Il est habituel de critiquer les réseaux sociaux sur les
réseaux sociaux. Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) ont modelé nos façons de nous exprimer, de penser, de
vivre en répondant à des besoins qu’ils ont amplifiés, et nous nous
plaignons d’une puissance qu’on leur a donnée. Depuis l’illusion égalitaire se
joue entre économistes adoubés par eux-mêmes, sélectionneurs de toujours, et
médecins de fraîche date, avec opposants aux caméras de surveillance regrettant
que les policiers ne soient pas filmés ; caméras pour
tous ! Et soyez dignes de l’uniforme d’homme que vous portez.
Ce n’est pas
une session de formation qui pourvoira à
la qualité des coutures qui tiennent notre société mais une éducation par les parents et l’école. La tâche
est rude quand des enseignants pourtant rétifs à toute instruction venant du
haut se disent pas assez formés pour défendre la laïcité : pourquoi ils
font ce boulot ? Mon pépé maréchal-ferrant savait en causer dans d’autres
temps qui n’étaient pas moins tendus (10 millions de signatures contre la loi
Debré en 1960).
Ce XXI° siècle est certes religieux mais aussi individualiste.
Polarisés autour de notre nombril, nous cherchons pourtant les agents de nos
frustrations loin de nous, vers l’étranger ; quant aux causes de nos
malheurs nous pointons le doigt vers le haut, vers Dieu, l’état.
Des réflexions venues d’ailleurs valant pour un sujet
particulier peuvent servir dans d’autres domaines quand Alain Térieur s’enrichit
des recherches d’Alex Térieur.
Mohamed Cherkaoui,
prof et diplomate, invite à ne pas voir dans le développement du salafisme que
des causes exogènes (influence des réseaux sociaux et chaines satellitaires,
bailleurs de fonds, misère confrontée au développement économique) mais aussi
des causes endogènes :
« la
perception dépréciée que les musulmans ont d’eux-mêmes ».
Alors
que « le mérite de la victoire
contre les soviétiques en Afghanistan revient aux combattants de la
foi […] une foi granitique et une résolution inébranlable à défendre
ses principes suffisent à faire chanceler un pouvoir ».
Ce matin, sur mon éphéméride, j’avais sous les yeux une
phrase de George Sand :
« Et tout en
parlant de la République que nous rêvons et de celle que nous subissons, nous
étions arrivés à l’endroit du chemin ombragé où le serpolet invite au
repos. »
Pour ce qui est de la République, Marcel Gauchet offre le recul historique qui mesure la
résolution de quelques contradictions:
« Le sursaut
gaullien avait extirpé la France de l’entêtement colonial où la IV° république
s’est perdue. Il a apporté, avec les institutions de la V°république, une issue
pacificatrice au conflit qui opposait, depuis la révolution française, les partisans
de la souveraineté parlementaire à ceux d’un pouvoir fort. »
Tous les intellectuels ne sont pas des éclaireurs : quand
des créateurs adossés à des structures anciennes se proclament «
déconstructeurs » ils usurpent leur titre qui évoque les bâtisseurs plutôt
que les saboteurs. Le terme « déconstruire » date du french Derrida,
mais appliqué au Macdo de Millau, il s’est avéré un cache-misère. La France est
l’un des pays qui compte le plus de restaurants où Ronald
est à l’enseigne (sans compter le nombre d’hamburgers proposés sur
toutes les cartes françaises).
Les furieux du dézingage sont servis sur plateaux, pleinement
en accord avec les allergiques aux règles communes qui ne s’interdisent pas
dans la foulée à en appeler à plus d’intervention de l’état. Leurs emplois du
temps saturés d’indignations ne leur ont pas permis par exemple de relever que
des subventions versées à des organisations interdites (CCIF Collectif Contre
l'Islamophobie) pouvaient être problématiques.
« Le carré blanc » qui interdisait aux enfants les
films aux décolletés trop profonds dans les années 50 revient avec la «cancel
culture» (boycott, effacement, humiliation) qui s’offense dès qu’une opinion
est contraire à la leur. Les gazelles pudiques s’effarouchent et les hyènes
dactylographes tapotent.
Depuis nos îlots isolés les possibilités de dialogue
diminuent, ne reste plus qu’à s’échauffer entre soi.
Le recours aux anciens devient un peu lassant mais que dire
de plus quand la modernité est furieusement archaïque?
Kant revoit Horace :