jeudi 12 juin 2014

Hubert Robert.

Eric Conan nous a présenté aux amis du musée de Grenoble l’artiste dont le musée rénové de Valence possède la collection la plus importante après celle du Louvre et de l'Ermitage à St-Petersburg.
Né au temps de Louis XV, le dessinateur et peintre est mort sous Napoléon.
En 1754, il arrive à Rome où il restera 11 ans sous la protection du fils du Duc de Choiseul pour lequel son père avait été valet. Il suit les cours de l’académie et accumule les dessins appréciés  dès ses débuts par des collectionneurs ; ils se retrouvent désormais dans le monde entier.
Dans la ville pittoresque et ses environs, il accumule les souvenirs visuels avec une vivacité d’exécution remarquable. Il poussera jusqu’à Naples où les vestiges sont plutôt grecs.
Il représente les premiers touristes dans les ruines. Ses jardins sont peuplés de statues, de lazzaroni, de lavandières, de bergers, de mamans avec enfants...
Sa façon de dessiner ressemble à celle de Fragonard qu’il rencontre là bas. Bien des graveurs s’en inspireront.
Les ruines font, en ce XVIII° siècle, office de vanités : « combien Rome fut grande et belle ».
Son sens de la gradation de la lumière où il joue bien des réserves, ses jets d’eau vaporeux, ses effets atmosphériques et ses recompositions de paysages imaginaires vont l’amener au succès.
Membre de l’académie royale, il est chargé  de dessiner, d’aménager des jardins au moment de la vogue des jardins à l’anglaise.  
A Versailles après Le Nôtre, des arbres sont abattus, le bassin d’Apollon réaménagé, le petit Trianon renouvelé. Une laiterie aux meubles en acajou, avec plafond à caisson, fausse grotte et cascade a des allures de temple.
Le Moulin Joli à Colombes est une ferme joliment ornée où les clôtures ont disparu remplacées par un dénivelé dit « ahah ».
A Ermenonville, domaine du marquis de Girardin, où Rousseau finit sa vie, des fabriques sont édifiées dans le parc. Les physiocrates pensaient que la richesse de la nature était bonne pour le pays.
A Méréville, l’influence d’Hubert Robert est plus manifeste avec temples, colonnes rostrales, cénotaphe en l’honneur de Cook.
En outre, Il était tout désigné pour dresser un relevé des antiques en Languedoc.
Sur un même tableau figurent le pont du Gard, la maison carrée, les arcs de triomphe de Saint Rémy et d’Orange.
Il sait saisir aussi  l’actualité et son talent va au-delà de son surnom que le conférencier s’est gardé de rapporter : « Robert des Ruines » pour éviter d’inscrire un stéréotype chez ses auditeurs, pas plus qu’il ne nous racontera cet épisode étonnant trouvé dans Libération: « incarcéré à la prison parisienne de Sainte-Pélagie, avant d'être conduit à celle de Saint-Lazare. Il dut sa mésaventure aux fonctions officielles qu'il occupait pour la famille royale. Loin d'être accablé par son sort, il s'acharne à continuer à peindre et, quand le support habituel lui fait défaut, il continue à le faire sur les assiettes de Saint-Lazare. Pour la petite histoire, l'artiste dut de ne pas être guillotiné à l'insignifiance de son patronyme. Un jour que l'on faisait l'appel des condamnés dans la cour de la prison, un citoyen s'avança hors des rangs quand il s'entendit nommer. Il s'appelait, lui aussi, Robert, et c'est lui qui monta sur la charrette qui le conduisit à l'échafaud. Le citoyen Robert Hubert, quant à lui, tétanisé par la sentence, était resté statufié. Son nom de Robert lui a donc assuré la survie, avant de devenir célèbre dans l'histoire de l'art. »
Il avait peint la fête de la fédération, Louis XVI à sa dernière messe, André Chénier à Saint Lazare et une distribution de lait dans cette prison, la démolition de la Bastille et des habitations sur le pont de Notre Dame, le décintrement du Pont de Neuilly, l’incendie de l’Hôtel Dieu, des polichinelles qui peignent et chantent , madame Joffrin qui se fait livrer son déjeuner par une domestique et se promène  chez les abbesses à la mode…
L’incorrigible a bien envisagé des projets d’aménagement du Louvre mais ne put s’empêcher  de l’imaginer en ruines où seul l’Apollon du Réverbère tient debout.

mercredi 11 juin 2014

Musée archéologique Saint Laurent à Grenoble.

L’église désaffectée en 1980, était classée depuis Mérimée aux monuments historiques.
Aujourd’hui, il ne convient plus de dire « visite de l’église Saint Laurent » mais  au « musée » tant les nouveaux aménagements ont sublimé les lieux par des moyens numériques adaptés, des éclairages judicieux, une pédagogie plaisante. La promesse d’un « décryptage de la crypte » est tenue.
Si l’enveloppe extérieure du XIX° est conservée, la mise en évidence des différentes strates de l’histoire du bâtiment est habile et originale.
Depuis le IV° siècle, un cimetière existait hors les murs, sur la rive droite de l’Isère en face de la bourgade qui aura besoin d’agrandir ses fortifications jusqu’à l’époque  d’Haxo, « le Vauban du XIXème siècle ».
Le lieu fut occupé par des sépultures successives qui ont pu atteindre le nombre de 1500, au moment où le nom de Gratianopolis (ville de l’empereur Gratien) supplanta la dénomination gauloise de Cularo.
Une église cruciforme fut édifiée au dessus des tombes et mausolées .
Puis en 800 une nouvelle bâtisse avec sa nef s’éleva après d’autres reconstructions dont la crypte, dite de Saint Oyand au VI° siècle, très bien conservée, qui reste un rare exemple d’édifice du haut moyen âge encore debout avec ses agneaux et colombes des premiers temps chrétiens.
En l’an 1000 des bénédictins s’y installèrent, ils y prièrent jusqu’en 1790, mais du cloître il ne reste que les fondations.
Mosaïques, peintures, sculptures, vitraux témoignent des différentes époques, ainsi au plafond  se remarquent des svastikas qui n’étaient pas au XIX°, au moment où elles furent peintes, le symbole nazi. Parmi les objets découverts dans les sépultures, un grain de chapelet en forme de tête de mort est remarquable.
Un saint Pierre se devine sous une maçonnerie du XV°, après une vue d’ensemble du site où au dessus de la crypte apparait l’église carolingienne, puis romane jusqu’aux quatre évangélistes peints sur la voûte du chœur autour d’un christ en majesté.
Sur un vitrail,  le saint patron du lieu, Laurent, présente les pauvres à l’empereur comme étant « le trésor de son église », cette impertinence lui vaudra le supplice du grill représenté par ailleurs sur une toile peinte en 1850.
Le site internet http://www.musee-archeologique-grenoble.fr/ est à la hauteur du dispositif mis en place depuis 2011. La visite est gratuite.

mardi 10 juin 2014

Gribouillis. Turf.

Un gribouillis expressif va se promener dans un catalogue des Merveilleuses Usines Mécaniques Modernes genre Manufrance et c’est excellent.
Révélé par une puce perdue dans sa toison embrouillée et après le refus du poêle en fonte de le voir rejoindre une de ces pages, en chien apeuré il va être soumis à un diable sorti de sa boîte qui lui donnera la parole dont il n’abusera pas.
Inventif, poétique, humoristique, l’auteur de « La nef des fous » nous dit bien le monde et la conformité, la liberté, les incompréhensions, la candeur des découvreurs : une  heureuse surprise.
Drap en coton blanc et drap en coton aux motifs fleuris sont excellents en fantômes à la recherche de l’intrus :
« Bigre cette nouvelle est d’importance, il  conviendrait de le retrouver prestement »
« Houlala, les courbatures. J’étais si bien plié moi !

lundi 9 juin 2014

Adieu au langage. Jean Luc Godard.

Je ne peux plus compter sur mes copines, jusqu’aux plus cinéphiles, pour m’accompagner voir le dernier Godard,  même pour seulement une heure dix de surprises.
«Le philosophe est celui qui se laisse inquiéter par la figure d’autrui»
Il s’agissait de la version en 2D, mais de toutes façons avec l’helvète qui s’est lancé dans la 3D nous sommes dans une autre dimension.
«Les deux grandes inventions : le zéro et l’infini. Mais non : le sexe et la mort.»
Des plans très brefs, des musiques interrompues, des couleurs saturées, des citations rapides, des acteurs péremptoires, un chien, des images poétiques, des cadrages obliques, des morceaux de vieux films, la neige sur l’écran et sur les routes, des livres posés sur une table au bord d’un parking.
 « La pensée retrouve sa place dans le caca »,
La liberté.
Mais celui qui dans les années 70 a participé à l’expérience de télévision à la Villeneuve de Grenoble, au discours politique radical, se kripte. Avec la meilleure volonté, je n’arrive plus à décoder, sans doute formaté par les films habituels, et me contente d’apprécier les reflets de la pluie sur le bitume, quelques feuilles tombées dans une flaque, rendu à mes pensées brouillées, à mes bavardages, à mes silences.
« Bientôt tout le monde aura besoin d’un interprète pour comprendre les mots qui sortent de sa propre bouche »

dimanche 8 juin 2014

Torobaka. Akram Khan Israel Galvan.

Le bangladais installé à Londres concluait sa résidence à la MC2 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/itmoi-in-mind-of-igor-akram-khan.html , en collaboration avec le sévillan, sémillant gardien de la flamme : le katchac est si proche de la danse gitane dans les volutes des ses bras et la frappe des pieds. Le toro et la vache.
La danse invite la musique, elle-même tape, rythme, pioche, pique, vibre, pieds nus et  voix nues..L’espagnol est tranchant, le danseur vedette de ces dernières années par chez nous plus enrobant : tous deux d’une intensité, d’une précision époustouflante. Le roi des pieds en vient à enfiler des chaussures à ses mains et il danse de toute son âme. La musique n’est pas en boite et les  chanteurs sont impressionnants dans leur profondeur, nous les suivons dans leur tour de la Méditerranée dont la variété ajoute au charme et à la force du spectacle.
Dans le tourbillon des gestes passent toutes les passions : le défi, la séduction, la vivacité, l’humour, l’accueil, l’orgueil, la générosité, la gravité, la violence qui mène à  poursuivre le rythme en frappant de la tête sur le sol.

samedi 7 juin 2014

Rosa candida. Audur Ava Olafsdottir.

Un jeune homme qui vient d’être père par inadvertance quitte la maison paternelle après la disparition accidentelle de sa mère, il laisse son frère jumeau autiste et son vieux père dans leur maison parmi les laves froides.
Le tableau pourrait être chargé et contrasté en regard de sa nouvelle vie où il reconstitue en un tour de main la plus belle roseraie du monde où vont se multiplier ses boutures de « Rosa candida », dans un monastère lointain où va le retrouver la mère de sa petite fille dont il va savoir s’occuper à merveille.
« Les femmes sont comme ça. Elles surgissent tout à coup devant vous, au seuil d'une nouvelle vie, un marmot sur les bras pour vous signaler que c'est à votre tour d'endosser la responsabilité d'une conception intempestive, d'un enfant-accident.»
Les conditions de lecture influent sur nos lectures. J’ai été emballé tant que je l’ai lu d’un trait appréciant le traitement original des personnages, l’écriture simple, l’humour doux.
« Je trouve qu’il est aussi important que cette jeune fille étrangère-je dis jeune fille comme mon vieux père- se représente une plage de sable vaste et déserte, sans aucune trace de pas, et puis rien d’autre que la mer sans fin… » Je préfère les recherches, les tâtonnements.
Si vers la fin  je me suis un peu lassé de la douce félicité dans laquelle baigne Arnljotur, dit Lobbi, je recommande portant volontiers ce roman islandais. La petite fille dans un monde vieux redonne la santé autour d’elle. Hormis le portrait  sans l’once d’une méchanceté d’un père à gros sabots, fréquenter pendant 332 pages autant d’ingénuité et d’innocence nous console de bien des tromperies du monde.
« On parle du corps à cent cinquante-deux endroits dans la Bible, de la mort à deux cent quarante-neuf et de roses et autre végétation terrestre à deux cent dix-neuf. J'ai recensé cela pour toi; ce sont les plantes qui m'ont pris le plus de temps; figuiers et vignes se cachent partout et il en est de même pour les fruits et toutes sortes de semences » a repéré le moine cinéphile qui parsème le parcours de quelques  formules de sagesse qui ne se prennent pas au sérieux.

vendredi 6 juin 2014

Le Postillon. Eté 2014.

Il a dû bien se vendre le bimestriel avec son titre en première page : « Piolle pollueur », légende gratuite d’un dessin qui voit le nouveau maire de Grenoble reconnaissable seulement grâce à son maillot à pois, ayant attaché Safar et Destot sous un panneau « défense de déposer des ordures ».
Pourtant à l’intérieur rien à ce sujet de pollution, sinon Fioraso en cible récurrente et Vallini en ligne de mire, avec Ferrari nouveau président de la Métro qui va bientôt entrer dans le castelet où il risque quelques coups de massue en carton bouilli. Par contre le dessin d’un Jérôme Safar en crieur enthousiaste pour vanter « Le postillon » qui montrerait « la face cachée de Piolle » est plus drôle.
Effectivement sous le titre « Le vert à moitié plein », le journal joue son rôle critique en précisant ce que les journaux nationaux ont ignoré : la PME que Piolle avait cofondée, Raise Partner, où sa femme est toujours salariée, gère les risques de la bourse pour des investisseurs. Mais nul besoin de clamer son indépendance à toutes les pages comme s’ils en doutaient : le mieux quand on prétend à l’exemplarité journalistique c’est dans les actes sans besoin de sous titre, et en se relisant pour éviter d’avoir deux fois la même brève sur la même page où il est question … d’Albert Londres.
Par ailleurs les aficionados de « pièces et main d’œuvre » qui levèrent quelque lièvres voir  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/le-postillon-fevrier-2014.html donnent dans le reportage nostalgique : avec Libéria ancienne fabrique de vélos et une visite chez un fabricant de tampons en caoutchouc et « una brizi de littérature patoise ». Une galerie de portraits d’hommes qui vivent dans la rue, au jardin de ville  et place Grenette parlera aux grenoblois.
Je fais partie des psychorigides passibles « d’une thérapie collective » qui regrettent que les articles ne soient pas signés, mais quand on prétend être exigeant avec la démocratie, l’anonymat ne me semble pas cohérent avec la crédibilité, la vérité(Pravda), l’honnêteté.
De même que des militants qui ont fait la campagne de Piolle qui parlent sous pseudos, manquent de courage politique, leurs paroles en sont amoindries et dévaluent le titre : «  il n’y aura pas de printemps grenoblois ». En tous cas pour la transparence, faudra attendre : en matière d’informations le voile de pollution au dessus de la cuvette ne s’est pas totalement levé. 
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Dans le Canard de cette semaine: