. Pendant que nous mangeons, un jeune s’approche de nous et nous demande si nous sommes français : il est haïtien et adore la France qu’il fréquente quand il peut, amateur de foot et amoureux de Paris …
Nous rentrons vite nous coucher, le réveil doit sonner à 4h 30. Aïe !
Nous avons fait nos adieux à notre guide Edgar, en tenue relax/maison, fatigué, qui nous souhaite bon voyage avec sincérité et réaffirme son amour de la langue française. Mais il ne peut s’empêcher une nouvelle (ancienne) blague grivoise :
« Quel est le comble pour une musicienne ?
Mettre le do sur le sol pour l’introduction du morceau … »

mardi 31 janvier 2017

Fatale. Cabanes Manchette.

Ne pas se fier à une couverture  ne rendant pas compte du talent du dessinateur qui sait très bien installer une atmosphère glauque chez les bourgeois de Bléville, un port normand bien nommé dans les années 60.
Mon référent pour le genre, vices et vicissitudes en province, est Chabrol  le cinéaste, si on n’a pas lu Patrick Manchette, un auteur de polar culte que par ailleurs cette BD donne envie de connaître.
« Vous savez ce qu'on dit : ce qui nous retient de nous abandonner à un vice, c'est que nous en avons plusieurs...»
Si j’ai bien aimé le trait vif, les aquarelles subtiles de Cabanes, certains types trop rapidement croqués ne s’accordent pas avec les mystères d’Aimée la mal nommée, le personnage principal. Cette femme énigmatique dont pas seulement la beauté est fatale change de patronyme et de couleur de cheveux tout en suivant un destin meurtrier qui nous échappe longtemps.
140 pages qui se sirotent avec ce qu’il faut de pluie, de vent, de suspens, de violence, d’invraisemblances, de poésie, de caricatures, de belles formes, de surprises, de classicisme et d’originalité.  

lundi 30 janvier 2017

Manchester-by-the-Sea. Kenneth Lonergan.

Non ce n’est pas Manchester la ville industrielle d’Angleterre, celle de l’United où joue Wayne Rooney, mais un petit port du Massachusetts proche du Canada, en bord d’une mer matrice qui peut consoler les hommes. En hiver.
La patte du réalisateur est déterminante pour traiter d’un sujet qui aurait  pu être un lourd mélo : tonton, hanté par son passé, pourra-t-il tenir son rôle de tuteur d’un neveu qui vient de perdre son père ?
Les retours en arrière viennent subtilement éclairer les réactions des personnages , loin d’être taillés dans un marbre immuable tant ce qu’ils vivent ou ont vécu est difficile.
Les acteurs inconnus sous nos latitudes sont vraiment convaincants, lorsque par exemple, Casey Affleck, le petit frère de Ben, est au commissariat et s’étonne de ne pas être puni ; on avait déjà vu qu’il n’en finissait pas de se punir.
Quand la tension dramatique est la plus forte, nous n’avons pas besoin des mots qui prennent par contre tout leur poids dans des situations banales, car ils sont rares. Le tricotage des instants d’émotion, de tension, d’humour qui ne s’attardent pas font passer ces deux heures et quart bien agréablement : nous avons découvert un réalisateur original et fort.

dimanche 29 janvier 2017

Mélancholia Europea. Bérangère Janelle.

A l’entrée de la salle Rizzardo à la MC2, le « programme » comme on disait, n’était pas disponible en version papier. Mais sur l’ordinateur, devant lequel je campe, le texte présentant ce moment théâtral sous titré « Une enquête démocratique » laisse présager la subtilité :
« Le fascisme ne prend pas forcément le visage d'un monstre, mais il peut avoir aussi celui d'un animal de compagnie. » 
Et tout le début, sous une pendule qui met le questionnement historique à l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons retrouver les qualités de la production précédente à propos de Deleuze, jouée déjà à Grenoble:
Les dispositifs sont inventifs pour rendre accessible une pensée exigeante qui est justement au cœur de la lutte contre le fascisme, parmi d’autres penseurs, celle d’Hannah Arendt, incontournable quand il s’agit d’examiner «  la banalité du mal » :
« L’homme se tient sur une brèche dans l’intervalle entre le passé révolu et l’avenir inconnaissable. Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l’activité de pensée pour se mouvoir dans la brèche ».  
La confrontation des déclarations hallucinantes et le rappel des actes ahurissants de Speer ou Himmler en regard de leur vie de pères de famille ou d’homme de culture est efficace.
Les documents d’archives sont accablants et nous avons encore à apprendre.
Mais lorsque « la bête » ne broute plus seulement dans les pâturages tyroliens, le propos a besoin d’être surligné pour convaincre : l’état d’urgence actuel a figé aussi les réflexions qui ne peuvent s’en tenir à quelques éructations.
La passion des comédiens-chercheurs, leur désarroi face aux leçons qui n’ont pas été tirées et les lourds nuages qui s’amoncellent sur nos sociétés amènent à un ton plus déclamatoire, voire à des positions simplistes à mes yeux : les fascismes excluent certes les pauvres mais ceux-ci peuvent être séduits aussi par ces régimes autoritaires.
Et la poésie en sentences parait plutôt comme une fuite.
Le lancer de papiers final ne laisse pas la place au spectateur que lui ménageait la semaine précédente Nasser Jermaï  en plus poétique, plus politique, plus à notre hauteur. 
Parmi les causes du Mal accompagnant la lâcheté morale et le manque d'empathie, figure la paresse intellectuelle. Alors ce serait péché que de ne pas faire part de quelques réserves à propos d’un thème sous un titre énigmatique où le point Godwin* guette bien entendu à chaque pas.
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*Point Godwin : on écrivait aussi « reductio ad Hitlerum »
Wikipédia : « Instant d’une conversation où les esprits sont assez échauffés pour qu’une référence au nazisme intervienneÀ un mois du scrutin, la campagne du Brexit a déjà atteint son point Godwin : Hitler a été invoqué (avec Napoléon) par le champion du "non" Boris Johnson pour rejeter tout projet d'union entre le Royaume-Uni et le continent. »

samedi 28 janvier 2017

XXI n° 37. Hiver 2017.

Dans un dossier  de 50 pages sur 210 nous pouvons prendre des nouvelles de la vie dans quelques pays en guerre  : Ukraine, Syrie, ou qui le furent : l’Irlande, qui le sont sourdement : Nigeria,
ou au bord : dans la vallée de la Roya entre Italie et France, dans les pas de ceux qui accueillent les réfugiés.
Grâce au must des mooks (magazine / livre), le regard se décale :
- témoignage de jeunes bi nationaux tentent leur chance en Algérie,
- enquête patiente à la poursuite d’Aloïs Bruner : le Nazi de Damas,
- observation  de la Grèce depuis un cabinet d’avocats,
- accompagnement un film retraçant la trajectoire d’une jeune rappeuse afghane à Téhéran,
- interview approfondie  de l’indienne Arundhati Roy qui n’est pas que l’auteur à succès du « Dieu des petits riens »,
- et comme toujours une histoire invraisemblable traitée en BD, où la population des Chagos a été foutue hors de son île pour implanter la base américaine de Diego Garcia en plein Océan Indien.
En contrepoint d’un témoignage saisissant d’un dessinateur détenu à Damas, une jolie histoire d’un mariage entre une musulmane et un catholique, ou le portrait de Benjy le « Ricain » de Pigalle.
Si je regrette la disparition du port folio qui allégeait la lecture de ce roboratif numéro, je sais que les images seront profuses dans la prochaine livraison de « 6 mois » du même éditeur. 
« A l’époque soviétique  on se projetait dans le futur. On ne pensait pas aux prochaines élections, on pensait au prochain siècle »
Tiens à propos, il est bien étonnant qu’un prédicateur ministériel n’ait pas encore proclamé l’obsolescence de cette archaïque et romaine façon de noter les siècles : XXI. 10+10+1=21.
Elle convient bien, justement par son ancrage dans le passé, à cette forme de journalisme pas entrelardée de publicité, soucieuse du présent, anticipant les mouvements contemporains les plus profonds  trop souvent  brouillés ailleurs par les anecdotes au jour le jour.

vendredi 27 janvier 2017

Déprimaires.

J’ai beau prendre de la graine chez ceux qui ont voix au chapitre et nomment le basculement de notre société, je préfère m’accrocher à des mots à ma portée.
Plutôt que financiarisation, retour du religieux, chute du mur, explosion des communications, fonte des glaces, UE, réfugiés, ubérisation, numérisation, Trump, les huit personnes les plus riches qui détiennent autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale…  je réagis à propos de la mise en scène « de la Belle Alliance Populaire », « belle », « alliance », « populaire », ou de Léa Salamé.
J’avais laissé ces quelques mots à propos des primaires à un ami Face book, il y a bien une semaine, alors que tout se périme si vite: 
« Nous voilà à courir encore après la nouveauté venue immanquablement du « nouveau monde » (Terra nova) dont nous avons copié les primaires qui s’avèrent déprimantes. Les groupes de réflexion collective à maturation lente sont en voie de disparition, ne subsistent que les expressions les plus radicales pour s’échauffer dans chaque camp, quitte à raboter sur les promesses et décevoir après : la décomposition des partis est partie depuis un moment.
Les écolos et autres zigzageurs, faute de lieux propres, vont voter Juppé un dimanche et Hamon un autre jour. Ce dernier qui ne voyait pas où était le problème quand des femmes se voient refuser l’accès à un café en banlieue parisienne. Alors son « revenu universel » ça plait, ça fait le buzz ! Démagogie et jeux avec les médias : gros mots sur les réseaux sociaux et petites idées, hologrammes et com’ à tour de bras pour tous, plutôt que programmes.
Nous les vieux, courons après le monde qui nous a doublé. »
Me voilà dans l’autocitation où je ramasse un argument de chez les valsistes : l’allusion au café de Sevran; mais cette semaine même ceux qui vomissent le PS sont atteints par la maladie dégénérative de l’ex SFIO où la tactique a détruit toute pensée.
En mettant Hamon en tête, je favorise Macron, en votant Vals, c’est Mélenchon qui a bon.
Entre 49,3 et milliards qui volent de ci de là, chaque jour apporte son clou au cercueil : depuis « élections piège à cons » de sinistre mémoire, les primaires qui auraient pu rimer avec démocratie élémentaire ont tourné à la farce.
Les visions à la petite semaine font florès : « le cœur » a parlé et tant pis, si ébahis nous n’aurons plus qu’à regarder les présidentielles se jouer entre finalistes annoncés, depuis un cimetière tellement bien fréquenté de perdants admirables : Jeremy Corbyn et Bernie Sanders étant les derniers arrivés les plus tendances.  
L’intervieweuse de France Inter, vue sur tous les plateaux, demandait l’autre jour à une interne en médecine qui avait trouvé le ton et une audience youtubesque pour s’indigner de ses conditions de travail, si elle ne voulait pas devenir journaliste. C’est que la profession pourtant dans le même sac discrédité que les politiques, qui éditorialise à longueur de journée sur un coin de table, se considère comme la crème de la pensée, l’arbitre des élégances, un enviable sacerdoce. Beaucoup exercent honorablement leur métier et si je persiste à me couvrir de papiers, c’est que j’ai bien du plaisir à retrouver un style, des convictions, du courage, mais ceux qui causent dans les postes entre deux humoristes lassent très vite, surjouant le spectacle du contentement d’eux-mêmes, prenant le monde de si haut.
…………….
Le dessin de Vlahovic (Serbie) en tête de l’article est copié dans " Courrier International".
Il n’y avait plus de Canard enchaîné chez mon marchand de journaux,
voici celui d’Aurel dans "Politis" : 

jeudi 26 janvier 2017

Le monde de Toulouse-Lautrec. Gilles Genty.

Je ne suis pas persuadé que « Paris est une fête » en sous-titre d’une conférence autour de la dite « Belle époque » aurait mieux convenu que la simple phrase : « Paris chante et danse ». D’autant plus que le souvenir des massacres tragiques qui réactivèrent le titre d’Hemingway est encore vif et que d’autre part le conférencier devant les amis du musée de Grenoble, avait bien l’intention de remettre en cause quelques autres images archétypales.
La célébrité des œuvres occulte parfois l’œuvre elle-même,
telle « Jane Avril dans les Jardins de Paris ».
Interroger le monde des cabarets fait éclater les catégories chronologiques habituelles qui mènent, entre 1840 et 1910, du romantisme à Picasso en passant par l’impressionnisme et le fauvisme.
Sur les flancs de la colline Montmartre, les moulins dont celui de Debray, ancêtre de Régis, font leur farine et fournissent la boisson pour accompagner les galettes.
On entre sans rétribution à l’Elysée Montmartre qui offre le bal et accès à ses jardins.
Chaque lieu de divertissement a ses figures de danse : ronds de jambe, entrechats, ailes de pigeon,
et ses vedettes : « Grille d’égout », « La môme fromage », «  Mimi patte en l’air », «  Marie souris », « Caoutchouc »…
« Le Bal du Moulin de la galette », par Renoir, le peintre du bonheur de vivre, c’est :
« … la poésie de Paris, la grâce du faubourg, les visages charmants des fillettes enivrées pour un instant de la promesse de la vie, toute une jeunesse ardente, naïve amoureuse, qui danse dans le soleil.» G. Geoffroy
Cette vision lumineuse est un reflet exact, mais au nord de la rue Rochechouart se vivent « Splendeurs et misères » comme vient de le présenter le musée d’Orsay avec les images de la prostitution, entre 1850 et 1910 : entre « demi-mondaines » et  « pierreuses ».
« Le Bal du Moulin de la galette » de Toulouse Lautrec présente « le joli profil d’une jeune gigolette » contrastant avec le profil anguleux d’un souteneur. Il y avait bien un «  Père la Pudeur », Coutelat du Rocher, passant de cabaret en cabaret pour vérifier qu’il y eut bien une culotte sous les jupons. Mais le regard se détournait du maquis de Montmartre, voisin aux allures de bidonville, lieu de haute insécurité.
Un « dos » (vert) comme celui des maquereaux pouvait y châtier sa « marmite » à l’époque où les « marlous » se battaient pour la conquête de Casque d’or.  Et  rien qu’un des titres de Victor Joze journaliste écrivain : « Paris-Gomorrhe, mœurs du jour » dans la série  « La Ménagerie sociale » donne une idée des mœurs quand le doux nom de « grisette » ne rend pas compte de la misère.

Dans le « Le flirt. L’Anglais au Moulin Rouge » est un peintre, fils d’un riche exploitant de charbon, complice des deux femmes pendant une transaction
Le rapport symbolique semble s’inverser suivant le support, peinture ou lithographie.
Quand « La Goulue » commande à Toulouse Lautrec des panneaux décoratifs qui seront découpés puis recomposés pour attirer le chaland lors de fêtes foraines, son heure de gloire est passée, celle du temps du chahut et du quadrille avec « Valentin le désossé »

Devenue dompteuse, elle est cependant  immortalisée par cette affiche ou la technique du crachis est mise en œuvre.
Le photographe Paul Sescau, qui permit la promotion des artistes par l’émission de 3500 photographies, n’eut pas la notoriété de ses modèles.
Pour Jeanne Avril, la brillante danseuse il suffit de la présence de ses gants pour l’évoquer.
Yvette Guilbert, une diseuse, chanteuse, qui entretint une correspondance avec Freud, ne fut pas forcément satisfaite de son portrait pas plus que Bruant dont une parcelle de notoriété vint de ces affiches.
Loïe Fuller lors des ses danses serpentines, dans ses longs voiles, telle une orchidée ou un papillon, sous des lumières d’arcs électriques, inspira bien des poètes. Mallarmé, le symboliste,  développa tout son talent, au-delà de la formule résumant la découverte de l’américaine :
« Ivresse d'art et d'accomplissement industriel ».