mardi 11 novembre 2014

Oh ! Merde ! Cha.

BD punk où en première page une fille sans nez marche dans une merde rose.
Humour potache  avec parfois des trouvailles et des convictions végétariennes qu’elle assène avec vigueur. Quelques planches où un mec est à la place d’une femme sont bien menées : dans le métro, un mâle porte un foulard pour cacher sa barbe qui pourrait exciter les femmes, et dans la voiture de police qui le protège des harcèlements de pétasses, les policières lui demandent de boutonner sa chemise jusqu’en haut car ses poils débordent :
 «  Dans cette tenue, ce n’est pas étonnant que vous ayez des ennuis »
Les trois petits cochons finissent cette fois ébouillantés et Gwenaëlle, la baby siter, a du talent pour fournir quelques cauchemars aux enfants qui lui sont confiés ; mais ils risquent d’en redemander.
Pas besoin de science- fiction pour dépeindre un monde désespérant, le petit théâtre de l’hôpital psychiatrique où la peur tord le ventre, fournit de quoi enfiler la blouse spéciale. Ses dialogues avec elle-même sont plus divertissants mais quand une fée apparait qui réalise les vœux des consommateurs d’un bar, ça finit  en carnage et les farces des enfants peuvent faire des ravages entre eux.
De toutes façons, « les histoires d’a… les histoires d’am…. finissent mal en général. »
Car « Tant boit le punk de l'eau qu'à la fin il se casse »
Quelques planches dans l’obscurité sont rigolotes, mais l’éclaircie est de courte durée,  décidément tout n’est pas rose !

lundi 10 novembre 2014

Magic in the moonlight. Woody Allen

Un prestidigitateur rationaliste doit démasquer une charmante médium.
Cette comédie élégante fait du bien, hors de notre temps brutal et des misères du monde.
Dans les années 20, les voitures sur la Côte d’azur ne sont pas prises dans les embouteillages.
La raison  joue contre l’illusion en une promenade plaisante et drôle.
Le scénario est semblable à un tour de magie, les dialogues pétillants et enivrants comme le whisky consommé à foison pour arriver à la conclusion qu’on devine : 
«  c’est l’amour qui est magique ».
La critique de la Voix du Nord est bien dite :
« Un aimable et ravissant divertissement aussi volubile que volatile. »
Woody aime les femmes et sa dernière trouvaille Emma Stone  réchauffe nos vieux os sous le soleil de La Riviera dont il est agréable de repérer des lieux partagés par une amie qui gite parfois en ces contrées. Le cinéma est le lieu de l’illusion, notre plaisir en est augmenté.

dimanche 9 novembre 2014

Ella Fitzgerald. Antoine Hervé, Déborah Tanguy.

Comme il a paru que la vie de Coltrane retracée  lors d’un concert précédent http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/05/coltrane-antoine-herve-stephane.html  fut  d’une couleur au-delà du blues, Antoine Hervé, qui tient le clavier pédagogique depuis 4 ans à la MC2, a introduit son évocation de la « First Lady of the swing » sous le signe de la story à l’américaine qui commence mal et finit à Bervely Hills.
Le père Fitzgerald est parti peu après la naissance de sa fille en 1917. La petite, violentée par son oncle, est placée dans un foyer qui donne sur la rue, elle se fait remarquer d’abord par ses danses, puis elle gagne un concours à l’Apollo à Harlem où un membre de l’orchestre exige qu’on l’engage. Et c’est le début d’une carrière somptueuse au cours de laquelle elle récoltera 13 Grammy Awards.
Reprenant une comptine « A ticket a tasket », elle en fait un succès.
Pas facile de se mettre dans l’amplitude des nuances vocales (tessiture de trois octaves) de « the first Lady of song », et pourtant Déborah Tanguy, ce soir, a été plus que la comparse du maître de cérémonie, elle a ému le public fidèle de l’auditorium grenoblois, dans le scat de « Mr Paganini » :
«  If you can’t play it, you can sing it and if you can’t sing it, you will have to swing it ».
ou dans le swing de « Lady be good » des Gershwin.
Très jeune, Ella prend la tête d’un orchestre, à l’époque où les plus fameux fondent sous l’effet de la crise.
Elle  était la seule à pouvoir imiter Armstrong, elle va chanter avec lui, nous avons eu un aperçu de leur rencontre:
« These foolish things » « They cant’ take that away from me » « Can’t we be friends » puis « Cheek to cheek »« How high the moon»
Ces petites choses de la vie qui font répondre à la question posée par les bigots :
« Est-ce que le jazz met le péché en syncope ? » 
« Oui,  et c’est tellement bon » même que parfois « I can see the light »
en tous cas
« Ooh, I've got a crush on someone
I've got I've got a crush on you, sweetie pie »
La femme noire dit avoir plus souffert de la discrimination envers les femmes qu’envers les noirs.
Elle meurt en 1996, Wikipédia  nous apprend qu’elle était devenue aveugle et  fut amputée des deux jambes. »”.

samedi 8 novembre 2014

Certificats d’études. Antoine Blondin.

Le chroniqueur flamboyant du Tour de France ne fut pas qu’un familier de Bahamontès, « l’aigle de Tolède », mais aussi de Verlaine, dans ce recueil d’articles, chez qui : « l’homme descend du songe et tend à y retourner ».
En 244 pages, un des auteurs les plus alcoolisés de la littérature française, apporte un regard vif, original, élégant sur quelques figures qui l’ont précédé au comptoir : Baudelaire, Dickens rapproché de Piaf qui avait perdu la vue:
« elle conservera pourtant l’angoisse de ceux qu’on a abandonnés dans le noir et le sentiment retranché que certains manèges de la vie continuent de tourner sans elle. »
Les biographies de Jacques Perret, d’Alexandre Dumas, de Goethe, de Musset ne sont pas qu’anecdotiques et son évocation de l’Odyssée n’est pas triste, son portrait de Rimbaud et Verlaine est émouvant et enlevé celui de Scott Fitzgerald « dont le chariot transporte les premiers charançons de la psychanalyse et quelques tubes d’aspirine contre la gueule de bois. »
Son sens de la formule n’altère pas la limpidité du propos.
 « L’Amérique profuse et diverse, faisait bien les choses en 1925. J’ai sous les yeux les deux échantillons les plus représentatifs du cheptel littéraire qu’elle exportait à pleins  paquebots vers Montparnasse (descendre à station Vavin ; Gertrude Stein revient de suite) A gauche Hemingway, boucanier sentimental en peau de rhinocéros, sur lequel il ne reste  plus grand-chose à dire… »

vendredi 7 novembre 2014

Clowns.

Quand sont apparus les clowns agressifs, ma première réaction fut de me morfondre encore une fois, face à une attaque de plus atteignant le pays de l’enfance où les rires sont souvent sans calcul.
Même lorsque j’eus compris, après quelques réticences, le besoin de (se) faire peur à Halloween par exemple, je n’arrive pas à me faire à l’idée qu’il n’y ait plus de territoire exempt de violence.
Pourtant j’essaye de m’extraire d’un autre conformisme gnangnan tout aussi poisseux qui n’appelle plus un chat, « un chat », et cache tout ce qui fâche.
Ces figures effrayantes ont été gonflées par les médias et les réseaux « sociaux », en terrain familier où règnent l’anonymat et les maquillages outranciers. Mais cela n’empêche pas que ce surgissement tapageur est secouant et ne se dissipe pas dans l’amalgame qui renverrait le théâtre politique à ses masques grotesques :
Thévenoud,  Cahuzac, Guérini, l’agité de Neuilly...
Le gendarme de Guignol a du sang sur la matraque.
Oui, la grimace démesurée de Nicholson en Joker, comme la cicatrice éternelle de « L’homme qui rit » d’Hugo ne datent pas d’aujourd’hui.
Cependant nous sommes en plein dans  « La «carnavalisation des mœurs» (Umberto Eco) qui bat son plein et efface toute frontière entre le sérieux et le spectacle, entre la violence et son mime »  comme le souligne le sociologue David Le Breton dans Libé.
 Il rappelle que chez les nez rouges :
« En dérobant les traits, le masque suspend aussitôt l’exigence morale. Il lève le verrou du moi et laisse libre cours au jaillissement de la pulsion. »
Que reste-t-il de ces belles affiches pop, des sourires lumineux, quand « le mythe Obama se retrouve en miettes » d’après les titres collectés par Courrier International ?
Et bien qu’ayant abandonné depuis Bugey les lieux où claquent les lacrymos, ce sont les yeux qui peuvent devenir rouges et pas que le pif, quand dans le même numéro du quotidien, l’avocat William Bourdon, pointe là où ça fait mal:
« Bien sûr, la gauche au pouvoir ne porte pas à elle seule la responsabilité de cette défiance grandissante entre citoyens et élites ! Mais on assiste à une remise en cause croissante de ceux qui, au lieu d’incarner l’intérêt général, lui substituent les intérêts catégoriels ou les logiques court-termistes, préfèrent le cynisme à l’éthique, le déni au courage de la vérité, le repli sur soi à l’universalisme. »
…….
Cette semaine, Zep dans « Le Monde »

jeudi 6 novembre 2014

&. Virieu.

Sous le signe de « &"», l’esperluette qui lie le « e » et le « t » de jolie façon, comme est mignon son nom, une association a ouvert un lieu d’exposition rue Carnot à Virieu sur Bourbre à l’emplacement du magasin d’habillement Deverchère.
Des photographies et des peintures consacrées à la guerre de 14 étaient présentées jusqu’au 18 octobre et témoignaient, loin des lignes de front ou de lieux plus considérables, de la persistance du souvenir. L’empressement éditorial autour du centenaire a donc porté bien au-delà des monuments gravés de tant de noms de disparus.
Benoit Caponi a recopié des lettres en dessous de ses images en noir et blanc  pour repérer les traces de combat sur les lieux où le sang a abreuvé les sillons.
Sylvia Boumendil, a  traduit plastiquement des lettres de son grand père : « ma petite femme adorée » 
comme Monique Navizet qui a installé ses bannières dans l’église en face où une main maladroite a inscrit dans le marbre un nom qui ne figurait pas dans la liste officielle des morts pour la France.
Les éditions Entre temps sises rue du château  à Virieu également mettaient en souscription  le livre de Jean Philippe Repiquet : « Le parcours de Camille Roux » un réserviste  qui trouvait : « si ce n’était le canon ce serait épatant, on se croirait en vacances à la campagne. »
A partir du 15 novembre Cathy Gabasio présente ses arbres et déjà des troncs aux alentours ont pris des couleurs.

mercredi 5 novembre 2014

Iran 2014. J 5. Yazd. Tchaktchak .

Nous quittons l’hôtel après un petit  déjeuner frugal  car matinal.
A la sortie de la ville, la route est bordée de portraits de martyrs de la guerre Iran-Irak.
Il faut une grosse heure pour aller à Tchaktchak à travers le désert de pierres où ne résistent que quelques touffes épineuses. La route goudronnée s’arrête au pied de la falaise que nous gravissons pour atteindre une grotte dédiée à Zoroastre parfois appelé Zarathoustra, nous restons dans le thème d’un des premiers monothéismes.
Le site est grandiose, les marches sont raides avec de chaque côté des constructions modernes servant aux fidèles de logements d’été lors des cérémonies. En haut de l’escalier nous attend le gardien qui en échange des droits d’entrée nous délivre la clef du cadenas de la porte dorée de la grotte où figurent deux lanciers surnommés Immortels comme ceux de Persépolis. Ce sont des gardes dont Xénophon  disait : «si quelqu'un d'entre eux venait à manquer (...), on en élisait un autre parce qu'ils n'étaient jamais moins ni plus de 10.000».
La légende raconte qu’une princesse sassanide fuyant devant les arabes trouva refuge dans la montagne qui s’ouvrit et se referma derrière elle. Contre la paroi qui suinte, brûlent constamment trois bougies. Une structure sert à installer un feu indispensable pour les cérémonies, dont les pétales réceptionnent les cendres. A côté une petite salle ouverte vers l’extérieur est protégée par une grille originale découpant le pâle paysage montagnard comme une mosaïque. Le signe de l’homme oiseau, Ahura Mazda, apparait plusieurs fois, dont  les trois parties en forme d’ailes et de queue sont parfois sous titrées : bonne pensée, bonne parole et bonne action. Nous nous appliquerons désormais à respecter ces préceptes.
L’eau d’une citerne mise à la disposition de ceux qui vont gravir les marches est délicieusement fraîche. Nous quittons Tchaktchak dont le nom serait né du bruit des larmes de la montagne émue par le sort de la princesse et nous nous dirigeons vers Kharanaq.  
Le paysage est tout aussi rude et aride puisque nous nous rapprochons du désert salé de Dasht- e Kavir.
Kharanaq (« lieu de naissance du soleil ») qui  nous évoque les ghorfas tunisiens est un joli village en  voie de désertification lui aussi. Il connut son heure de gloire au temps de la route de la soie. Son caravansérail a été rénové en briques de différentes nuances : du rose au vert en passant par le beige.
Un jeune garçon escalade la porte pour nous ouvrir, et part précipitamment changer de vêtements lorsqu’il apprend que nous sommes enseignants. Nous montons sur le toit où nous nous désolons à la vue de lampadaires modernes incongrus dans une rue peu fréquentée et restons interrogatifs quant à l’espace réservé aux petits qui semblent absents.  
Le jeune enfant nous conduit dans la citadelle juste en face, véritable labyrinthe aux murs de briques en terre crue fondant mais encore suffisamment debout pour s’imaginer la composition des constructions édifiées dans des temps préislamiques. La mosquée plus récente date du XIII° siècle, elle est en cours de rénovation, avec des inscriptions coraniques blanches flanquées de deux tribunes face à face. Le minaret a la particularité de bouger. Nous ne pouvons y monter car l’accès est fermé par un verrou mais nous apercevons par la grille des marches extrêmement étroites. Si le minaret avait une fonction religieuse, il permettait aussi aux caravanes de repérer de très loin la ville grâce à un feu haut placé. Nous nous promenons aux abords de la citadelle, nous nous rafraichissons à un tuyau qui alimente des canaux descendant vers les cultures et prenons notre repas sur la grand route dans un restau pour routiers. Notre manque de souplesse nous pousse  à une table plutôt que de nous asseoir en tailleur dans des divans circulaires en métal comme le pratiquent des hommes vêtus de larges pantalons noirs resserrés aux chevilles. Le ventre bien calé et la pression des pneus contrôlée, nous partons pour une longue route ponctuée par des checkpoints rapides, des arrêts essence/esquimaux au chocolat ou pastèque. Nous traversons le sud d’Ispahan, la ville nous surprend par son ampleur, sa modernité et surtout sa verdure après tous ces paysages de reg. Nous poursuivons notre route dans une circulation débridée, où Ali n’hésite pas à effectuer des marches arrière sur les bretelles d’autoroute sans que d’autres usagers protestent.   Nous collectons quelques renseignements concernant les tours destinées à recevoir le fumier ou les fientes afin d’engraisser les cultures. La nuit tombe et nous entrons à Shar-e Kord (la ville de kurdes). Nous partons dîner à 23 h, les visages sont fatigués, les traits tirés et les yeux rouges.
D'après les notes de voyage de Michèle Chassigneux.