mercredi 19 octobre 2022

L’île d’Olonne.

En se rapprochant de l’île d’Olonne
nous apercevons puis suivons un panneau indiquant l’observatoire des oiseaux.
Un chemin de terre mène à un petit parking perdu au milieu de nulle part et ensuite,  un sentier piéton conduit à une cabane style mirador dominant le paysage.
Un magnifique panorama s’étend sur les plans d’eau séparés par une végétation de milieux humides, squattés par les oiseaux dans une nature préservée de la présence humaine : 
de nombreuses espèces cohabitent en harmonie apparente, hérons, barges et autres que nous ne savons nommer.
Au loin se dessine la silhouette estompée du village.
Une grande sérénité se dégage de ce décor intemporel. Pendant notre contemplation débarquent deux femmes en vélo équipées de matériel quasi professionnel d’observation.
Elles viennent fréquemment scruter les oiseaux qu’elles connaissent bien.
Ces passionnées du coin nous renseignent sur les différents volatiles présents, leurs habitudes, leurs noms, et mettent à notre disposition leurs puissantes jumelles.
Elles auraient pu nous parler des heures d’ornithologie, mais nous souhaitons visiter les marais salants qu’elles ne manquent pas de nous recommander. Nous atteignons vite l’île d’Olonne peu distante en voiture. Le village arbore un aspect propret et prospère jusqu’à l’église bénéficiant  d’une toilette de sa façade actuellement cachée derrière les échafaudages. 
Le dynamisme de la localité s’exprime aussi à travers un festival de la photo, visible tant dans le centre-ville que le long du chemin menant du parking aux marais.
En effet, des reproductions sur panneaux révèlent le talent de photographes professionnels.
Certains spécialisés dans la capture d’images d’animaux ont saisi des moments fugitifs  incroyables, d’une grande qualité de précision et définition;
d’autres proposent des clichés de paysages extraordinaires avec des pierres colorées par des sels et des métaux ou avec des brumes fantastiques particulièrement adaptées dans ces marais.
Les cabanes des sauniers s’aperçoivent au bout du chemin. 
Elles s’élèvent au milieu des aires ou œillets.
Sur place, des paludiers s’occupent pour l’instant  de la vente de leurs produits : sel de différentes sortes et salicornes, et fournissent des informations au public intéressé.
Ils nous  apprennent
- que des algues rouges protégent le sel du soleil
- que la pluie leur impose à chaque fois de vider les bassins d’une eau devenue saumâtre, qu’elle les contraint à reconstruire régulièrement  les petites digues.
Tout le matériel d’exploitation attend à portée de main, râteaux seaux brouettes …., 
prêts à l’emploi.
Si nous poursuivions le sentier des sauniers, piéton et cyclable, nous pourrions arriver à la plage de Sauveterre.
Mais il est temps de se rendre à la fête des 30 ans de notre nièce,  
alors nous rebroussons chemin.

mardi 18 octobre 2022

Retour à Killybegs. Pierre Alary.

La lutte des Irlandais contre les Anglais, d’après Sorj Chalandon avec la trahison comme thème central fait l‘objet d’une nouvelle bande dessinée.
Le rappel de ce conflit m’a paru lointain et je n’ai pas partagé le conflit personnel du traitre qui se confie à mots comptés, passant de la passion nationaliste à la solitude de l’incompris, secret.
J’ai appris que la violence présente sur ces terres pendant des décennies a amené les partisans de l’IRA à apprécier tout ce qui pouvait affaiblir l’ennemi british et donc se retrouver  à un moment du côté du III° Reich.
L’antagonisme religieux entre protestants et catholiques est aussi évoqué mais m’a semblé extérieur à une démarche intime douloureuse dont la profondeur reste mystérieuse.
Je n’ai pas vraiment compris la passion de la lutte pas plus que les motifs pour s’en éloigner malgré les traits acérés et les paroles fortes. 
La singularité de ces 160 pages tient peut être dans cette absence de jugement : ni héros, ni salaud. 
 « Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L’IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n’ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j’en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j’enrage. N’écoutez rien de ce qu’ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m’avoir connu. Personne n’a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd’hui, c’est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu’après moi, j’espère le silence. »

lundi 17 octobre 2022

Plan 75. Chie Hayakawa

Les faits divers les plus extraordinaires peuvent exprimer avec évidence des tendances sourdes des sociétés, exacerbant des traits immémoriaux comme ici au Japon où le vieillissement de la population est un problème aigu.
Emue par un massacre de 19 personnes dans un établissement pour personnes handicapées, la réalisatrice imagine une fiction très réaliste avec une loi qui encouragerait l’euthanasie ne figurant plus seulement en tant que droit mais - on vient de me le souffler - comme un devoir.
La condition des vieux contraints de travailler au-delà du temps réglementaire est décrite en évitant toute caricature. Nous suivons également la trajectoire d’un jeune travaillant à ce programme, d’une accompagnante et d’une employée immigrée, tous crédibles dans cette entreprise terrible. 
Je n’ai pas lu dans les critiques d’allusion au film bouleversant « La ballade de Nayarama » (1983) où un fils porte sa mère au sommet de la montagne après qu’elle eut réglé ses affaires.  Mais je n’ai cessé d’y penser comparant les récits à 40 ans de distance pour des modalités de fins de vie ayant quelques siècles d’écart : la rudesse est la même. 
La beauté de l’actrice amenée à choisir une issue fatale, les lumières de la photo magnifiant les gestes de la vie les plus anodins et le rythme lent permettent une réflexion face à la mort q échappant aux hystéries qui ne manqueront pas de se déchainer autour des réflexions engagées sur le sujet dans notre pays sage, pas tant que ça.  

dimanche 16 octobre 2022

Neighbours. Brigel Gjoka & Rauf « Rubberlegz »Yasit.

J
e suis le plus réservé du groupe d’amis retrouvés après cette heure de danse qui a bouleversé la plupart et ravi les autres.
J’ai attendu trop longtemps la musique dans le silence initial devenu habituel dans les spectacles chorégraphiques faits pour accorder en principe les gestes aux rythmes.
Sinon les contorsions ne sont que tortillements, les déhanchements de vaines agitations.
L’absence de repères musicaux me rend d’autant plus admiratif de leurs performances mnémotechniques dont résultent de beaux gestes fluides me paraissant parfois trop spasmodiques.  
J’ai bien lu qu’un des danseurs venait du hip hop et l’autre du folklore mais leur rencontre chaplinesque par moments a mis du temps à se mettre à dialoguer et le beau moment où ils dansent avec des étoffes rouges m’a semblé trop bref. 
Le musicien Ruşan Filiztek et son tanbûr, luth kurde, aux sonorités envoutantes intervient un peu tard à mon goût.
Les deux compères ont déjà joué dans les ballets de Forsythe.

samedi 15 octobre 2022

Ma forteresse. Antoine de Baecque.

La marche solitaire dans le Vercors de l’historien, commence  dans le Trièves, « cloître des montagnes » au pays de Giono. Après l’évocation habile de tant de lieux de résistance, le livre  se conclut à Sassenage au pont Charvet où Jean Prévost est tombé.
Sur une feuille plastifiée est écrit: 
« … Vous qui passez, ayez une pensée pour ces combattants de la liberté, et si vous le pouvez arrosez un peu les fleurs. » 
Ces 283 pages nourries de littérature et d’histoire adossées à une bibliographie importante sont vibrantes de souvenirs revivifiés, d’attentions aux autres et à la nature, qu’un humour à l’égard de lui-même rend légers.
Ce territoire est habité :  
«  Je me souviens du fils un peu coincé d’une famille catho que fréquentaient mes parents, qui avait lancé à son père, alors qu’on s’était arrêté là pour un casse-croûte : « père, est-ce bien convenable de pique-niquer sur une tombe ? »
Je ne saurai passer sereinement un séjour à Vassieux.
L’ancien journaliste de Libé parle intimement à l’ancien lecteur que je fus. 
« Plus j'avance dans ma vie, plus mes rêves se conjuguent au passé, peut-être pour me signifier que le passé est désormais mon vrai présent. L'évolution est profonde : tant de choses du présent ont si complètement cessé d'exister pour moi, et de m'intéresser, notamment les débats dits de société ou encore la plupart des recherches et des thèmes qui les mobilisent - le « postcolonial », I’« anthropocène», I'« histoire-monde », les « études de genre » - , et je tente d'échapper le plus possible aux intersections du jour, que je considère avec indifférence comme les réparations conformistes d'une grande plainte généralisée. »
 La présence du passé effleure chaque individu, mais les commémorations  que l’auteur appelle à multiplier concernent-elles intimement la jeunesse en particulier, et même notre société dans son ensemble, harcelée par l’immédiat médiatique ? 

vendredi 14 octobre 2022

Brouilles.

Une paire de contradictions de plus, ci-dessous décrites, ne va pas contribuer à me sortir de l’inventaire obsédant des paradoxes contemporains.  
- Première bizarrerie : l’urgence écologique n’a jamais été aussi évidente, les écologistes n’ont jamais été à ce point inaudibles.
Coquerel, le coquelet vient à peine de descendre du manège médiaclic que Bayou a gagné la queue du Mickey et Quatenens a perdu la main.
Nous jubilons quand les donneurs de leçons se doivent d’en subir, des leçons, bien qu’ils soient peu désireux d’aller à repentance, « en chemise, pieds nus et la corde au cou ».
Depuis le peignoir de DSK, la politique met les dessous, dessus.
Quand Sandrine Rousseau se fait siffler à la manifestation de soutien aux iraniennes qui n’en peuvent plus du voile, alors que la députée estime qu’il est fort seyant chez nous, je me gausse.
Pour chérir la diversité des opinions s’exprimant dans les journaux, je doute rarement de l’honnêteté des rédacteurs, même si quelques chartes signées récemment par des radios d’état scellent un certain conformisme bien pensant.
Des préconisations écologiques déversées à longueur de journée perdent de l'impact quand  les micros mis systématiquement sous le nez de la Savonarole transversale nous exaspèrent.
- Deuxième extravagance : la distance flagrante entre les mots et le réel saute aux yeux avec la remise en question du « travail » pendant que fleurissent les discours sur la valeur « travail ». 
Le phénomène post Covid des démissions révèle une maladie de la société où le mot investissement ne sait se compter qu’en €uros et non plus comme un engagement au service de tous. 
Celle qui sature les écrans affirmait la « valeur travail est clairement une valeur de droite » en réponse à Roussel qui disait :  
« la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et des minima sociaux ».
J’ose brandir de mes ancêtres, une présence au « travail » 365/365. Cette notion triplement répétée ci-dessus fait mal au dos et nourrit les moulins à paroles. Le chômage figurait en tête des questionnaires à sondages, il a disparu, burnouté, plus un chiffre, rien ; ne compte plus que la température du chauffe-eau. 
Je suis de ce côté des mots qui ne brassent même plus un air traversé de missiles tout en continuant à me renseigner par des journaux. « Le Monde » dans sa version papier m’impressionne par la place accordée à la guerre en Ukraine, de quoi se sentir relativement bien à l’abri dans notre bunker occidental.
Je prends chez Raphaël Enthoven dans le dernier « Franc Tireur » la citation d’un ancien prix Nobel qui n’avait pas besoin de mettre à la fenêtre ses petites culottes contrairement à la dernière lauréate. 
« Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde » Camus.

jeudi 13 octobre 2022

Surréalisme et mythologie moderne. Didier Ottinger.

Le surréalisme est à l’ordre du jour à la biennale de Venise et au centre Pompidou pour le 100° anniversaire du manifeste rédigé par André Breton. Le directeur adjoint de Beaubourg devant les amis du musée de Grenoble dont le catalogue présente « Gradiva » d’André Masson pour illustrer la première conférence de la saison 22/23, souligne le dessein d’un mouvement fondé par des poètes, de produire un récit fédérateur.
Contrairement aux autres groupes d’avant-garde menés par des artistes, ils se voient emblématiques comme Homère avec les grecs, Virgile vis-à-vis de la civilisation romaine ou Dante pour la Renaissance, tous trois réunis dans
« Le Parnasse» de Raphaël.
« Oedipe explique l'énigme du sphinx »
Ingres. Assez aveugles au départ vis-à-vis des images, l’invention d’une nouvelle mythologie pourrait « refonder une culture ». Elle prendrait  comme base les théories de Freud lorsqu'il associe l’inconscient et des manifestations de la psyché humaine à des figures allégoriques.
« Le départ des Argonautes »
. Giorgio de Chirico, né à Vólos d’où partirent les chercheurs  de la toison d’or, avait trouvé refuge chez l’inévitable Apollinaire.  Le poète inventa le mot « Surréalisme » pour les adeptes de la beauté selon Lautréamont « rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ».
Chirico
« L'après-midi d'Ariane »
. Le fil de la belle permit à Thésée de sortir du labyrinthe tracé par Dédale pour l’archaïque Minos. Sur une île où le promis l’abandonna, elle trouvera Dionysos qui s’engagea selon une version à être son « labyrinthe » risquant la complexité, loin de toute rationalité. La nuit romantique s’oppose aux « Lumières ».
« Paris la nuit »
Brassaï
Aragon
, dans « Le paysan de Paris », fait l’éloge des passages dont celui de l’Opéra où se situait
« Le café Certa » La lumière ne se comprend que par l'ombre, et la vérité suppose l'erreur. Ce sont ces contraires mêlés qui peuplent notre vie, qui lui donnent la saveur et l'enivrement »

L
es surréalistes vénèrent Fantômas, figure populaire de la ville mystérieuse 
ainsi Magritte pose à coté de son tableau « Le Barbare ».
« Le Minotaure »
 de Picasso a intégré
« Le Labyrinthe » d’André Masson et donné son nom à la revue que celui-ci fonda avec Georges Bataille.
Le titre « Acéphale » qui prit la succession signifiait clairement leur affranchissement des règles de la raison. Le corps social s’exprime, débarrassé de toute instance supérieure.
La mère du Minotaure, « Pasiphaé » par Masson
ou par Pollock , fait écho au marquis de Sade,
comme la « Femme égorgée » d'Alberto Giacometti.
L’indienne représentée dans « La femme-lune coupe le cercle » de Jackson Pollock marque l’indépendance des américains par rapport à la mythologie antique.
L'Âge d'or »  film de Luis
Buñuel et Salvador Dali , recherche un paradis perdu d’avant le cinéma réaliste.
« L’inspiration »
d’Yves Tanguy peut évoquer un monde originel embryonnaire,
comme les compositions de Jean Arp.
Jean Painlevé
aux films scientifiques remarquables eut des liens avec les littéraires, de même que des ethnologues publiant dans leurs diverses revues dont
« Documents » illustrée par Eli Lotar: « Les abattoirs de la Villette ».
Alfred Rosenberg
théoricien du fascisme dans son ouvrage « Le mythe du XX° siècle » soutenait qu’une société tient par ses mythes, revenant aux paganismes pimentés de lutte des races.
En 1938, Marcel Duchamp  a mis en scène sous des sacs de charbon, des œuvres de Chirico, Arp, Ernst, Klee, Man Ray, Masson, Miró, Picasso.
En 1942 à New York pour l’exposition « First papers of surrealism » il a utilisé des ficelles.
Loin d’Ariane ou Oedipe, dans les années 50, Roland Barthes cite le Tour de France, Minou Drouet, le plastique, le catch… comme les nouvelles « Mythologies » consommables.
Andy Warholl « 32 boîtes de soupe Campbell » 
« Si je parcours les campagnes, je ne vois que des oratoires déserts, des calvaires renversés.  […] Ô Texaco motor oil, Eco, Shell, grandes inscriptions du potentiel humain! Bientôt nous nous signerons devant vos fontaines, et les plus jeunes d'entre nous périront d'avoir considéré leurs nymphes dans le naphte » Aragon