mercredi 6 mai 2020

Lacs italiens 2019 #13. Isola Madre

D. retourne ramasser des pommes et J. à nouveau les cuisine en compote.
Nous levons le camp sous un ciel parsemé de quelques nuages peu menaçants et une température plus élevée que les matins précédents.
Nous prenons nos tickets pour l’Isola Madre  dans la guitoune du publico servizio (45 € pour quatre personnes).
Le marinier rechigne un peu pour la carte bleue mais l’accepte et c’est le parcmètre qui se montre  moins coopératif, aussi le marinier vient à mon secours car il nous attend pour le départ.
Le voyage dure dans les 10 minutes, l’île étant la plus éloignée des trois. Nous ne sommes guère nombreux à débarquer. Après un petit café, nous payons notre droit d’entrée : 13 € chacun.
Le temps est maintenant ensoleillé et doux, parfait pour flâner dans le jardin botanique  à l’anglaise.
 Il ressemble plus à un parc de huit hectares qu’à l’extérieur ordonné du palais d’Isola Bella. 
Il regroupe une grande variété de plantes, certaines connues d’autres plus exotiques, certaines en pleine terre d’autres dans des pots en terre. 
Les couleurs multiples explosent et jouent un rôle important dans les associations des fleurs ou des feuillages pour obtenir des massifs composés avec goût : azalées, rhododendrons, lantanas, hibiscus, houx, bougainvilliers, bananiers, bambous verts ou noirs, oliviers, lotus, feuilles vert clair ou foncé, unies ou panachées….
Déraciné lors de la tempête de 2006, le vénérable et  grand cyprès du cachemire  vieux de deux cents ans, a été redressé à l’aide de grues et se maintient grâce à des câbles solidement enfoncés, près de l’entrée du palais.
Difficile d’imaginer que toute cette végétation résiste aux frimas de l’hiver et pourtant !
Il n’y a pas que les plantes hébergées et soignées dans ce petit paradis. 
 
Des paons et des faisans peu farouches circulent librement au détour des allées, blancs ou colorés, mais ne se laissent pas photographier facilement.
Quant aux perroquets et aux perruches, ils sont prisonniers dans des volières piazzale dei pappagali, tandis que des moineaux gourmands de l’autre côté des grilles les narguent et s’approchent pour profiter de leurs  graines.
Si le Palazzo  semble plus modeste que celui d’isola Bella, il ne manque cependant pas de curiosités.
 
 
-  Nous découvrons d’abord  une série de portraits espagnols dont celui de Philippe II
- Des objets plus personnels comme la collection de poupées de la comtesse, des parapluies, des chemises et éventails  révèlent  les goûts et  la vie de leurs propriétaires aisés.
- les marionnettes à fil protégées derrière des vitrines témoignent  de leurs distractions. Le théâtre privé semble prêt à fonctionner avec ses quelques chaises placées face à la scène devant trois ou quatre pantins attendant de prendre vie au milieu du décor. Les personnages  sont issus de la comedia del Arte, ou représentent des commères, des juges, des policiers, un loup, parfois proches de la caricature. C’est vraiment original et intéressant à détailler.
- au niveau du Palazzo lui-même, un art de vivre raffiné transparait ; un  joli salon d’angle lumineux aux murs peints  de dessins délicats  est gratifié d’un monumental lustre vénitien.
A la sortie, la déambulation nous conduit directement vers une chapelle extérieure. 
Elle est  séparée du Palazzo par un bassin fleuri de nénuphars, et est accessible via un escalier à balustrade curieusement, gardé par un lion chinois.
Inévitablement, nous devons traverser la boutique où je remarque, comme hier, la vente d’une eau parfumée qui se revendique des îles Borromées.  
« Nulla sveglia un ricorde quante un parfume » « Rien n'éveille mieux un souvenir qu'un parfum » Cette citation de Victor Hugo participe à sa publicité.
Nous traînons un peu  au milieu des plantes étrangères (Australie et Nouvelle Zélande) avant d’attraper le dernier bateau de 13h50 pour Stresa.
 
Il est tard et nous consommons notre plat de pâtes quotidien au restaurant attenant au funiculaire.
Nous n’avons pas à  chercher l’embarcadère si peu indiqué et le petit parking au pied du funiculaire du Mottorone, nous sommes en terrain connu.


lundi 4 mai 2020

L’argent. Marcel L’Herbier. Jean François Zygel.

Nous sommes allés à la MC2  avant tout pour le musicien pédagogue vu à la télé qui sait si bien communiquer sa passion. Comme Zygel nous l’a expliqué, il est arrivé que des orchestres symphoniques soient invités à des projections cinématographiques de ce qui était à ses débuts un art forain.
Ce soir, le pianiste au premier plan fait mieux qu’accompagner les images muettes de Marcel l’Herbier, fondateur de l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques).
Le film très art déco, inspiré du roman homonyme de Zola qui se déroulait au XIX° siècle, date de 1928, juste avant le crack boursier, alors que le cinéma muet vit ses derniers instants.
Si les regards expressifs des acteurs n’impressionnent guère le spectateur d’aujourd’hui, les mouvements de caméra, les décors, les costumes, justifient les éloges que cette œuvre richement financée a recueillis tardivement.
Le format  de 2 h 50 aurait pu être raboté, sans nuire à l’incompréhension qui peut naître devant la frénésie des mouvements boursiers, matière peu cinématographique, en dehors des vues sur un lieu qui avait toutes les raisons de s’appeler la corbeille.
L’aviateur adjoint du banquier a mis plus de temps à se décoller de sa femme que pour traverser l’Atlantique. Par contre il perd la vue et la retrouve en moins de temps que je mets à retrouver mes lunettes.
Il est intéressant de voir Antonin Artaud acteur et Yvette Guilbert en boursicoteuse, quant à  La baronne Sandorf jouée par Brigitte Helm dans le genre femme fatale qui ne succomberait pas ?
La silhouette des Dupond et Dupont apparaît même avant leur première sortie en 1934 dans « Les cigares du pharaon ».
Avant la conclusion qui apporte une touche d’humour bienvenue, une formule éprouvée se retrouve sur un carton : « L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître ». Elle peut servir de résumé.

dimanche 3 mai 2020

La route de Beit Zera. Hubert Mingarelli.

L’auteur vient de mourir à  Grenoble à l’âge de 64 ans et j’ai le souvenir de la ferveur de lectrices à son égard que je partageais
Comme l’histoire se déroule en Israël, près du lac de Tibériade et de la ville de Beit Zera on peut penser que l’affaire israélo-palestinien va être présente d’autant plus qu’un enfant arabe vient rendre visite fréquemment au personnage principal qui a servi dans l’armée israélienne.
Le conflit est là profondément, mais l’écriture de Mingarelli élève le récit à l’universel.
La peur, la fidélité, l’attachement, l’amour, l’amitié, la méfiance sont exprimés avec une grande pudeur, et n’en prennent que plus de relief.
La solitude, l’attente, rendent l’atmosphère beckettienne dans cette maison de solitude, où chaque geste, chaque mot rare, voire chaque silence appelle la tendresse.
La caresse à un chien, un nuage, des nuages, une cigarette, illuminent ces heures répétitives et essentielles.  
«  La nuit lorsqu’il se leva et vint s’asseoir dans la cuisine, c’est encore à cela qu’il pensa, à son trouble en entendant le garçon tousser. A cause de la nuit, à la façon dont elle déforme les choses, cela lui apparut comme un évènement considérable ; un bruit l’interrompit. Il alla vers la fenêtre. Derrière la vitre il entrevit quelque chose qui s’agitait. Il sortit sous la véranda. En l’entendant venir, l’oiseau s’envola du rebord de la fenêtre. »

vendredi 1 mai 2020

Incertitudes.

Maintenant que le « monde de demain » prendrait des allures d’avant-hier avec topinambours au jardin et carriole à cheval, me revient le schéma du logement de fonction comme perspective d’avenir, à réhabiliter alors qu’il avait tendance à ne subsister que de façon résiduelle.
Des propositions récentes de résidence pour le personnel soignant à proximité de l’hôpital m'évoquent quelques images sépia d’école au centre du village.
A ce propos, une anecdote qu’une fille de maître d’école de l’Ardèche se plait à raconter : une institutrice installée dans son appartement au dessus de la salle de classe commandait d’un coup de talon le changement d’élève lisant à haute voix lorsqu’un inspecteur vint à passer par là. Il n’y a pas lieu d’idéaliser la hussarde noire des temps anciens pas plus que de craindre forcément une proximité des agents de l’état avec leur public d’aujourd’hui.
Alors que les déplacements deviennent de plus en plus problématiques, la possibilité de loger à côté de son lieu de travail peut compter dans l’attractivité de métiers qui peinent à trouver du personnel. La cité ouvrière n’a-t-elle pas été le terrain où se concrétisaient des utopies sociales qui se sont souvent bien accommodées avec l’esprit de corps, le patriotisme du métier, le chauvinisme de la boîte ?
Je suis cohérent avec mes plaidoiries répétitives qui soutiennent l’idée de « construire la ville sur la ville ». Ainsi moins de mitages des surfaces agricoles, d’embouteillages à l’entrée des agglomérations, et plus de temps pour s’occuper de soi et des enfants, voire d’un jardin sur le toit. Cette vision écologique aux couleurs pastel se heurtera au mécontentement  de riverains préférant des pavillons à des immeubles fusent-ils de taille modeste et de plus belle allure que les reproductions de maisons « Ile de France » mal isolées.
Les jeux du marché, avec télétravailleurs transformant leur résidence secondaire en domicile principal, verraient-ils un desserrement des prix des logements en ville ?
Ces plans sur la comète arrivant sur une planète ruinée en un clin d’œil par un imperceptible virus couronné, s’ils donnent matière à réfléchir au confiné confortablement installé, ne peuvent rien sur le cours des choses qui voit le chômage exploser alors qu’il était en train de se réduire. 
« Essayons d’agir sur ce qui dépend de nous, mais quand on est face à quelque chose qu’on ne peut changer, il vaut mieux l’accepter joyeusement Frédéric Lenoir
Le sentiment d’un grand danger, voire d’une mort imminente pour les plus démunis, devrait appeler plus de précautions : il n’en est rien. Quand tout devient égal sous l’empire de la nécessité la plus urgente, plus rien n’a d’importance.
Que cela étreigne les « Intouchables », là bas, peut se concevoir mais n’excuse pas les desesperados de par chez nous prêts à revêtir toutes les tuniques criardes mais se défilant devant toute responsabilité.
« L'incertitude est le pire de tous les maux jusqu'au moment où la réalité vient nous faire regretter l’'incertitude. » Alphonse Karr
L’ambigüité, le doute sont excitants intellectuellement pour ceux qui sont dans une situation stable mais angoissent les « oiseaux sur la branche ». A ceux-là s’ajoutent tant de « bien assis » opposés aux décisions verticales, se révulsant à chaque variation dans les solutions proposées, ne voulant pas comprendre des aménagements, reprochant tout et son contraire, dénonçant autoritarisme et indécision où l’on peut lire responsabilité et sens de l’adaptation.
Souvent ceux qui en appellent à des changements drastiques pour le temps d’après ont le plus de mal à sortir de leurs mantras confinés des temps d’avant.

mercredi 29 avril 2020

Lacs italiens 2019 # 12B. Isola bella (suite)

Nous nous en étions arrêtés  dans l’île principale des Boromées au matin
La devise des Borromé « humilitas » figure à différents endroits,  surprenante au milieu de ce déploiement de faste !
Très inattendues, les grottes à l’étage inférieur, en rocaille, constituent pratiquement une résidence d’été où sont entreposées quelques statues ainsi que des parures de chevaux.
Les pierres ou petits galets polychromes gris noirs et blancs sont artistiquement, géométriquement agencés.
Quelques échappées lumineuses donnent sur les jardins.
Nous sommes surpris par la taille gigantesque de ce palais. 
Il comprend une cinquantaine de pièces, nous n’en avons visité qu’une partie car les descendants de la famille jouissent encore de tout le 2ème étage,  privé, qu’ils aiment à fréquenter pendant les vacances d’été.
A l’extérieur, le jardin se termine par une immense architecture ornementée de statues au- dessus de laquelle une terrasse est  accessible par des escaliers.

Celle-ci surplombe le lac et du côté opposé au palais, la construction donne l’impression d’une proue de bateau. 
Une balustrade à l’italienne la parcourt, supportant des vasques en terre cuite avec des plantes vertes qui se découpent sur le bleu du ciel et lac. De monumentales statues mythologiques s’élancent vers le ciel et nous écrasent. Deux d’entre elles brandissent la licorne et le chameau face au « continent ».
Le sens de la visite est bien tracé que ce soit dans le château ou les jardins, nous nous laissons porter sans même nous en rendre compte vers la volière puis les jardins à la française en passant inévitablement par la boutique et le bar.
Nous ne prenons  pas  la sortie 2 nous découvrons ainsi  une serre cachée par des bambous qui protège de curieuses plantes mousseuses et tombantes, des orchidées et des rhododendrons.
Nous ne patientons que 15 minutes à l’embarcadère avant de monter dans le bon bateau.
Nous reprenons ensuite  la voiture pour nous rapprocher de Stresa où nous ne rencontrons aucune difficulté pour nous garer devant le grand hôtel (emplacement blanc).
Ce bâtiment de la belle époque est annoncé par une magnifique bannière. 
Nous pénétrons dans son parc dont l’architecture centrale évoquant les quatre continents sert de décor à une séance de photos d’un jeune couple de mariés asiatiques.   
L’hôtel lui-même est admirable, raffiné avec sa marquise ou ses portes en verre gravé. Nous en mesurons le luxe en pénétrant à l’intérieur,  ambiance ouatée et personnel discret.
L’hôtel Regina ne manque pas d’attrait non plus, doté d’une entrée toujours style belle époque, et de vitraux autour d’une porte surmontée d’une petite coupole colorée.
D’autres hôtels aux noms prestigieux investissent aussi  cette avenue qui longe le lac comme l’Asturia mais certaines belles demeures et leur parc montrent des signes d’abandon.
Nous nous enfonçons dans les ruelles commerçantes et dégustons une glace devant des façades très particulières au niveau peintures qui envahissent jusque sous les balcons (blasons)
Après l’achat de pain, moins cher qu’en France (et moins bon) nous rentrons par la même route qu’hier ; nous apprécions la montée au-dessus de Stresa au point de vue superbe,  et nous  sortons à Meina avec la difficulté de conduire face au soleil rasant mettant en évidence la nécessité d’un lavage du pare-brise.
Nous sommes dans l’obligation de téléphoner à Lucas notre logeur car le portail refuse obstinément d’obéir à la télécommande. Après nous avoir dépannés, notre hôte s’assure que nous n’avons besoin de rien avant son départ ce soir  avec l'avion qu'il pilote pour Tel Aviv, il sera de retour demain à 6 h.
Nous faisons ronronner le poêle pour chasser l’humidité, J.  fait de la confiture de figues et une compote de pommes avec les fruits de la propriété, puis nous mangeons la pasta, point final d’une bonne et riche journée.