samedi 22 décembre 2018

La seule histoire. Julian Barnes.

L’épigraphe m’avait mis en appétit :  
« Roman : une petite histoire, généralement d’amour ».
Cette légèreté ne s’est pas démentie jusqu’aux dernières phrases :
« …de fait, je pense en avoir fini avec le sentiment de culpabilité. Mais le reste de ce qui faisait ma vie, tel qu’il était, et serait ensuite, me rappelait à lui. Alors je me suis levé et j’ai regardé Suzan une dernière fois ; aucune larme ne m’est venue aux yeux. En sortant, je me suis arrêté à la réception et j’ai demandé où se trouvait la station-service la plus proche. L’homme a été serviable. »
L’histoire d’amour entre un jeune homme de dix-neuf ans et Suzan, trente huit ans depuis une partie de tennis en double, tient 260 pages, ironiques et profondes, so british.
« Un premier amour détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans. Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d'un autre côté il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le cœur, et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une large cicatrice. »
Le narrateur passe au fil des chapitres de la première à la troisième personne, accumule les citations puis les rature, y revient :
« En amour, tout est vrai, tout est faux ; et c'est la seule chose sur laquelle on ne puisse pas dire une absurdité » (Chamfort). Il avait aimé cette remarque depuis qu'il l'avait découverte. Parce que, pour lui, elle ouvrait sur une pensée plus large : celle que l'amour lui-même n'est jamais absurde, ni aucun des participants. »
Cette liaison située en banlieue aisée dans les années 60 a des allures de scandale mais à bas bruit. La passion absolue est décrite tout en nuance et même le lecteur qui a pu lire d’autres livres à ce sujet peut apprécier la virtuosité de l’écrivain au service d’une honnêteté revigorante.
Conversation de bar, lieu pas si anecdotique que ça, puisque les amants auraient plutôt tendance à dire la vérité, au moins entre eux, alors que l’alcoolique ment :
« Elle disait qu’elle voulait reposer sur mon épaule aussi légèrement qu’un oiseau. Je trouvai cela poétique […] L’homme inhala la fumée et la souffla dans l‘air parfumé.
«  Primo, les oiseaux s’envolent n’est ce pas ? C’est dans leur nature. Et secondo, avant de partir, ils vous chient sur l’épaule. »

2 commentaires:

  1. C'est fou, mais la photo ne colle pas trop, je trouve, avec la description que tu fais dans ce texte.
    Je ne sais pas pourquoi, pour moi, la passion absolue ne peut pas se laisser saisir par des photos vaguement cliniques.
    Cela me fait penser à Ian McEwan, un auteur dont j'admire la virtuosité, que je sais habité par des préoccupations que je partage avec lui, mais dont la poésie du Verbe peine à s'incarner. On peut être très virtuose et rater son cible, tout de même. Je retiens néanmoins le livre. Merci.

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    1. Oui il y a dans ce livre l'histoire d'une passion face à la société mais le temps va faire son oeuvre aussi : je trouvais que l'image d'une sensualité mûre sur fond de mur écroulé correspondait bien au côté plus sombre que j'ai perçu dans ce roman subtil.

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