Venue de Saint-Pétersbourg où elle est attachée scientifique au Musée de
l'Ermitage, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble, rappelle la
fonction spirituelle des icônes et de l’architecture, chargées d’expliquer les
vérités éternelles, loin de toute fonction décorative.
A l’origine une « icône », le même
mot en russe et en français, du grec eikona, « image de
l’infini », est un objet religieux
destiné à la prière. Le bâtiment d’église représente l’univers vu dans sa
totalité, tout en verticalité de la terre vers le ciel.
Comme l’homme, son aspect doit être modeste de l’extérieur
et riche à l’intérieur.
Le bulbe apparu tardivement est semblable à la flamme d’un
cierge.
Dans la moindre chapelle orientée vers l’Orient, la lumière
révèle la présence et la gloire du Seigneur.
Chaque forme a un sens : le cercle énigmatique sans
début ni fin représente le caractère infini de Dieu alors que la carré
symbolise le monde créé.
A Kiev, la plus ancienne église orthodoxe du XI° siècle est
enchâssée dans une enveloppe du XVII°. Avant cette époque, la Russie était un
pays païen. Le prince Vladimir après avoir envoyé des ambassadeurs dans
plusieurs pays d’Europe, adopte les rites de Byzance, la cité plus puissante.
Il se fait baptiser, répudie ses femmes, fait venir une princesse byzantine et
des artistes.
La cathédrale Sainte Sophie de Kiev, « la mère de toutes
les villes russes » comporte 13 coupoles (12 apôtres et le Christ).
La
lumière insaisissable, forcément divine, inaccessible, provient de mosaïques
composées de
morceaux de verre transparents, comportant une feuille d’or, rouges
comme le royaume de Dieu ou opaques, collés selon des angles différents.
Le Christ Pantocrator (en majesté) est
entouré des quatre archanges dont les intervalles entre leurs ailes forment une
croix au dessus des quatre évangélistes représentés sur les quatre pendentifs qui
ont permis de passer de la coupole ronde au carré d’ici bas.
La Vierge orante au visage calme, aux yeux, tournés vers l’invisible,
ne nous regarde pas, elle prie pour l’éternité, les bras levés au ciel comme
Moïse au moment où son peuple pénétrait en terre promise, car lorsqu’il les
laissait retomber, le peuple d’Israël perdait sa force.
Le Christ est doublement présent lors de la
communion des apôtres, brandissant le calice rempli de son sang et le
pain de l’hostie. Les perspectives, la pesanteur sont abolis.
Le petit embrasse sa mère, la Vierge de Vladimir,
dite de la tendresse. Saint Luc, le protecteur des artistes, l’aurait peinte
selon la légende; commencée par les byzantins elle aurait été complétée
par des russes. Cette icône vénérée fut volée, mais lorsque les chevaux qui la
transportaient refusèrent d'aller plus loin, l’un s’agenouillant devant
l’apparition de la Vierge, c’est à cet endroit que fut érigée la
cathédrale de la dormition.
Kiev perdit de l’influence et la petite
ville de Vladimir prospéra.
Le XIIIe siècle est
tragique, le pays morcelé en principautés est envahi par les Mongols.
Novgorod, la ville la plus septentrionale, résiste aux pillages.
La Sainte-Face de Novgorod icône acheiropoïète (image qui n’a pas été
faite de la main d’un homme) est peinte sur un tissu, depuis que
le christ eut envoyé à Abgar, un roi grec, le lin blanc dont il s’était lavé le
visage et qu’il l’eut guéri ainsi de la lèpre.
Dans L’Annonciation, la Vierge
porte déjà l’enfant Jésus.
Celui-ci tient dans ses bras un
enfant représentant l’âme de sa mère au moment où on lui annonce qu’elle va le
rejoindre, lors de La dormition aux nuages.
Sur un fond au rouge énergique Saint Georges terrasse le
dragon.
Alors que bien des artistes sont restés anonymes, celui
« qui croit en Dieu », Théophane le Grec, s’est
fait connaître avec « le Christ au regard de
feu » aux touches originales.
Il est appelé pour décorer le monastère Saint Andronic à
Moscou dont les princes vont réunir toutes les forces de Russie pour chasser
les Tatars. Il est aidé par un jeune
moine André
Rublev. Au centre de « La Trinité », le christ deux
doigts levés (la double nature de Dieu) et trois doigts repliés (la Trinité)
forme un cercle avec les deux anges qui l’accompagnent.
Dès le
XVI° siècle, l’art dût servir le tsar considéré comme semblable à Dieu et l’extérieur
des lieux de culte se pare de riches ornements ; mais les tambours par
lesquels entraient la lumière sont devenus aveugles.